Découvrir la noblesse de l'odorat, tel est le but de ce livre, qui fait d'un sens négligé un objet de réflexion à part entière. Chantal Jaquet remet en cause les préjugés sur l'odorat comme sa prétendue faiblesse, son caractère primitif ou immoral et met au jour la manière dont l'esprit nous vient aussi du nez. Le rôle décisif des odeurs dans la constitution de la mémoire et de l'affectivité ainsi que dans la construction de l'identité et de l'altérité est rappelé.
Cette réhabilitation de l'odorat vise la promotion d'un véritable art olfactif qui dépasse le simple usage cosmétique des parfums et substitue le « sentir beau » au « sentir bon ». L'élaboration d'une esthétique olfactive repose sur la recherche des expressions artistiques de l'odeur, aussi bien dans la littérature de Huysmans, Balzac et Proust, que dans la musique de Debussy, la peinture de Gauguin ou la sculpture de Rodin. Elle s'appuie également sur les tentatives historiques de création pure de parfums ou les installations dans l'art contemporain.
La théorie de la reproduction sociale admet des exceptions dont il faut rendre compte pour en mesurer la portée. Cet ouvrage a pour but de comprendre philosophiquement le passage exceptionnel d'une classe à l'autre et de forger une méthode d'approche des cas particuliers. Il analyse les causes politiques, économiques, sociales, familiales et singulières qui concourent à la non-reproduction sociale, ainsi que leurs effets sur la constitution des individus transitant d'une classe à l'autre.
A la croisée de l'histoire collective et de l'histoire intime, cette démarche implique de cerner la place dans la classe, le jeu des affects et des rencontres, le rôle des différences sexuelles et raciales. Elle invite à briser l'isolement disciplinaire pour appréhender la singularité au carrefour de la philosophie, de la sociologie, de la psychologie sociale et de la littérature. Elle requiert la déconstruction des concepts d'identité sociale et personnelle au profit d'une pensée de la complexion et du métissage des déterminations.
À travers la figure du transclasse, c'est ainsi toute la condition humaine qui est éclairée sous un nouveau jour.
« Ces variations autour de la puissance d'agir [...] ont pour objectif commun de ressaisir la puissance dans l'impuissance et de passer de la peur de la mort à la jouissance de l'éternité, de la finitude du corps au développement de ses capacités, de la servitude des affects à la fortitude retrouvée. Il s'agit ainsi d'exprimer la positivité du négatif en allant chercher la puissance là où ne s'attendrait pas à la trouver. »
Le kôdô, littéralement la voie des fragrances, est un art japonais unique au monde consistant à apprécier et célébrer les parfums des bois aromatiques précieux au cours d'une rencontre, mêlant combinaisons de senteurs et poésie. Comment comprendre qu'un tel art alliant sagacité olfactive et culture lettrée ait pu naître et se développer à partir de l'ère d'Edo en forgeant des catégories esthétiques très raffinées, alors que l'odorat est souvent considéré comme un sens ingrat et grossier? Le présent ouvrage vise à éclairer cette énigme et à élaborer une philosophie du kôdô qui en restitue l'esprit à travers l'histoire, en interrogeant ses soubassements métaphysiques et esthétiques. Penser la magnificence dans l'impermanence, tel est le défi auquel le nez est ici convié.
Dans cet ouvrage, l'auteure montre comment la pensée de Spinoza se constitue et nous constitue aujourd'hui.
Elle expose sa pratique de l'histoire de la philosophie fondée sur le double mouvement du pointillisme méthodologique et de l'appréhension des lignes de force. Elle s'interroge à la fois sur la puissance des mots, leur présence ou leur absence dans le corpus, qui vient torpiller les grandes machines interprétatives, et sur la dynamique des idées qui poursuivent leur vie propre durant les siècles. A travers l'étude de la composition des corps - corps animal, corps humain, corps propre, corps politique - et l'examen de la force actuelle de ses idées dans différents champs, il s'agit de penser Spinoza à l'oeuvre, tel que ses textes, à la lettre, opèrent encore et toujours sur nos esprits.
