L'idéologie libérale règne désormais sans partage. Elle triomphe au nom d'une liberté dont les apôtres du système ont inversé le sens, depuis que sont tombées, avec la chute du mur de Berlin, les illusions des doctrines " libératrices ". Pourtant, partout dans le monde, l'espoir d'une émancipation enfouie sous les discours idéologiques se réveille aujourd'hui. Comment interpréter ce paradoxe ? De quels possibles cet espoir est-il porteur ? Répondre à ces questions implique de revenir sur l'histoire longue afin de comprendre comment le sens actif du mot " liberté " s'est trouvé effacé par les idéologues.
C'est ce qu'entreprend Michèle Riot-Sarcey dans ce livre. Poursuivant l'enquête du Procès de la liberté (2016), où elle avait montré le bâillonnement du principe espérance au XIXe siècle, elle démonte l'ensemble des dispositifs d'entrave au pouvoir d'agir des individus au XXe siècle. De l'affaire Dreyfus à Mai 68, du mouvement ouvrier américain à la constitution des Internationales et la confiscation des expériences ouvrières par les avant-gardes, de l'insurrection espagnole en 1936 à la mise en ordre de la pensée structurale, de la catastrophe d'Hiroshima aux luttes anticoloniales, l'historienne analyse les processus par lesquels le sujet libre, à chaque moment décisif, s'est trouvé effacé au profit de visions totalisantes.
Mais l'idée authentique régulièrement se ranime et fait retour dans les lieux les plus inattendus. En analysant le fonctionnement d'une élaboration théorique figée, ce livre donnera des arguments aux lecteurs décidés à faire usage d'une liberté critique menacée. Il contribuera ainsi à rendre le réel de l'utopie plus vivant que jamais.
Par un étrange paradoxe, ceux qui s'imaginent que la France ferait face à un « tsunami » migratoire, par la faute des politiques, de l'Union européenne ou des juges, sont également convaincus que la migration est une anomalie dont la France pourrait se passer. On grossit l'immigration pour mieux la dénier. Pour dissiper ces illusions, il faut en revenir aux faits. Oui, la population immigrée a progressé en France depuis l'an 2000, mais moins que dans le reste de l'Europe. Non, notre pays n'a pas pris sa part dans l'accueil des réfugiés. La hausse vient d'abord de la migration estudiantine et économique, tandis que la migration familiale a reculé. En exposant les enjeux de la loi Darmanin de 2023, en rappelant combien la frontière est mince entre séjour régulier et séjour irrégulier, ce livre propose une approche résolument nouvelle de la question migratoire.
On ne naît pas féministe, alors comment le devient-on ? Précurseure de l'histoire des femmes, Michelle Perrot, 94 ans, livre ici un magnifique texte à la fois intime et théorique, livre d'histoire et autobiographie. Celle à qui son père conseillait de ne pas se mettre trop tôt un homme sur le dos, qui se rappelle avoir toujours voulu être comme les autres, abolir les différences avec les hommes, aborde son cheminement, de l'engagement chrétien au féminisme en passant par le communisme. Son itinéraire intellectuel, depuis sa thèse où elle voit rétrospectivement un regard presque masculin sur les femmes, donne à voir un siècle de changements sociétaux et la profondeur historique des luttes qui agitent aujourd'hui nos sociétés.
Première historienne à enseigner l'histoire des femmes en France, en 1973, Michelle Perrot nous emmène dans une épopée au féminin en explorant toutes ses ramifications : l'histoire de l'accession à l'égalité, l'histoire du patriarcat, l'histoire du mouvement féministe et des grands débats qui l'ont parcouru et structuré, sur le corps, le genre, l'universalisme contre le différentialisme, la sororité, MeToo. Dans ces pages, la grande histoire se mêle au destin des femmes qui ont porté leur cause et l'on voisine avec Artemisia Gentileschi, Olympe de Gouges, Lucie Baud, Christine Bard, Hubertine Auclert ; l'on dialogue avec Monique Wittig, Arlette Farge, Yvette Roudy, Antoinette Fouque...
