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LITTERATURE
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Le Tricheur et la corde raide. Premières oeuvres 1945-1947
Claude Simon, Mireille Calle-Gruber
- Éditions de Minuit
- Roman Français Minuit
- 8 Mai 2025
- 9782707356543
Publiés au Sagittaire en 1945 et 1947, soit une dizaine d'années avant Le Vent qu'il considérait comme sa véritable entrée en littérature, Le Tricheur et La Corde raide sont les deux premiers livres de Claude Simon.
On y découvre, déjà en place, les grands motifs de l'oeuvre à venir. Dans Le Tricheur : une fugue tragique et sans issue, celle de deux amants à travers la France. Dans La Corde raide : l'enfance, Barcelone pendant la guerre d'Espagne, la débâcle de 1940, restitués sous forme fragmentaire et puissamment réflexive.
Après avoir été un temps diffusés sous la couverture des Éditions de Minuit à la fin des années 1950, puis laissés épuisés, ces deux livres sont ici réunis pour la première fois en un seul volume.
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La Déflagration est d'abord l'histoire d'un séisme. Celui que constitue, pour une mère, l'engagement de son fils unique dans l'infanterie. Il y a le choc de cette décision. Le choc d'une séparation. Cet engagement dans l'Armée signe l'irruption concrète de la guerre dans la vie des parents. Ils contemplent soudain l'inconnu, avec la crainte d'une guerre totale à venir - puisque celle-ci a déjà commencé aux confins de l'Europe et qu'elle se rapproche. Il s'agit pour la mère et le père de continuer à vivre en respectant le choix de leur enfant, en le soutenant tandis qu'ils s'efforcent ensemble de surmonter l'angoisse de le perdre sur un champ de bataille. Ils doivent accepter que la vie ou la survie de leur fils dépende de décisions prises par d'autres. La mère écrit : « Tout de même, c'était peut-être cela, écrire pour juste un peu moins désespérer. » Car l'écriture transforme l'ombre de la mort en lignes de vie... Le fils découvre l'Armée, l'aguerrissement. Il rentre régulièrement les week-ends, ramenant des histoires d'amitié et d'aventure qu'il raconte avec plaisir. Il est drôle, il les fait rire, il les charme. Leur fils rayonne : les parents s'ajustent à ce paradoxe.
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Chagrin d'un chant inachevé : Sur la route de Che Guevara
François-Henri Désérable
- Gallimard
- Blanche
- 8 Mai 2025
- 9782070792368
«Cet automne-là, les taux d'intérêt étaient en baisse, les prix de l'immobilier en hausse, ma famille, mes amis s'inquiétaient : est-ce qu'il n'était pas temps que j'investisse dans la pierre ? Avec un peu de chance et un banquier indulgent, je pouvais peut-être m'endetter sur trente ans (mon âge à l'époque). Je n'en avais ni les moyens ni l'envie. Signant un acte de vente, j'aurais eu la sensation de signer mon propre registre d'écrou - et de voir ma liberté circonscrite à quelques mètres carrés. Et puis un appartement, ça se meuble ; aux meubles, il faudrait toujours préférer son sac de voyage.» De Buenos Aires à Caracas, François-Henri Désérable nous embarque dans une formidable traversée de l'Amérique du Sud. Cinq mois à moto, en stop, en bateau, avec une seule contrainte : emprunter l'itinéraire qui fut celui d'Alberto Granado et d'Ernesto «Che» Guevara, lors du fameux voyage à motocyclette, soixante-cinq ans plus tôt.
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Dernières nouvelles de Rome et de l'existence
Jean Le Gall
Coup de coeur- Gallimard
- 8 Mai 2025
- 9782073079695
«À trop vouloir démontrer l'inexistence de Dieu, l'homme n'a pas vu la sienne. Il y a là de quoi écrire des milliers de livres.» Rome, 1969. Un certain Nicola Palumbo montre une agitation grandissante. À peine élu à la tête d'un parti politique, il démissionne. Dans la foulée, le voici qui s'engage comme simple vendeur de canapés. Il pense avoir trouvé «le lieu possible d'une observation décisive sur l'existence». Le fait est qu'autour de Palumbo rien ne semble tourner rond. En 1969, l'histoire des hommes est à la croisée des chemins : le «boom» économique et le «boum» des bombes anarchistes détonent ensemble - ou travaillent ensemble ? Dans la Ville éternelle, Nicola Palumbo croise l'existence humaine en voie d'effritement : un ami gigolo, un écrivain en panne, un homme d'affaires capable de prophéties et même une actrice que tout un pays adule... Mais celui avec lequel Palumbo engage un véritable dialogue, c'est lui-même. À mesure que Nicola Palumbo échange avec Nicola Palumbo, il s'éloigne de la réalité : plus il observe le monde, moins il sait ; plus il soliloque, moins il peut. Avec cette «comédie à l'italienne» marquée par les films des Risi, De Sica ou Sorrentino (La grande belleza), Jean Le Gall raconte l'impuissance, parfois émouvante, souvent comique, d'un homme happé par le moment historique qui nous a produits. Un roman élégant, lucide, sans indulgence vis-à-vis de la politique, témoignant une profonde tendresse pour ses personnages piégés entre le sol et le ciel.
