1920-1930, prémices de l'URSS. Jakob Bach, féru de poésie qui ne jure que par Goethe, Heine et Schiller, est instituteur dans le petit village de Gnadenthal, une colonie située sur les rives du fleuve de la Volga. Après avoir reçu un mystérieux message, ce dernier commence à donner des leçons à Klara, une jeune fille vivant seule avec son père, Udo Grimm, sur l'autre rive du fleuve. Bach et Klara tombent éperdument amoureux, et au départ du père, s'installent ensemble dans la ferme isolée pour vivre au rythme de la nature. Mais le malheur ne tarde pas à s'abattre sur eux. Un jour, des intrus s'introduisent dans la ferme et violent Klara qui meurt en couche neuf mois plus tard, laissant Bach seul avec la petite fille, Anntche. L'univers de Bach s'écroule, le monde n'a plus de couleurs, il perd l'usage de la parole. L'homme trouve toutefois la force d'élever cet enfant et va écrire des contes prémonitoires, qui s'incarnent étrangement dans la réalité de Gnadenthal. Lorsque Vasska, un orphelin vagabond fait son apparition à la ferme, la vie d'Anntche et Bach se retrouve bouleversée.
Un univers poétique ensorcelant et un roman d'une richesse insondable.
L'Établi, ce titre désigne d'abord les quelques centaines de militants intellectuels qui, à partir de 1967, s'embauchaient, « s'établissaient » dans les usines ou les docks. Celui qui parle, ici a passé une année, comme O S. 2, dans l'usine Citroën de la porte de Choisy. Il raconte la chaîne, les méthodes de surveillance et de répression, il raconte aussi la résistance et la grève. Il raconte ce que c'est, pour un Français ou un immigré, d'être ouvrier dans une grande entreprise parisienne.
Mais L'Établi, c'est aussi la table de travail bricolée où un vieil ouvrier retouche les portières irrégulières ou bosselées avant qu'elles passent au montage.
Ce double sens reflète le thème du livre, le rapport que les hommes entretiennent entre eux par l'intermédiaire des objets : ce que Marx appelait les rapports de production.
«Il semblait que la colonisation n'avait été rien d'autre qu'un malentendu, une erreur dont les Français à présent se repentaient et que les Marocains faisaient semblant d'oublier.»Maroc, 1968 : tandis que Mathilde s'occupait du foyer, Amine est parvenu à faire de son domaine aride une entreprise florissante. Ils appartiennent désormais à une bourgeoisie qui prospère, fait la fête et croit en des lendemains heureux. Mais le retour de leur fille Aïcha, partie étudier en France, fait voler en éclats le glacis d'apparence qui figeait cette famille. Le modèle d'émancipation qu'ils croyaient incarner depuis l'indépendance n'est-il qu'une illusion ?Après Le pays des autres, Regardez-nous danser poursuit une fresque familiale vibrante d'émotions et de personnages inoubliables.
Hélène a bientôt 40 ans. Elle a fait de belles études, une carrière. Elle a réalisé le programme des magazines et le rêve de son adolescence : se tirer, changer de milieu, réussir. Et pourtant, le sentiment de gâchis est là, les années ont passé, tout a déçu.
Christophe, lui, n'a jamais quitté ce bled où ils ont grandi avec Hélène. Il n'est plus si beau. Il a fait sa vie à petits pas, privilégiant les copains, la teuf, remettant au lendemain les grandes décisions. On pourrait croire qu'il a tout raté. Et pourtant, il croit dur comme fer que tout est encore possible.
"Connemara" c'est l'histoire d'un retour au pays, d'une tentative à deux, le récit d'une autre chance et d'un amour qui se cherche par-delà les distances dans une France qui chante Sardou et va voter contre soi.
À dix-neuf ans, Hisham Matar développe une mystérieuse fascination pour l'école siennoise de peinture. La même année, il perd toute trace de son père, probablement disparu dans les geôles de Kadhafi. Il faudra à l'écrivain plus de vingt ans pour se rendre enfin à Sienne. Au coeur de la Toscane, cette ville longtemps évitée lui révélera, contre toute attente, une part de lui-même. Ponctué de tableaux, ce récit est une invitation au voyage et une bouleversante réflexion sur l'art et la littérature, ces élans pleins d'espoir qui nous relient à ceux que l'on aime et à ceux que l'on a perdus.