La pensée lumineuse de Michelle Perrot, sans rien omettre des sujets les plus épineux, permet de déconstruire et parfois même de dépasser les clivages du féminisme contemporain. Le livre essentiel d'une pionnière, témoin d'un siècle de féminisme, dont l'engagement n'a d'égal que sa hauteur de vue.
Elon Musk et Jeff Bezos aujourd'hui, Steve Jobs et Bill Gates hier, Thomas Edison et Andrew Carnegie un siècle plus tôt... De nombreuses célébrités entrepreneuriales peuplent nos imaginaires. Ces grands hommes seraient des créateurs partis de rien, des visionnaires capables d'imaginer des innovations révolutionnaires, des génies aux capacités hors du commun. Régulièrement, un même miracle semble se produire : un être d'exception pénètre un marché et le révolutionne. Il y provoque la création destructrice et bouleverse un ordre que l'on croyait immuable. Dans le grand roman de notre économie, les entrepreneurs sont ces héros qui sortent l'humanité de sa torpeur et lui permettent de faire des bonds en avant sur la route du progrès. Dans ce livre, Anthony Galluzzo s'attache à défaire cette mythologie, à comprendre ses caractéristiques et ses origines. Il montre en quoi cet imaginaire fantasmatique nous empêche de saisir la dimension fondamentalement systémique de l'économie et contribue à légitimer un ordre politique fondé sur le conservatisme méritocratique, où chaque individu est considéré comme pleinement comptable de ses réussites et de ses échecs.
Dans L'espace public (1962) Jürgen Habermas montrait comment à partir du XVIII? siècle le principe de Publicité avait défini un nouvel espace politique au sein duquel s'opérait une médiation entre la société et l'État, sous la forme d'une «opinion publique» qui visait à transformer la nature de la domination. À travers les discussions publiques ayant pour objet des questions d'intérêt général, l'autorité politique était soumise au tribunal d'une critique rationnelle.Mais bientôt, à l'heure des démocraties de masse, Habermas constatait (en 1990) que l'interpénétration des domaines privé et public conduisait à une manipulation de la Publicité par des groupes d'intérêts et à un singulier désamorçage de ses fonctions critiques subverties en un principe d'intégration.Aujourd'hui, Habermas radicalise son analyse. Les réseaux sociaux effacent pour certains de leurs utilisateurs la délimitation constitutive entre sphère privée et sphère publique : chacun peut parler individuellement comme auteur d'une parole publique. Si dans l'espace public traditionnel, il fallait, pour devenir un tel auteur, se soumettre à la médiation des médias qui mesuraient la vérité, la rationalité et la cohérence logique de la parole, avec les réseaux sociaux la position d'auteur est immédiatement acquise pour chacun. Cette publicité immédiate de la parole intime et privée conduit à l'érosion des critères de rationalité.«Maintenir une structure médiatique permettant à l'espace public de rester un espace inclusif et permettant à la formation de l'opinion et de la volonté publiques de conserver son caractère délibératif ne relève donc absolument pas du simple choix politique : il s'agit d'un impératif proprement constitutionnel.»
Depuis l'apparition du platonisme chrétien dans l'empire romain, la discussion sur la foi et le savoir a façonné le développement ultérieur de l'héritage philosophique des Grecs. Dans cette discussion Jürgen Habermas trouve le fil directeur de sa généalogie d'une pensée postmétaphysique. Il montre comment la philosophie - en parallèle à la formation d'une dogmatique chrétienne dans les concepts philosophiques - s'est pour sa part approprié des contenus essentiels issus des traditions religieuses et s'est transformée en un savoir capable de fondation. C'est précisément à cette osmose sémantique que la pensée séculière qui succéda à Kant et à Hegel doit la thématique de la liberté rationnelle et les concepts fondamentaux de la philosophie pratique qui, jusqu'à aujourd'hui, se sont révélés déterminants. Alors que la cosmologie grecque a été déracinée, les contenus sémantiques d'origine biblique ont été transférés dans les concepts fondamentaux de la pensée postmétaphysique. L'histoire de la philosophie peut être aussi envisagée comme une succession irrégulière de processus d'apprentissage provoqués de façon contingente. Une telle «généalogie» non seulement met en évidence ces contingences, mais elle met en lumière la nécessité d'un concept compréhensif de raison et la conception que la pensée philosophique se fait d'elle-même à l'aune de ce concept. Habermas élabore une conception dialectique de l'émancipation de la science par rapport à la théologie et du savoir par rapport à la foi. Et il encourage l'instauration d'une relation dialogique vis-à-vis de toutes les traditions religieuses. La pensée postmétaphysique se situe entre sciences et religion.