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Tel-Aviv années 1950, Tzipi est une petite fille unique, naïve et curieuse. Elle grandit entre un père décontracté, passionné de musique classique qui l'adore et une mère inquiète pour laquelle les préoccupations concernant la santé surpassent l'amour maternel.
Les parents nés en Pologne utilisent le yiddish comme langue de l'intimité, dont Tzipi est exclue.
Comme toute famille, celle-ci a son propre vocabulaire, un mélange de vrai yiddish ; des mots qui sonnent yiddish mais inventés ou des expressions en hébreu qui leur sont propres. -
« Il n'y a rien de tel que la réalité. » On pourrait dire que ce livre est un récit de voyages dans la réalité ou vers la réalité. Avec un premier voyage, il y a plus de vingt ans, où deux jeunes femmes en sac à dos, Netcha, la narratrice, et Maga, une amie espagnole, essaient de rejoindre un village du Chiapas, au Mexique, appelé précisément La Realidad. « Des sources fiables, dit cette amie, lui assuraient que le Sub, alias le souscommandant Marcos, était à La Realidad [...] Marcos est dans la réalité. » Quête autant politique (la rencontre avec les mouvements révolutionnaires zapatistes) qu'initiatique et intime. Si les deux amies renoncent en chemin, elles ne renoncent jamais vraiment. Elles insistent, et par d'autres voies, par d'autres routes, par toute sorte d'approches, on les voit avancer à tâtons vers ce qu'elles imaginent comme un monde inconnu, un monde nouveau, un monde autre. Pour Netcha, l'autre, ce sont avant tout les Indiens qu'elle aimerait rencontrer tout en ayant très peur de cette rencontre. Elle a peur de porter sur les épaules le poids de l'histoire, d'être une représentante du peuple de colonisateurs dont elle est issue, d'avoir lu trop de livres, de passer à côté de ce qui importe vraiment, c'est-à-dire l'altérité. Et c'est bien sûr quand elle décide d'arrêter de voyager, que le vrai voyage commence vraiment.
« Combien de fantômes murmurent encore dans ce livre ? » se demande, à la fin, la narratrice. Celui du mystérieux leader zapatiste, le sous-commandant Marcos, ceux des Indiens en lutte du Chiapas, celui d'Antonin Artaud qui en 1936 fit un voyage énigmatique au Mexique, mais aussi les fantômes d'une existence en quête d'un lieu autre, et le fantôme de la réalité, celui de nos blessures et de nos illusions. Ce nouveau livre de Neige Sinno, autobiographique lui aussi, confirme avec profondeur son immense talent d'écrivain, et offre un récit magique sur l'aspiration autant intime que collective d'un autre monde possible : « Il y a bien une question de stratégie, de choix, de recherche des armes qui nous permettraient de faire advenir un autre monde, mais les forces prennent des chemins qui ne sont pas ceux qu'on croit, plus longs, plus souterrains et moins clairs que ce que l'on souhaiterait. » -
Le 23 mai 1992, aux abords de Palerme, plusieurs centaines de kilos d'explosifs faisaient sauter la voiture du célèbre juge Falcone, l'ennemi numéro1 de la mafia sicilienne. Le nouveau roman-enquête de Roberto Saviano reconstitue les étapes qui ont mené à cet assassinat. Tout commence vingt ans plus tôt, lorsqu'un magistrat inconnu rouvre le dossier antimafia. Sous la surveillance d'une escorte grandissante, Giovanni Falcone accumule une infinité de preuves, pleure la mort de collègues tombés avant lui et connaît quelques brèches de bonheur en tant que mari, frère et ami. À chaque instant, il sait ses jours comptés. En plusieurs chapitres haletants qui composent une mosaïque contrastée, Roberto Saviano décrit les multiples tentacules de la pieuvre mafieuse. Il rend aussi un hommage bouleversant à son antidote le plus pur : le courage d'avancer, malgré la peur, jusqu'à obtenir justice.
