Carlo Levi
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«Le Christ s'est arrêté à Éboli», disent les paysans de Gabliano, petit village de Lucanie, tellement ils se sentent abandonnés, misérables. L'auteur, antifasciste, a vécu là, en résidence surveillée, de 1935 à 1936. L'histoire de son séjour forcé parmi ces gens frustes et douloureux a été un des grands événements de la littérature italienne.
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« L'été s'abat sur la Sicile comme un faucon jaune sur l'étendue jaune des terres couvertes de chaumes. La lumière se multiplie dans une explosion continue, elle semble ouvrir, révéler les formes étranges des monts et rendre très durs, compacts, le ciel, la terre et la mer, mur ininterrompu de métal coloré. Sous le poids infini de cette lumière, hommes et animaux se déplacent en silence, acteurs d'un drame ancien dont le texte ne parvient pas à nos oreilles : mais leurs gestes suspendus dans l'air radieux sont comme des voix changeantes et pétrifiées, comme des troncs de figuiers de Barbarie, des branches tortes d'olivier, des pierres monstrueuses, de noires cavernes sans fond. »
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Les éditions Nous poursuivent leur travail de révélation du grand écrivain italien. Dans ce magnifique « portrait de ville » on retrouve l'écriture puissante et la lucidité politique de Carlo Levi, son regard à la fois aigu et tendre sur Rome et ses habitants. La Rome de Carlo Levi est une ville noble et plébéienne, ancienne et absolument actuelle, ville hors du temps qui demeure toujours fugitive, sa beauté âpre étant toujours prête à surgir là où on l'attend le moins. Les pages de ce livre, écrites entre 1951 et 1963, donnent à voir une multitude de personnages, véritables portraits vivants d'un monde populaire : petits métiers et trafics, vie des quartiers, fêtes rituelles, évolutions et dégradations de l'urbanisme, rémanences de l'époque fasciste. Toute une multiplicité, venue lentement d'une civilisation très ancienne, se trouve agitée par une philosophie de vie aussi flegmatique que sceptique, et pourtant dotée d'une vitalité incroyable. « C'est le peuple le moins rhétorique, le moins idolâtre et le moins fanatique de la terre. Même le temps ne les émeut pas, ne les effraie pas, car il est devant leur porte, palpable au bout leurs doigts. »
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Sur la plage de La Baule en 1939, alors que les divisions blindées allemandes gèrent les plaines polonaises et se préparent à envahir la France, Carlo Levi, âgé de 37 ans, tente de fixer son regard sur la crise de la culture européenne et de s'interroger sur les raisons qui ont motivé une civilisation entière à un résultat si catastrophique. Levi soumet à une critique implacable la religion (qui transforme le sacré en sacrifice), l'État (idole sociale de laquelle la politique occidentale ne peut se libérer), la guerre, le sang, la masse, l'amour et l'art. Carlo Levi est un écrivain, médecin, peintre et journaliste italien, auteur du célèbre roman autobiographique Le Christ s'est arrêté à Eboli (Gallimard).
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Si la Sardaigne est une terre où, comme le dit Carlo Levi, quelques minutes suffisent pour voyager à travers des dizaines de siècles, si un élément obstinément archaïque affleure de sa nature et de son quotidien, en elle cohabitent une apparente immobilité hors du temps et les bouleversements les plus profonds de l'histoire du XXe siècle. Bergers, paysans, ouvriers, intellectuels, bourgeois, clercs, fonctionnaires, ce sont autant de mondes proches et séparés, entre frictions marginales et déplacements, dans une période instable, active, où la fixité compacte de la coutume s'est brisée, et différents modes d'existence se trouvent côte à côte, comme juxtaposés, si bien qu'à un visiteur pressé, immergé dans ces présences et ces distances, il peut arriver de se sentir, ou de s'imaginer, comme le fragment incohérent, parmi d'autres, d'une vie où des temps extraordinairement lointains semblent s'écouler ensemble sous le même soleil, sous le même regard noir des animaux.
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Les mots sont des pierres, qui a reçu le prestigieux Prix Viareggio, est particulièrement important dans l'oeuvre de Carlo Levi. Témoignage puissant sur la Sicile, ses villes et sa géographie, mais plus encore sur la vie de son peuple, sa culture, ses luttes. Il marque le lecteur par l'urgence de son rythme, l'acuité de sa phrase et la bonté de son regard.
Les mots sont des pierres est, dit Carlo Levi, « le récit de trois voyages en Sicile et des choses de là-bas, telles qu'elles peuvent tomber sous l'oeil averti d'un voyageur dépourvu de préjugés. » Ces récits sont de tonalités très diverses.
Il y a l'histoire de ce fils de cordonnier sicilien devenu maire de New York et qui revient, presque comme une divinité, le temps d'une courte visite, dans son village natal. Levi découvre ensuite le vieux monde sicilien des soufrières et la première grève de ses travailleurs. Puis c'est Palerme, Palerme faste et misérable aux rues grouillantes d'humanité, aux souterrains des couvents remplis de cadavres embaumés, Catane, noire de lave, et enfin le désespoir des paysans de Bronte, le désespoir de toute cette Sicile qui pleure ses morts et souffre des injustices, l'histoire de Francesca Serio, mère d'un syndicaliste assassiné par la mafia, sa ferme détermination : « les larmes ne sont plus des larmes mais des mots, et les mots sont des pierres ».
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We''re not Christians, Christ stopped short of here, at Eboli.'' Exiled to a remote and barren corner of Italy for his opposition to Mussolini, Carlo Levi entered a world cut off from history and the state, hedged in by custom and sorrow, without comfort or solace, where, eternally patient, the peasants lived in an age-old stillness and in the presence of death - for Christ did stop at Eboli.>
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Les mille patries - hommes, evenements, villages d'italie
Carlo Levi
- La Fosse Aux Ours
- 9782357071872
« Notre pays est un pays de fenêtres, et d'yeux qui se posent derrière les fenêtres, et qui regardent, épient, contemplent, s'enrichissent d'images, s'oublient dans l'acte de regarder, et brillent de sympathie pour ce qui vit et bouge là-bas, et sont animés de vie grâce à cette sympathie. C'est par les élèves que cette nourriture continue, cette assimilation du monde, chasse la maladie mortelle de l'ennui et de l'isolement misérable. »
Rédigés pour la plupart entre 1945 et le début des années 1960, ces articles de Carlo Levi nous accompagnent à travers un pays sur le point de connaître de profondes mutations.
Pour Carlo Levi, il est nécessaire de connaître le passé de son pays, la richesse multiforme de ses terres et de ses hommes, et de dialoguer avec eux pour dessiner l'avenir.