Il y avait eu la guerre de Cent Ans et la guerre de Trente Ans et la guerre de Sept Ans. Il y avait eu les guerres de Religion, celles de Louis XIV et celles de la Révolution. Mais, après 1815, un moment insolite avait commencé pour l'Europe:une paix de cent ans. Des guerres de la Révolution et de l'Empire à la Première Guerre mondiale, il y eut bien quelques batailles - Sébastopol, Solferino, Sadowa, Sedan -, mais rien qui n'égalât ce qui se passait en d'autres lieux du monde, de la guerre de Sécession aux États-Unis à cette révolte des Taiping qui fit en Chine peut-être vingt millions de morts. Pendant un siècle, la plupart des hommes et des femmes qui vécurent sur le sol de l'Europe ne connurent pas la guerre. Le XIX? siècle à leurs yeux passait pour un siècle de paix.Pour les historiens, il est devenu pourtant difficile de le considérer comme tel. Les guerres étaient lointaines, mais elles étaient bien là. Les Espagnols en Amérique du Sud, au Maroc, à Cuba, aux Philippines; les Hollandais en Indonésie; les Britanniques aux Indes, en Afghanistan, en Birmanie, en Afrique du Sud, en Chine, en Nouvelle-Zélande, sur les côtes occidentales de l'Afrique, dans le golfe Arabo-Persique, en Abyssinie, en Égypte, au Soudan; les Français en Algérie, en Afrique de l'Ouest, au Mexique, en Indochine, en Tunisie, à Madagascar, au Maroc; les Portugais en Angola et au Mozambique; les Allemands au Togo, au Cameroun, dans le Sud-Ouest africain, au Tanganyika; les Italiens dans la corne de l'Afrique et en Tripolitaine.Ces guerres lointaines d'une Europe en paix donnèrent lieu, dès leur époque, à de très vifs débats. L'avènement des journaux quotidiens, l'apparition des correspondants de guerre, la mise en place du réseau télégraphique, l'invention de l'illustration et de la photographie, le triomphe du roman, l'immense succès du théâtre et des expositions universelles bouleversèrent leurs représentations. Elles ont fait de nous, bien avant les guerres mondiales du XX? siècle, les spectateurs fascinés et velléitaires des souffrances des autres.
Les morts peuvent faire agir les vivants, mobiliser ceux qui restent autour de questions qui touchent à la vie collective, à l'érosion des liens sociaux, à des événements qui les dépassent ou dont l'ampleur ou la violence pourrait les détruire, annihiler ce à quoi ils sont attachés. Les morts peuvent aider les vivants à transformer le monde. Dans ce livre, Vinciane Despret nous raconte cinq histoires où des morts proches ou éloignés dans le temps ont obligé les vivants à leur donner une nouvelle place. Ces morts « insistent » parce qu'il y a eu quelque chose d'injuste dans le sort qui a été le leur : victimes de violence, commandos d'Afrique et de Provence, sacrifiés politiques à la raison du plus fort... Ceux qui restent ont décidé de répondre à cette insistance en commandant une oeuvre grâce à un protocole politique et artistique nommé le programme des Nouveaux Commanditaires. Ce protocole consiste à choisir un artiste et à décider en commun d'une oeuvre. Il va transformer en profondeur les commanditaires.