La collection est dirigée par Bertrand Ogilvie, agrégé de philosophie, professeur à l'Université de Paris X - Nanterre, Francis Wolff, professeur à l'Université de Paris X - Nanterre et Frédéric Worms, maître de conférences à l'Université de Lille. Elle se divise en sections : Les grandes questions de la philosophie dont les ouvrages sont centrés sur des thèmes ou des notions de philosophie essentiels et Les grands livres de la philosophie, publiant des " Introductions " commentées accompagnant la lecture des grands textes.
Pourquoi de la part de nos modernes chercheurs, neurobiologistes mais aussi psychomotriciens, un tel engouement pour la conception spinoziste de l'union du corps et de l'esprit ? Cette actualité du modèle spinoziste invite à la réflexion ainsi qu'à reprendre la question des rapports entre l'esprit et le corps et de leurs modalités affectives chez Spinoza, sous un angle philosophique.
Spécialistes de philosophie ancienne, moderne ou contemporaine, les différents contributeurs, ont tous été conviés à réfléchir sur leur propre pratique, sur les méthodes, problèmes et limites de l'histoire de la philosophie.
Selon Bacon, l'homme doit régner sur la nature, et pour cela, il se doit de la connaître. Savoir, c'est pouvoir. L'empire de l'homme sur les choses repose donc sur les arts et les sciences. Voilà pourquoi la promotion du savoir est au coeur des travaux de Bacon aussi bien dans Du progrès et de la promotion des savoirs, que dans De la dignité et l'accroissement des sciences. Dans les deux ouvrages, Bacon dresse un état des lieux de la connaissance en mettant en avant les tâches accomplies, en recensant les manques et les progrès à réaliser pour parvenir à la perfection. Il établit une division des sciences en trois parties : histoire, poésie et philosophie. L'originalité de cette division ne tient pas tant au rôle central dévolu à la philosophie qu'à la mise en avant de l'histoire et de la poésie, généralement reléguées à l'arrière plan. C'est cette tripartition inédite du savoir qu'il s'agit d'examiner et de commenter en prenant en compte l'évolution de la pensée de Bacon de la version anglaise à la version latine de son projet. Chantal Jaquet est professeur d'histoire de la philosophie moderne à l'Université Paris I Panthéon-Sorbonne. Elle a publié plusieurs ouvrages aux Puf, dont Le corps (2001) et L'unité du corps et de l'esprit chez Spinoza (2004).
Dans le cadre des débats actuels autour de ce que l´on appelle The mind and body problem, la conception spinoziste de l´unité du corps et de l´esprit est souvent invoquée comme un modèle et une référence, susceptibles d´éclairer l´approche théorique du problème et de fonder une nouvelle pratique scientifique. Contre l´erreur mémorable de Descartes, le neurobiologiste Antonio Damasio proclame ainsi que Spinoza avait raison. Qu´en est-il exactement ? L´auteur de l´Éthique invite, semble-t-il, à mettre un terme aux querelles entre monistes et dualistes en proposant de penser l´esprit et le corps comme un seul et même individu concevable sous deux expressions physique et mentale.
C´est cette solution originale et ses usages contemporains qui sont examinés ici à la lumière des recherches les plus récentes. Il s´agit tout autant de revenir sur la doctrine, mal comprise sous le nom de « parallélisme psychophysique », que de faire le point sur son utilisation aux XXe et XXIe siècles, dans le cadre des philosophies du langage et de la déconstruction, ainsi que dans les domaines de la neurobiologie, de la psychanalyse ou encore de la toute nouvelle psychomotricité.
Saverio ANSALDI, Henri ATLAN, Bruno BUSSCHAERT, Julien BUSSE, Pascale GILLOT, Chantal JAQUET, Denis KAMBOUCHNER, Adrien KLAJNMAN, Lia LEVY, Bernard MEURIN, Vittorio MORFINO, Kim Sang ONG-VAN-CUNG, Maxime ROVERE, Pascal SÉVÉRAC, Ariel SUHAMY, Béatrice VANDEWALLE, Lorenzo VINCIGUERRA.