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Roman de plages
Arnaud Cathrine
- Flammarion
- Littérature Française Flammarion
- 5 Mars 2025
- 9782080453686
«Une séparation, ce n'est rien. Et c'est toute une vie.» Ces mots, Raphaël les a accueillis comme une consolation. Sans doute aussi comme l'impulsion qu'il lui fallait pour arrêter de croire qu'il était irrémédiablement brisé. Certes, il n'a pas vécu une tragédie mais quand même : Anna l'a quitté après vingt ans passés ensemble. Une épreuve à fragmentations qui l'a laissé longtemps à terre. Mais après ? Raphaël prend la mesure de tout ce qu'il va falloir réinventer, sans elle. D'abord, où habiter, à présent qu'Anna conserve l'appartement familial et que leur fille part étudier à Toulouse ? Tout est possible. Et comme rien ne s'impose ni ne presse, il décide de s'exiler en faisant le tour des littoraux français, avec l'intuition que la fréquentation quotidienne des rivages, leur beauté puissante pourraient réveiller la vie en lui. Ce sera La Grande-Motte, Arcachon, Bénerville-sur-mer et Préfailles. Avec, comme imprévues au voyage, des rencontres qu'il n'aurait jamais faites du temps d'Anna. Roman de plages est le récit d'une traversée intime et existentielle, celle d'un homme qui saisit ce moment où, après l'effondrement, s'esquisse enfin un retour au monde, le beau monde du vivant et des vivants.
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Juno et Legs. Deux gamins dans le Dublin des années 80. La pauvreté influence chaque minute du destin de Juno. Pour tenir, les adultes boivent ou cognent ; les enfants, eux, trompent l'ennui dans la délinquance. Lorsqu'elle se lie d'amitié avec Legs, tout change. La dureté est toujours là, mais ils créent ensemble un espace protégé, où ils parlent, rient, imaginent d'autres horizons possibles. Après Vera , mélodrame pudique et sublime, Karl Geary crée un inoubliable duo d'adolescents, frondeurs et attachants.
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Le livre réunit deux nouvelles qui se font écho et qu'il faut lire comme deux épisodes de la vie de Gilles. Gilles c'est le frère de Claire et Isabelle, qui étaient les personnages du dernier roman de Marie-Hélène Lafon, Les sources.
Si la première partie "La confession" évoque le personnage de la Nini, qui fait le catéchisme aux enfants, c'est bien Gilles qui est au coeur du texte. Gilles enfant, qui imagine l'enterrement du père, qui a hâte d'être un homme sans bien savoir ce que cela veut dire. Gilles incapable de trouver les mots pour se confesser, car ce sont des pensées et des pulsions intimes qu'il faudrait dire.
Dans la seconde, "Cinquante ans", Gilles est devenu adulte. Sa soeur Claire qui habite Paris revient dans la ferme familiale pour quelques heures. Les usages et habitudes de la maison, les souvenirs de la vie d'avant lui reviennent, mais c'est Gilles qu'elle attend et redoute en même temps. Gilles, le taiseux qui, contrairement à elle, n'a pas quitté le monde d'où tout deux viennent, son frère qui reste littéralement embourbé dans la terre qui l'a vu naître.
Vie de Gilles est un double portrait dans lequel le lecteur retrouve les sources, les lieux et l'univers de Marie-Hélène Lafon : le Cantal, la vallée de la Santoire, le monde paysan et la ferme isolée d'où elle vient, auxquels son oeuvre revient sans cesse et que son écriture creuse et transfigure depuis de nombreuses années. -
Sous le ciel du Vermont, dans les Green Mountains, à l'écart du monde et des villes, une histoire de vie naturelle et de transmission mère-fille bouleversante, éclairée par la poésie chinoise et la vaillance des âmes fortes.
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Un roman crépusculaire au bord du vide, où le moindre faux pas peut vous coûter la vie.
À l'aube du xxe siècle, deux tragédies frappent un paisible village norvégien : le meurtre d'un homme et la disparition d'une fille de ferme. Un an plus tard, les recherches menées dans la montagne pour retrouver Kirsten restent infructueuses. Pourtant, les portes des chalets d'alpage ont été forcées. Les villageois racontent que des cris viennent de là-haut : Kirsten demande à voir le pasteur.