Cela n'a rien à voir avec le deuil dans sa forme autoritaire (quand les théories psychologiques enjoignent à l'oubli). C'est avec la vie, celle qui n'est plus mais qui est encore d'une autre manière, celle qui résiste à son effacement, que ce faire avec provoque une étonnante série de métamorphoses.
Les crises écologiques multiples frappent avec une intensité croissante les écosystèmes, les groupes humains et non humains. Sous la pression du temps qu'elles gaspillent et des intérêts dominants qui les orientent, les sociétés mettent en péril leur propre survie et l'habitabilité de la planète. Il est donc impératif d'assumer le défi d'un grand virage écologique émancipateur.
Se croisent ici, avec rigueur et clarté, des approches issues des sciences sociales et des sciences de la nature, pour éclairer les processus qui précipitent les dévastations du vivant et exacerbent les inégalités. Sont aussi explorées les manières désirables et réalistes de prévenir, d'atténuer, d'empêcher les désastres mais aussi de vivre mieux.
Ce livre porte la voix des écologies qui oeuvrent à une véritable critique des dominations et du statu quo. Deux approches sont articulées : l'une, intersectionnelle et anticapitaliste, ancrée dans la dynamique des mobilisations sociales ; l'autre, plus attentive aux liens que les sociétés humaines tissent avec le vivant non humain. Écoféminismes, extractivisme, racisme environnemental, politiques publiques, finance verte, cause animale ou droits de la nature sont autant de sujets décisifs abordés avec lucidité.
Près de 70 contributions thématiques de scientifiques, de philosophes, de journalistes et d'activistes, très accessibles et documentées, accompagnées de lexiques et ressources bibliographiques, pour saisir l'ampleur des défis auxquels se confrontent les écologies contemporaines.
Ce court essai critique le radicalisme de la religion et de la science pour s'engager sur la voie instable du scepticisme. Le monde des forts et des puissants est celui de la vérité, de la certitude et d'une foi renouvelée. Le monde des faibles est celui du doute, de l'observation et de la joie profonde du lien à la nature. John Cowper Powys nous apprend dans cet essai à faire partie des "faibles".
"Car le secret universel de la réussite consiste à présumer que tout ce qui est efficace, pratique et exploitable représente ce qu'il est convenu d'appeler la vérité."
"La rue est à ce point familière qu'on n'y prête plus guère attention. Mais à quoi ressemblait-elle hier ? Avant l'automobile ? Avant l'électricité ? Avant les gratte-ciel ? Et aujourd'hui, comment le street-art s'inscrit-il dans le paysage urbain ?
Dès l'Antiquité, les rues découpent l'espace en lignes droites, trottoirs et portiques apparaissent, l'eau circule sous les voies. Puis commence le long Moyen Âge de la rue. C'est l'époque du clair-obscur, de la boue et du feu, des charrettes, des cris : la rue devient un théâtre. C'est aussi le lieu des processions royales, des exécutions, des châtiments publics et des carnavals. Côté sombre, c'est la prostitution, la mendicité, les crimes. Ensuite, surgit le temps des transformations : les percées, les alignements et les destructions, l'éclairage, la numérotation des maisons, l'invention de la poubelle. Dans la rue depuis toujours prompte à se soulever, on passe de la révolte à la manif', quand s'élèvent les barricades, tandis que se succèdent les événements, des plus tragiques telles « les matines sanglantes » de la Saint-Barthélemy, aux plus glorieux comme les bals de la Libération de Paris.La révolution automobile et l'urbanisme sur dalle, la rue piétonne, la rue des exclus, la rue franchisée sont autant de bouleversements dont nous sommes les témoins. Catherine Saliou, Claude Gauvard, Joël Cornette, Emmanuel Fureix et Danielle Tartakowsky nous offrent une histoire inédite de la rue politique, culturelle, artistique et sociale. Éclairé par une centaine de photographies, de cartes et de plans, ce livre invite chacun et chacune à s'approprier ce lieu de mémoire et de vie. "
"Pinocchio n'est pas un conte ni un roman, il n'est assignable à aucun genre littéraire ; tout comme son protagoniste, qui n'est ni un animal ni un garçon, n'est pas même un « quoi », mais seulement un « comment » : il est, au sens le plus strict, une voie de sortie, ou une échappatoire, aussi bien hors de l'humain que de l'inhumain - c'est pour cela qu'il ne fait que courir, et que quand il s'arrête, à la fin, il est perdu". (Giorgio Agamben) Un texte magistral sur le livre "Pinocchio" par l'un des grands philosophes de notre époque.
