Le peyotl, appelé "la chair des dieux" par les peuples indigènes mexicains, est une plante psychotrope emblématique, employée entre autres pour soigner et consommée durant les fêtes. Mais les colonisateurs européens et missionnaires chrétiens qui n'y virent qu'une plante "maléfique", la rebaptisèrent "herbe du diable" et prononcèrent son interdiction. Cependant, malgré l'interdit et la répression, le peyotl continua d'être consommé durant la période coloniale et jusqu'à nos jours.
L'auteur questionne les usages de psychotropes et leur prohibition, la "guerre à la drogue" comme guerre aux "drogués", l'histoire d'une guerre "morale" contre les minorités racisées.
Il n'y avait pourtant pas que le politique dans notre vie. « Le personnel est politique », comme les camarades féministes nous l'avaient fait comprendre, bon an mal an. En fait, alors que nous plongions la tête la première dans la dernière tentative de révolution communiste en Europe, c'est dans la sphère des relations interpersonnelles que nous étions en train de faire une révolution... Mais nous n'en avions pas vraiment conscience, pris comme nous l'étions dans des schémas anciens. Nous avions alors 20 ans, quelquesuns plus, d'autres moins. Et nous avions un désir débordant de mordre la vie, de plonger de tout notre corps dans une aventure enivrante, de profiter au maximum de tout ce que la vie pouvait nous offrir, ici, tout de suite, sans attendre ni le paradis céleste, ni le grand soir. « Qu'est-ce que vous voulez ? », nous demandait-on. On répondait : « Nous voulons tout ! » En 1979, après la mort accidentelle de trois activistes du groupe Autonomie ouvrière, dans la région de Vicence (Italie du nord), un grand coup de filet policier s'abat sur ses membres. Cette répression leur sera aussi fatale que les divisions internes qui émergent alors, dans les différents groupes armés, entre « repentis » et puristes.
Comment en est-on arrivés là ? Revenant sur la longue tradition de contestation ouvrière de Vicence, les mouvements amorcés en 1968 et l'influence du Chili de Pinochet sur la militarisation des groupes socialistes, ce livre insiste sur la continuité des luttes entre les années 1960 et les années 1970 : « Il n'y a pas une bonne et une mauvaise jeunesse, c'est la même, à des moments et dans des circonstances différentes. » Des rapports entretenus avec les Brigades rouges aux moyens d'action concrets - « autoréductions », sabotage de machines, création de comités ouvriers et étudiants ou blocage d'usines -, des limites de la lutte armée au rôle des intellectuels dans le militantisme, cet hommage à des camarades revendique la légitimité de se souvenir et la nécessité de perpétuer un combat pour un monde plus juste.
En 1378, le Tumulte des Ciompi ébranle Florence la florissante, l'une des capitales de la laine tout autant que le symbole des valeurs émergentes de la Renaissance. Cette révolte d'en-bas est depuis lors un épisode insupportable. Les contemporains se sont empressés de le rejeter dans l'ombre, les historiens viendront, après eux, brouiller le souvenir de ce grand moment d'affrontement social : en héroïsant, parfois, les vils ouvriers ; en les étouffant sous leur condescendante commisération ; plus généralement, en disqualifiant les effets politiques, en ignorant ou en occultant la réalité sociale de la révolte. Qui étaient les Ciompi ? Alessandro Stella reprend le dossier à la fois historique et historiographique, en s'attaquant à l'analyse des événements et à leur interprétation, cherchant à comprendre les dynamiques sociales commes les parcours individuels. La lumière crue du Tumulte dévoile alors une ville double, ou plutôt deux villes en une : celle de l'honneur et du gain, où les pauvres sont des « pauvres honteux », non pas des révoltés ; et celle des quartiers séparés par l'exclusion, où l'on a faim sans espoir.
À l'heure où en Europe occidentale et en Amérique du Nord se multiplient les plaintes pour abus sexuels sur mineurs à l'encontre des religieux en exercice, Alessandro Stella nous invite à une remontée dans le temps. Il nous emmène dans le Mexique colonial où l'Inquisition a instruit - entre 1540 et 1810 - près de deux mille procès contre des religieux accusés de délits liés à la sexualité. Son étude, qui repose sur une riche documentation produite par les tribunaux ecclésiastiques, est un apport majeur à l'histoire de la sexualité, qui généralement ne s'appuie que sur la littérature. Comment l'Église condamnait-elle les délits sexuels (pédophilie, viol, harcèlement) commis par les religieux ? Quelles étaient les sentences prononcées comparées à celles rendues aujourd'hui ? Quel était le profil des prêtres déviants et de leurs victimes ? Dans cet ouvrage, l'auteur s'interroge sur la position de l'Église face à l'amour, la sexualité, la pédophilie et la confession. Il questionne les rapports entre colonialisme et sexualité, entre " le père " et ses " filles en confession " ; la punition et la jouissance; les figures cléricales du sadomasochisme; la négation de l'homosexualité et, bien sûr, les authentiques rapports d'amour.
Vivre avec les drogues, apprendre à les connaître, maîtriser leurs usages.Tel est le fil rouge de cet ouvrage collectif, issu de séminaires tenus à l'EHESS.Depuis cent ans, les politiques publiques en matière de drogues sont fondées sur la prohibition. Pourtant, la légalisation des drogues est aujourd'hui en marche. Aussi, les frontières entre drogues légales et illégales sont de moins en moins nettes. En France, les consommateurs quotidiens de benzodiazépines prescrits, mais aussi d'alcool et de tabac - se comptent par millions. Drogues et drogués sont donc parmi nous : pour se soigner, ou pour prendre du plaisir, la demande de psychotropes n'est pas près de baisser.Dès lors, réfléchir à un nouveau cadre pour la production, la distribution et la consommation de ces substances s'avère nécessaire
Passer devant un juge pour régler un conflit de couple est aujourd'hui chose banale. Mais banal ne veut pas dire récent.
Le phénomène a une longue histoire, retracée ici dans le cadre de l'Europe occidentale pré-industrielle, des Pays-Bas à l'Espagne et à l'Italie, de la France à la Roumanie, sans négliger les évolutions de la diaspora juive installée au sein de la société chrétienne. Partout, les infractions possibles à la loi qui définit le mariage se durcissent et les procès se multiplient devant les tribunaux laïques ou ecclésiastiques. Rapts, viols, mariages clandestins, adultères et toutes les formes de violences conjugales sont autant de chefs d'accusation maniés par la justice, mais le plus souvent à la demande du couple ou de sa parenté.
La question est bien de savoir comment et pourquoi la justice a pu être utilisée, voire instrumentalisée comme une arme dans les querelles matrimoniales, et quel regard a pu être porté sur ces conflits où s'est en particulier joué le sort des femmes.
Textes issus d'un colloque tenu à Paris les 11 et 12 octobre 2010. (Résumés en français et en anglais).