Dans cette chronique saisissante d'une ville fantôme de Patagonie frappée par une épidémie de suicides de jeunes gens, Leila Guerriero, figure majeure du journalisme narratif en Amérique latine, mène l'enquête avec une empathie profonde pour trouver une explication à ce geste ultime et toujours incompréhensible. Est-ce une secte, l'ennui, l'alcool, la violence, la solitude, la religion, le climat ? Parcourant les rues désertes de ce bout du monde arasé par le vent et le froid, sorte de Far west moderne où viennent échouer les pionniers misérables du pétrole, elle pose en réalité la question de ce qui nous tient en vie. Sa réponse se situe du côté de la solidarité, du lien aux autres, à la communauté.
Un matin, Iréna découvre ses voisins juifs alignés devant l'entrée de leur magasin : ordre des Allemands. Le lendemain, ils sont brutalisés avant d'être assassinés. Dans ce village ukrainien, la catastrophe est en marche, et elle provoque chez la jeune paysanne un sursaut ; il faut partir. Commence alors une longue errance aux accents prophétiques. De village en village, Iréna proclame que le Christ était juif et que lever la main sur ses descendants est un crime inexpiable.
Menacée par les hommes et protégée par les femmes, Iréna accomplira son destin jusqu'au bout.
Mariée à un médecin de la petite bourgeoisie romaine, Checchina passe ses journées chez elle, s'efforçant de tenir son logis le mieux possible malgré le manque d'argent. Son morne quotidien se trouve bouleversé le jour où son mari invite à dîner le marquis d'Aragon, un homme aussi raffiné qu'entreprenant qui n'hésite pas à lui proposer un rendez-vous galant. Tiraillée entre son désir et la crainte des rumeurs, Checchina met tout en oeuvre pour s'y rendre. Mais tandis que l'heure du rendez-vous se rapproche, la distance qui les sépare semble n'avoir jamais été aussi grande.
Dans ce court texte à l'intrigue resserrée sur quelques jours, Matilde Serao brosse un portrait vif et saisissant de la société de son temps, témoignant du poids des conventions qui entravent les femmes dans toutes leurs relations, amicales comme amoureuses.
C'est au bord de ce faussement paisible lac de Bracciano, ancien cratère aujourd'hui rempli d'eau dans la banlieue de Rome, que la jeune Gaia vient s'installer avec sa famille. Sa mère Antonia, femme fière jusqu'à l'entêtement s'occupe seule d'un mari handicapé et de quatre enfants. Pauvre et honnête, Antonia a l'esprit combatif et elle inculque à sa fille Gaïa le seul principe qui vaille : ne compter que sur elle-même. Et Gaïa apprend : à ne pas se plaindre, à lire des livres, à se défendre, toujours hors de propos, hors de la mode, hors du temps. Mais sa violence, imprévisible et tapie telle un serpent, ne cesse de grandir.
En voyage au Groenland pour des raisons professionnelles, la narratrice est contrainte de prendre temporairement ses distances avec une relation amoureuse qui la bouleverse. Dès lors, outre sa dimension ethno-géographique, ce séjour dans le Grand Nord revêt un caractère véritablement initiatique tant cette femme est touchée par la puissance des paysages qu'elle traverse autant que par cette langue dépourvue de verbe qu'elle tente d'appréhender. Cheminant entre villes et étendues glacées, elle restitue en autant d'instantanés saisissants et passionnés cette expérience aussi fulgurante que la passion amoureuse qui l'assaille.
Bouleversant chant d'amour et remarquable document sur le Groenland, Le Grand Chasseur offre une exploration unique des multiples nuances des sentiments, de celles des grands espaces et de l'altérité.
1986, Pretoria. Rachel, matriarche de la famille Swart, a fait une promesse avant de mourir : léguer sa maison à Salome, sa domestique noire. Cette décision divise le clan : les langues se délient, les rancoeurs et les convoitises s'exacerbent au point de faire voler en éclats les liens qui unissent les uns et les autres.
Cette promesse doit-elle être tenue, et à quel prix ?
À travers le déclin d'une famille protestante, c'est toute l'histoire d'un pays que Damon Galgut dessine en filigrane dans une langue virtuose qui nous fait entendre les voix de chacun de ses personnages.