Quelque dix ans après "Congo", David Van Reybrouck publie sa deuxième grande étude historique, consacrée cette fois à la saga de la décolonisation de l'Indonésie - premier pays colonisé à avoir proclamé son indépendance, le 17 août 1945. Il s'agit pour lui de comprendre l'histoire de l'émancipation des peuples non européens tout au long du siècle écoulé, et son incidence sur le monde contemporain. Fidèle à la méthode suivie dès son premier ouvrage, l'auteur se met lui-même en scène au cours de son enquête, alternant sans cesse, et avec bonheur, exposé de type scientifique et «reportage» à la première personne - ce qui rend la lecture de l'ouvrage à la fois aisée et passionnante. Le résultat est à la hauteur de "Congo" : c'est une grande réussite.
Au cours d'une conversation très libre, Alessandro Pignocchi, auteur de BD écologiste, invite Philippe Descola, professeur au Collège de France, à refaire le monde.
Si l'on veut enrayer la catastrophe écologique en cours, il va falloir, nous dit-on, changer de fond en comble nos relations à la nature, aux milieux de vie ou encore aux vivants non-humains. Mais qu'est-ce que cela signifie concrètement ? Dans quels projets de société cette nécessaire transformation peut-elle s'inscrire ? Et quels sont les leviers d'action pour la faire advenir ?
En puisant son inspiration dans les données anthropologiques, les luttes territoriales et les combats autochtones, ce livre esquisse la perspective d'une société hybride qui verrait s'articuler des structures étatiques et des territoires autonomes dans un foisonnement hétérogène de modes d'organisation sociale, de manières d'habiter et de cohabiter.
Des planches de BD, en contrepoint de ce dialogue vif, nous tendent un miroir drôlissime de notre société malade en convoquant un anthropologue jivaro, des mésanges punks ou des hommes politiques nomades et anthropophages en quête de métamorphoses.
Derrière les façades de luxueux immeubles parisiens, les immenses grilles de châteaux, les baies vitrées de vastes villas de la Côte d'Azur, se cache un personnel invisible mais présent quotidiennement au service des grandes fortunes. Gouvernantes, majordomes, femmes de chambre et de ménage, lingères, nannies, cuisiniers ou chauffeurs travaillent du matin au soir, et souvent la nuit, pour satisfaire les besoins et désirs des millionnaires qui les emploient à leur domicile.
En s'appuyant sur une enquête immersive de plusieurs années, ce livre lève le voile sur les relations quotidiennes entre ceux qui servent et ceux qui sont servis. Ce faisant, il éclaire les ressorts d'une cohabitation socialement improbable, faite de domination et de résistances. Elle-même prise dans ces relations, en travaillant un temps comme domestique, Alizée Delpierre montre comment une certaine « exploitation dorée » peut faire rêver des femmes et des hommes qui y voient une réelle opportunité d'ascension sociale. Du côté des grandes fortunes, déléguer toutes les tâches ingrates demeure essentiel pour consolider leur pouvoir et jouir à plein de leur capital. Elles sont prêtes à tout pour fidéliser leurs domestiques et conserver ce privilège de classe, pour le meilleur comme pour le pire.
De conquête en conquête, entre la fin du XIIe et le début du XIIIe siècle, Gengis Khan et les siens s'emparent de plus de terres et soumettent plus de populations que Rome en 400 ans. L'armée mongole fait de la guerre une affaire mondiale, les cavaliers issus des steppes traversant le désert de Gobi et le fleuve Jaune jusqu'aux royaumes de Chine ou assujettissant les régions d'Asie centrale dominées par les Turcs et les Perses. À sa mort en 1227, après une vie épique, le Grand Khan laisse un empire aux bases assez solides pour lui permettre de s'agrandir encore pendant 150 ans. Ce sera l'oeuvre de ses fils et petit-fils, Djaghataï, Ögödeï, Toloui, Mongka...