Le jeune Sebastian Ribe, fraîchement arrivé du Danemark, accepte d'aller à la rencontre de la disparue. Il a besoin de l'aide de Reidar Skåren pour s'aventurer dans ce monde minéral, agité par des vents contraires, où la brume et la neige brouillent les repères. Au milieu de cette nature sauvage où la moindre pierre semble vous épier, les cairns sont-ils la meilleure façon de rester sur le droit chemin ? -
Jana, une enfant libre et indocile, court les pâturages, s'allonge dans les fourmilières et voudrait vivre dans la forêt. Elle inquiète ses parents et suscite l'émerveillement d'Ivo, son demi-frère, qui fait de son mieux pour la protéger. Dans la petite ville des montagnes jurassiennes où vit la famille, des centaines d'ouvrières et d'ouvriers assemblent des caméras et boîtes à musique vendues partout dans le monde. Mais à la fin des années soixante, cette industrie de fine mécanique décline, et Jana, adolescente, est enfermée. Implacable, la société menace de broyer celle qui refuse d'en être un rouage.
Pour évoquer une page sombre et méconnue de l'histoire suisse, Roland Buti met en scène des personnages hauts en couleur, malmenés par l'existence, auxquels il donne vie par son écriture sensuelle et malicieuse. -
Le pays des autres Tome 3 : J'emporterai le feu
Leïla Slimani
Coup de coeur- Gallimard
- Blanche
- 23 Janvier 2025
- 9782073098368
«Mehdi se sécha, enfila un tee-shirt propre et un pantalon de toile, et il chercha au fond de sa sacoche le livre qu'il avait acheté pour sa fille. Il poserait sa main sur son épaule, il lui sourirait et lui ordonnerait de ne jamais se retourner. "Mia, va-t'en et ne rentre pas. Ces histoires de racines, ce n'est rien d'autre qu'une manière de te clouer au sol, alors peu importent le passé, la maison, les objets, les souvenirs. Allume un grand incendie et emporte le feu."» Enfants de la troisième génération de la famille Belhaj, Mia et Inès sont nées dans les années 1980. Comme leur grand-mère Mathilde, leur mère Aïcha ou leur tante Selma, elles cherchent à être libres chacune à sa façon, dans l'exil ou dans la solitude. Il leur faudra se faire une place, apprendre de nouveaux codes, affronter les préjugés, le racisme parfois. Leïla Slimani achève ici de façon splendide la trilogie du Pays des autres, fresque familiale emportée par une poésie vigoureuse et un souffle d'une grande puissance.
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«Expat'» installés dans les Balkans et Macédoniens en exil se croisent dans l'entrelacs de ces histoires, qui toutes mettent en scène des moments de séparation, de découverte ou de retrouvailles avec un lieu. Que ce soit volontairement ou contre leur gré, les personnages de ces nouvelles quittent une terre pour tenter d'en trouver une autre, qui serait plus accueillante. Hélas pour eux - mais heureusement pour nous -, il n'en est rien, et ces déplacements sont l'occasion d'une étude acérée, qui va du désopilant au tragique, des conséquences personnelles et politiques de ces exils contraints ou fantasmés. Après le succès de Mon cher mari (Gallimard, 2022), le talent de Rumena BuZarovska se déploie de nouveau dans cette mosaïque de voyages et de déracinements, confirmant que sa plume est l'une des plus prometteuses de sa génération.
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«Au moment où s'ouvre ce livre, je romps une promesse. Lorsque je l'ai faite, c'est idiot, j'étais sûre que je la tiendrais. Enfin, idiot, je ne sais pas. La moindre des choses, quand on fait une promesse, n'est-ce pas d'y croire ?» Que s'est-il passé avec son compagnon pour que la romancière Claire Lancel doive se défendre devant un tribunal ? Au fil du récit, elle raconte comment elle s'est peu à peu laissé entraîner dans une histoire faite de manipulations et de mensonges. Dans ce roman haletant comme un thriller, Camille Laurens questionne le narcissisme contemporain, l'absence d'empathie, et se demande comment sauver l'amour de ses illusions. Elle nous invite à le célébrer et à le vivre, au-delà des promesses trahies.
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Une femme passant ses étés seule dans un chalet en Mauricie reçoit la visite de son fils disparu depuis plus de dix ans. Jour après jour, il lui raconte sa vie d'errance ainsi que sa vision hallucinée du réel tandis qu'ils marchent vers une tourbière où ils avaient l'habitude d'aller quand il était enfant. Ce court roman dépeint la beauté singulière de la forêt : les champignons, la flore et la sphaigne, dont l'étrangeté fascinante s'accorde aux récits du fils, qui envoûtent en même temps qu'ils expriment une impossibilité à habiter la vie. Et alors que leurs pieds s'enfoncent dans la tourbière se fait surtout ressentir l'amour d'une mère pour son fils, qui revient pour mieux disparaître.