Melchor, un policier au nom de roi mage, ex-repris de justice et fils d'une prostituée, qui a fait des "Misérables" de Victor Hugo son vade-mecum vital, mène l'enquête sur les terres de l'Ebre, à l'extrême sud de la Catalogne. Mais ici plus qu'ailleurs "tôt ou tard, tout s'explique par la guerre" et il devra faire sien le dilemme de Jean Valjean : "Rester dans le paradis, et y devenir démon, rentrer dans l'enfer, et y devenir ange !".
«Elles étaient liées par l'absence des hommes et la volonté de se sortir de la misère. Les hommes, ils étaient effrayants ou ils étaient partis, sauf le dernier - mais l'aimait-elle ?»Lors d'un été en Lozère avec sa fille, plusieurs signes et coïncidences invitent Marie à démêler le mystère de sa filiation. Elle découvre qu'elle est issue d'une lignée de femmes qui ont donné naissance sans être mariées. Depuis le mitan du XIX? siècle, celles-ci ont souvent vécu en marge de la société et ont subsisté grâce à des travaux d'aiguille. Au fil de cette enquête romanesque et poétique, la narratrice met au jour les puissantes destinées de ces filles-mères et rend hommage à leur liberté reçue en héritage.
Lou, archiviste à Toronto, mène une vie morne et solitaire. Quand son directeur l'envoie dresser l'inventaire d'une bibliothèque sur une île reculée, elle saisit sa chance et part à l'aventure. Arrivée dans sa nouvelle maison, Lou découvre qu'elle n'est pas seule : un ours y habite déjà. Rapidement, la relation des deux compagnons va évoluer, transgressant imaginaire et bienséance.
Lorsque cette fable féministe - hautement réaliste - fut publiée pour la première fois au Canada en 1976, son succès fut à la mesure du scandale qu'il provoqua. Dans cette ode troublante à l'émancipation des femmes, Marian Engel nous laisse entendre que la relation que nous tissons avec les animaux a aussi beaucoup à nous dire sur nos propres désirs.
Chaque matin, à une heure où le coq dort encore, le Felice, 90 ans, quitte le village de Leontica et part vers les sommets, personne ne sait vraiment où. Jusqu'au jour où le narrateur, arrivé de la ville, décide de lui emboîter le pas. Voici le récit de ses journées en compagnie du vieil homme et des autres habitants du village, à observer les habitudes immuables, les gestes simples, l'entraide quotidienne de cette communauté liée par une relation privilégiée à la nature.
L'écriture de Fabio Andina, aussi sobre que sensible, instille dans Jours à Leontica le rythme lent et serein d'une existence au coeur de la montagne.
«Ils restent d'abord absorbés par la marche, mais le silence du père est en vérité plein de mots, habité d'une voix provenant de ses tréfonds et dont la montagne tout entière se ferait l'écho.»Après plusieurs années d'absence, un homme resurgit dans la vie de sa compagne et de leur jeune fils. Il les entraîne aux Roches, une vieille maison isolée dans la montagne où lui-même a grandi auprès d'un patriarche impitoyable. Entourés par une nature sauvage, la mère et le fils voient le père étendre son emprise sur eux et édicter les lois mystérieuses de leur nouvelle existence. Bientôt, tout retour semble impossible.
Trig et Al, frère et soeur jumeaux, n'ont plus de contact avec leur père depuis des années.
Et voilà qu'il réapparaît en réclamant «une dernière aventure« ensemble : un mois à sillonner en canoë un dédale de lacs du Canada. À la fois excités de retrouver la complicité de leur enfance et intrigués par ces retrouvailles soudaines, les jumeaux acceptent le défi.
Mais dès le départ, un malaise s'installe : leur père a étrangement mal préparé l'expédition, qui s'annonce pourtant périlleuse. Alors qu'ils s'enfoncent dans la nature sauvage, le comportement de leur père les étonne de plus en plus.
À Tel-Aviv, un homme apprend par courrier le suicide de sa grand-mère, Vera Kaplan, dont il ignorait l'existence. La lettre, venue d'Allemagne, est accompagnée de l'ultime témoignage de la défunte et d'un terrifiant manuscrit : son journal de guerre, celui d'une jeune Juive berlinoise qui, d'abord pour sauver ses parents puis simplement pour rester en vie, en est venue à commettre l'impensable - dénoncer d'autres Juifs, par centaines.