Au-delà de la guerre, où excellent, y compris par la terreur, les Mongols, l'héritage de cet empire nomade et de son fondateur est immense : il réalise la première unification du monde par son centre, bien avant que les Européens ne se lancent sur les océans. C'est à comprendre la construction de cet ensemble unique que Jack Weatherford convie le lecteur, en relatant la fascinante épopée de l'un des plus grands conquérants de l'histoire mondiale.
Thérapeute inclassable, François Roustang a changé la vie des personnes qu'il a rencontrées grâce à son approche révolutionnaire de la psychothérapie. Refusant une écoute complaisante de la plainte, il insiste sur la fécondité de l'hypnose pour entrer dans une autre perception de soi-même et du monde, pour sentir la vie.
Témoignage de l'itinéraire intellectuel hors norme d'un ancien prêtre, ce livre réunit en un seul volume tous les textes de ce dissident de la psychanalyse. Ces articles et conférences, parfois inédits, sont introduits par des entretiens exclusifs, où François Roustang commente le cheminement qui l'a conduit à rompre avec l'Église, puis à s'écarter de la psychanalyse lacanienne, avant d'explorer des voies nouvelles de guérison dans la lignée de l'hypnose ericksonienne.
«?Vous allez vous engager sur un chemin que vous ne connaissez pas et que je connais moins encore, pour aboutir en un lieu que vous ignorez, en vue d'accomplir ce dont vous êtes incapable.?» F. R.
Les recherches de toute une vie, animées par la volonté d'offrir à chacun libération et guérison intérieures, la capacité de dire cette assertion fondamentale?: «?Je suis vivant.?»
«Et puis il y a ces années-ci, les vingt premières du XXI? siècle, où la machine à fabriquer l'Histoire tourne à plein régime et fait de nouveau vaciller notre monde européen bien ordonné, fondé sur la paix et la prospérité.»Comment l'Europe a-t-elle géré les crises qui ont secoué le continent depuis 1999 jusqu'à aujourd'hui? Après le succès de Voyage d'un Européen à travers le XX? siècle, Geert Mak reprend son récit à l'aube du nouveau millénaire.En s'appuyant sur des entretiens et des rencontres, l'auteur interroge à la fois les grands mouvements de l'Histoire et les vies des citoyens qui ont dû en subir les conséquences, mettant en lumière ce qui nous lie, mais aussi ce qui nous divise en tant qu'Européens. Cet essai brûlant d'actualité nous invite à revisiter les événements qui ont marqué le début du XXI? siècle, de la tragédie du 11-Septembre jusqu'à l'agression armée de la Russie contre l'Ukraine.Écrit d'une plume limpide pleine de vivacité, Les rêves d'un Européen au XXI? siècle nous offre un panorama puissant et sensible de ces deux dernières décennies.
Une fois de plus, David Graeber bouleverse un élément central de la mythologie néo-libérale : la notion de valeur. Le célèbre pourfendeur du capitalisme réexamine ici un siècle de pensée anthropologique et insuffle une vie nouvelle aux textes classiques sur la valeur et l'échange. Le style vif de Graeber nous entraîne sans effort au coeur de la question qui le préoccupe : est-il possible de proposer une mesure de la valeur commune à toutes les cultures ?
Depuis le premier match de foot organisé devant quelques centaines de spectateurs dans le sud de Londres en 1870 jusqu'à la finale de la Coupe du monde à Saint-Denis en 1998, ce livre revisite l'histoire du monde en onze matchs... On y rencontrera un ambassadeur uruguayen et un ancien ouvrier du Forez, des commerçants enrichis de Calcutta et un capitaine de la police politique soviétique, mais aussi un poète italien iconoclaste et des prêtres catholiques vivant en Écosse.Toutes ces trajectoires footballistiques nous plongent au coeur de l'histoire mondiale d'un long XX? siècle, des décolonisations à la guerre froide, des phénomènes d'industrialisation à l'émergence du salariat, de la mondialisation à la sauce britannique aux affrontements généralisés des guerres mondiales. C'est sans doute ce qui explique la popularité du football:raconter son histoire nous ramène toujours à tout ce qui nous a faits tels que nous sommes.