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L'épopée tragique du genre humain, sous la forme d'une longue fuite en avant, des balbutiements de l'humanité, durant la préhistoire, à l'ère moderne, jusqu'aux progrès de l'intelligence artificielle et aux perspectives d'extinction.
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- Alors qu'est-ce que vous faites dans la région, dites-moi un peu, s'inquiète le commandant Parker.
- Disons que c'est pour un film que je suis en train de tourner, indique Robert. Comme vous voyez.
- On ne m'en avait pas averti, regrette le commandant, mais voilà qui m'intéresse beaucoup. Et quel genre de film, au juste ?
- Toujours pareil, expose Robert, l'amour et l'aventure. Avec l'Afrique et ses mystères, vous voyez le genre.
- Ah oui, soupire le commandant Parker, je vois en effet très bien le genre. Et pour votre histoire d'amour, vous avez pris quelle actrice ?
- Céleste, dit Robert. Céleste Oppen. -
Attendue sur le plateau de La Grande Librairie pour parler de son livre, Le Consentement, l'autrice est appelée par la police pour venir reconnaître le corps sans vie de son père, qu'elle n'a pas revu depuis dix ans. Dans l'appartement de banlieue parisienne où il vivait, et qui fut jadis celui de ses grands-parents, elle est confrontée à la matérialisation de la folie de cet homme toxique, mythomane et misanthrope, devenu pour elle un étranger. Tandis qu'elle s'interroge, tout en vidant les lieux, sur sa personnalité énigmatique, elle tombe avec effroi sur deux photos de jeunesse de son grand-père paternel, portant les insignes nazis. La version familiale d'un citoyen tchèque enrôlé de force dans l'armée allemande après l'invasion de son pays par le Reich, puis déserteur caché en France par celle qui allait devenir sa femme, et travaillant pour les Américains à la Libération avant de devenir « réfugié privilégié » en tant que dissident du régime communiste, serait-elle mensongère ?
C'est le début d'une traque obsessionnelle pour comprendre qui était ce grand-père dont elle porte le nom d'emprunt, quelle était sa véritable identité, et de quelle manière il a pu, ou non, « consentir », voire collaborer activement, à la barbarie. Au fil de recherches qui s'étendront sur deux années, s'appuyant sur les documents familiaux et les archives tchèques, allemandes et françaises, elle part en quête de témoins, qu'elle retrouvera en Moravie, pour recomposer le puzzle d'un itinéraire plausible, auquel il manquera toujours des pièces. Comment en serait-il autrement dans une Tchécoslovaquie qui a changé cinq fois de frontières, de nationalité, de régime, prise en tenaille entre les deux totalitarismes du XXème siècle ? À travers le parcours accidenté d'un jeune homme pris dans la tourmente de l'Histoire, c'est toute la tragédie du XXème siècle qui ressurgit, au moment où la guerre qui fait rage sur notre continent ravive à la fois la mémoire du passé et la crainte d'un avenir de sauvagerie.
Dans ce texte kaléidoscopique, alternant fiction et analyse, récit de voyage, légendes familiales, versions alternatives et compagnonnage avec Kafka, Gombrowicz, Zweig et Kundera, Vanessa Springora questionne le roman de ses origines, les péripéties de son nom de famille et la mythologie des figures masculines de son enfance, dans une tentative d'élucidation de leurs destins contrariés. Éclairant l'existence de son père, et la sienne, à l'aune de ses découvertes, elle livre une réflexion sur le caractère implacable de la généalogie et la puissance dévastatrice du non-dit. -
Les terres indomptées
Lauren Groff
- Éditions de l'Olivier
- Littérature Étrangère
- 3 Janvier 2025
- 9782823621518
« Sa capuche tombait bas sur son visage, frêle était-elle, osseuse, menue, telle une enfant, réduite par la faim à presque rien, à sa racine, ses nerfs, ses fibres, ses tendons. Bien qu'affamée et aveuglée par les ténèbres, elle était vive. »
Une jeune fille semble perdue au coeur de la forêt la plus obscure. Nous sommes au XVIIe siècle, dans un territoire qui deviendra les États-Unis. Elle vient de s'échapper, elle court loin de la servitude et des brimades. Maintenant, il faut survivre.