Dans un récit sans complaisance, librement inspiré du destin véritable de Stella Goldschlag, Laurent Sagalovitsch dresse le portrait d'une victime monstrueuse dévorée par une pulsion de vie inhumaine.
Deux copains de fac s'offrent la virée en canoë de leur rêve sur le fleuve Maskwa, au nord du Canada. Bientôt la balade contemplative tourne à la course contre la montre quand l'horizon s'obscurcit du plus dévorant des feux de forêt. Mais dans les bras et sous le règne de dame nature, une menace peut toujours en cacher une autre.
Peter Heller met sa pratique intime de l'aventure, son sens irrésistible du suspense et sa connexion unique aux paysages au service d'une folle et sauvage équipée qui éprouve autant l'amitié sincère de ses personnages que les nerfs du lecteur.
«Il s'efforçait de rire.Et eux aussi riaient, ne se doutant pas un seul instant du gouffre que cache parfois le rire d'un père.»Syrie. Un vieil homme rame à bord d'une barque, seul au milieu d'une immense étendue d'eau. En dessous de lui, sa maison d'enfance, engloutie par le lac artificiel el-Assad en 1973.Fermant les yeux sur la guerre qui gronde, muni d'un masque et d'un tuba, il plonge - et c'est sa vie entière qu'il revoit, ses enfants au temps où ils n'étaient pas encore partis se battre, Sarah, sa femme folle amoureuse de poésie, la prison, son premier amour, sa soif de liberté.
Avec lucidité et humanité, Edith Bruck revient sur son destin. Tout commence lorsque sa famille, de confession juive, est fauchée par la déportation nazie. L'auteure raconte sa miraculeuse survie dans plusieurs camps de concentration et son difficile retour à la vie. Elle n'a que quinze ans quand elle retrouve le monde des vivants. Elle commence une existence aventureuse, traversée d'espoirs, de désillusions, de débuts artistiques dans des cabarets à travers l'Europe et l'Orient, et enfin, à vingt-quatre ans, trouve refuge en Italie, se sentant chargée du devoir de mémoire, à l'image de son ami Primo Levi.
Dans la Cantabrie du XV? siècle, un massacre antijuif s'annonce. Pour sauver ses deux fils, un couple les envoie sur les routes. Leurs chemins les conduisent à travers l'Europe de la Renaissance, en Afrique du Nord et jusqu'en Amérique. Ils croisent une esclave canarienne devenue la maîtresse puis l'épouse de son maître, un marchand siennois voyageant entre Blois, Séville et Londres, une demoiselle d'honneur aux moeurs assez libres, des ecclésiastiques peu recommandables, et une foule d'individus aussi singuliers qu'émouvants.L'un devient marin et cartographe, intime d'Amerigo Vespucci - le navigateur dont le nom fut donné au Nouveau Monde -, l'autre médecin de Luther - le réformateur et initiateur du protestantisme - en Allemagne.Au terme de cette fresque historique captivante, riche en péripéties et en passions, parviendront-ils à se rejoindre ?
Trois cent soixante-neuf, c'est le nombre de photomatons que Jacob a pris de lui-même entre 1970 et 1974. Tour à tour barbu, glabre, austère ou fantasque, il semble avoir autant de personnalités que d'adresses postales. En découvrant cet album ramassé aux puces, Christophe Boltanski, fasciné, veut comprendre qui était cet homme. Acteur, steward, espion ?Alors l'auteur de La cache enquête, dans des échoppes à l'abandon, des docks déserts, des lieux ultra-sécurisés ou des cimetières. De Rome à Bâle, de Djerba à Israël, il reconstitue les vies de Jacob. Des vies qui mêlent paradis perdu, exil, désirs de vengeance, guerres et ambitions artistiques.
« Alors, qu'est-ce que je peux faire pour toi ?
Avec la lumière du soleil qui maintenant frappait le sol et les meubles de vieux bois marqueté, avec l'ombre des croisillons aux fenêtres qui dessinait comme un quadrillage penché sur l'épaisse moquette, elle a fini par dire qu'elle était revenue tout récemment, que pour l'instant elle logeait chez son père et qu'elle avait déposé un dossier pour un logement mais que peut-être il pourrait appuyer sa demande et que voilà, ce serait formidable pour elle si... »