« Ces Propos d'altitude sont le premier ouvrage qui voit le jour après la mise à exécution du choix que j'ai fait d'une vie plus retirée, plus dépouillée, plus élémentaire, dans les hautes terres du Cantal. Érémitisme tout relatif, pleinement sociable, au milieu du monde paysan, dans le partage quotidien de son climat, de sa liturgie, de ses gestes ». Après de nombreuses années à l'abbaye Saint-Martin de Ligugé, François Cassingena-Trévedy s'est plongé dans cette expérience d'un autre monachisme, mais demeure en lien constant avec son Eglise et son époque.Ce qui frappe dans ce « journal » exempt d'anecdotes et tout entier centré sur la méditation, c'est une érudition sans pareille mêlée à une étonnante liberté de ton, mais c'est surtout le style. Entre la maxime chère à nos moralistes classiques, la « pensée » d'allure pascalienne, et la pure poésie dans laquelle l'infime de la nature et de la vie quotidienne rejoint l'universel, la spiritualité chrétienne se dit ici d'une manière admirable et unique..
Lors du décès d'une tante sans descendance, Annette Wieviorka réfléchit aux traces laissées par tous les êtres disparus qui constituent sa famille, une famille juive malmenée par l'Histoire. Il y a le côté Wieviorka et le côté Perelman. Wolf, l'intellectuel yiddish précaire, et Chaskiel, le tailleur taiseux. L'un écrit, l'autre coud. Ils sont arrivés à Paris au début des années 1920, en provenance de Pologne. Leurs femmes, Hawa et Guitele, assument la vie matérielle et celle de leurs enfants.
Dans un récit en forme de tombeaux de papier qui font oeuvre de sépultures, l'historienne adopte un ton personnel, voire intime, et plonge dans les archives, les généalogies, les souvenirs directs ou indirects. Par ces vies et ces destins recueillis, on traverse un siècle cabossé, puis tragique : d'abord la difficile installation de ces immigrés, la pauvreté, les années politiques, l'engagement communiste ou socialiste, le rapport complexe à la religion et à la judéité, puis la guerre, les rafles, la fuite ou la déportation - Paris, Nice, la Suisse, Auschwitz - et enfin, pour certains, le difficile retour à la vie marqué par un autre drame.
Tout l'art consiste ici à placer le lecteur à hauteur d'hommes et de femmes désireux de bonheur, de joie, de liberté, bientôt confrontés à l'impensable, à l'imprévisible, sans certitudes ni connaissances fiables au moment de faire des choix pourtant décisifs. C'est ainsi que des personnages très attachants et un monde disparu retrouvent vie, par la grâce d'une écriture sensible et précise.
Ce livre est né d'un rêve, et d'une vie entière de réflexion et de recherches...
Jung avait quatre-vingt-trois ans quand il établit le plan complet de cet ouvrage, et demanda à quatre de ses plus proches disciples d'en traiter chacun une partie. Il consacra les derniers mois de sa vie à revoir l'ensemble et à rédiger le chapitre qu'il s'était assigné. Il y mit le point final dix jours avant sa mort.
Oeuvre testamentaire épuisée depuis plus de dix ans, L'Homme et ses symboles témoigne d'un fol espoir : permettre aux femmes et aux hommes modernes de s'accomplir en plaçant les clefs de l'analyse des rêves à leur portée.
Cette nouvelle édition contient plus de cinq cents illustrations qui fournissent un commentaire visuel de la pensée de Jung ; elles montrent la nature et le fonctionnement des rêves, explorent la signification de l'art moderne, et révèlent le sens psychologique des expériences de la vie quotidienne.