Dans ce conte sauvage, une fille sans avenir s'affirme en désobéissant, pour devenir au gré des épreuves une véritable héroïne. Les terres indomptées est un grand roman d'aventures, haletant, lyrique, porté par une écriture en état de grâce. -
La maison hantée
Michèle Audin
- Éditions de Minuit
- Roman Francais Minuit
- 2 Janvier 2025
- 9782707355966
Je voulais écrire un roman de Strasbourg pendant son annexion par le IIIe Reich.
Pas l'histoire haletante d'un réfractaire poursuivi par la Gestapo. Non, simplement un roman de la vie quotidienne.
Mais il n'y a plus de témoins.
Et puis, dans un carton d'archives, j'ai découvert Emma... et les fantômes de la rue Dunat-Diehr. -
À Rome, dans la famille de son épouse où il passe Noël, la vie de Hanif Kureishi bascule du jour au lendemain.
Le 26 décembre 2022, Hanif Kureishi perd connaissance et chute. Cet accident le laisse définitivement paralysé. Depuis son lit d'hôpital dans une ville qui n'est pas la sienne, où les soignants parlent une langue étrangère, l'envie profonde d'être rapatrié dans un hôpital chez lui, à Londres, est plus forte que tout. Mais une fois rentré, quand rien ne s'arrange, il faut trouver d'autres sources de motivation. Face à l'état de dépendance auquel il est confronté, Hanif Kureishi se réapproprie une forme de langage, et écrit pour survivre. Ou plutôt, n'étant plus capable de faire usage de ses mains, il dicte à ses proches ce qui sera le contenu de ce récit, en partageant jour après jour son intimité de tétraplégique. Sa famille devient sa plume et le témoin de ses pensées les plus personnelles, sur son état de santé, mais aussi sur la parentalité, l'amour, l'immigration, le sexe et l'écriture. En résulte ce journal d'une vie en morceaux, consignée avec une honnêteté cinglante, et beaucoup d'humour.
L'auteur se dévoile sans pudeur et partage à ses lecteurs la vulnérabilité qui caractérise cette nouvelle vie, faite de douleur et de perte, mais animée par des sentiments de gratitude, d'humilité et d'amour. Les modestes progrès que permet la rééducation donnent à Hanif Kureishi un espoir secret: celui de pouvoir de nouveau écrire son nom.
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Le titre du livre est emprunté à un vers d'un célèbre poème d'Alfred de Vigny (Le Cor) évoquant la Chanson de Roland et le passage des armées de Charlemagne par les cols pyrénéens. Le franchissement des Pyrénées, entre l'Ariège et Banyuls, il en est bien question ici. Le narrateur part sur les chemins empruntés, durant les années de guerre en 40-45, il y a déjà quatre-vingts ans, par des aviateurs alliés, des réfractaires au STO, des résistants et des Juifs pour gagner l'Espagne, et, de là, la France libre. Multiples histoires d'évasion dont Jean Rolin suit et croise les fils, qui finissent par former un puzzle historique, personnel et narratif captivant. Souvent empêché, plein d'auto-dérision pour narrer ses propres aventures burlesques, ou évoquer certaines figures troublantes de sa famille, Jean Rolin parvient à écrire aujourd'hui les cicatrices de la grande tragédie de l'exil, de la persécution et de la guerre, tout en exhumant les drames associés à la clandestinité : passeurs véreux ou douteux, itinéraires précaires, reliefs escarpés, rencontres improbables de passagers de fortune. Aviateurs héroïques (comme Bud Owen), destins tragiques (comme ceux de Philippe Raichen ou du philosophe Walter Benjamin), anonymes ou célébrités (comme Jean-Pierre Grumbach alias Jean-Pierre Melville). Jusqu'au rocambolesque Cabrero, passeur louche, résistant, gangster, qui sera accusé après la Libération d'avoir liquidé Jacques Grumbach (frère de Jean-Pierre), blessé dans sa marche.
La « Grande Histoire » côtoie les petitesses humaines, les héros des salauds. Dans un art distancé, Jean Rolin emporte l'adhésion, ménageant ses surprises et ses chutes, entre le rire et l'effroi. Il fait le grand récit contemporain d'une mémoire historique vacillante, de ses archives dispersées, et dans une mélancolie de détails contemporains : un oiseau plongeur, la mue d'un serpent dans un vieux cimetière de montagne, un paysage grandiose et étonnamment vide.