Issu d'un colloque international organisé à l'université paris i, en janvier 2003, dans le cadre du centre d'histoire des systèmes de pensée moderne, cet ouvrage consacré aux pensées métaphysiques de spinoza vise à ouvrir les investigations au sujet d'un texte que, dans leur embarras, les commentateurs passent généralement sous silence.
Ni tout à fait cartésien, comme les principes de la philosophie de descartes dont il est l'appendice, ni tout à fait spinoziste, si l'on en croit la mise en garde de louis meyer dans la préface, cet écrit de jeunesse est particulièrement intéressant, malgré son apparence mineure, car il invite à réfléchir sur la définition de ce qu'est un auteur et sur la question des stratégies d'écriture destinées à préparer la réception d'un nouveau système.
De l'examen de la conception de dieu à celle de l'écriture, de l'histoire de la vérité aux figures de la liberté et de la volonté, les différentes analyses rassemblées dans ce recueil partagent le souci de frayer des voies d'interprétation qui restituent aux pensées métaphysiques toute leur puissance spéculative et éclairent la lecture de ce texte déroutant.
L'ouvrage explore les diverses facettes physiques, mentales et psychophysiques de la puissance d'agir chez Spinoza, de la peur de la mort qui en constitue le plus bas degré à la jouissance de l'éternité qui en est l'acmé. À travers une série de variations regroupées autour de quatre principaux thèmes - l'éternité de l'esprit, la positivité du faux, Spinoza dans le temps, corps et affects - il s'agit de ressaisir la puissance dans l'impuissance, la fortitude dans la finitude, et d'exprimer la positivité du négatif en allant chercher la puissance là où l'on ne s'attendrait pas à la trouver. Les trois premières parties examinent la puissance mentale qui culmine avec la conscience de l'éternité de l'entendement, mais qui se manifeste aussi bien à travers la persistance d'un noyau de positivité au sein même des notions confuses et des idées inadéquates, comme le bien et le mal, qu'à travers la permanence de ce que l'on pourrait appeler l'esprit du spinozisme dans le temps. À ces expressions mentales de la puissance d'agir font pendant les variations physiques et psychophysiques de la quatrième partie où sont analysées, d'une part, les capacités du corps et son aptitude à se faire reconnaître comme humain en lui-même et par lui-même, et d'autre part, les modifications affectives de la puissance d'agir, de la mort à l'amour, de la servitude passionnelle à la fortitude retrouvée.
L'homme est éternel et de peu de durée. Il s'agit de comprendre comment des modes finis peuvent partager l'éternité avec Dieu en ne jouissant pas d'une existence nécessaire, mais d'une simple nécessité d'exister et comment leur existence actuelle temporelle s'articule à leur existence éternelle.
Historiens, philosophes, sociologues, psychanalystes, hommes d'arts et de métiers : les auteurs de ce livre sont pour la plupart des transclasses, produits d'une histoire singulière et collective. Ils prennent ouvertement la parole et croisent leur approche pour rendre visible une réalité parfois idéalisée, mais très souvent méconnue : celle du passage d'une classe à une autre. Ni fierté outrancière, ni honte coupable : ils veulent avant tout comprendre l'origine et la nature d'un tel changement social et s'interroger sur la fabrique d'une manière d'être et de vivre l'entre-deux.
À travers des récits en première personne et l'examen de figures et de configurations historiques, présentes et passées, ils font le pari que les mouvements au sein de la société ne sont pas réductibles à des données statistiques, que l'intime a une portée politique et peut être audible et utile à tous, transclasse ou non.
Dans un exercice de retour sur soi, la philosophe Chantal Jaquet met au clair ce qui dans la philosophie l'a sauvée d'une enfance douloureuse et la sauve encore aujourd'hui du vide. Pour elle, la vertu de la philosophie est qu'elle produit une disruption dans la pensée ordinaire et invite à élargir le champ étroit du présent. Pour cette grande spécialiste de Spinoza, les principales qualités requises pour un philosophe sont celles que Voltaire prêtait à madame de Choiseul : « la justesse dans l'esprit et la justice dans le coeur ». Au fil des mots et des souvenirs, Ch. Jaquet prend ici conscience que le lien entre tous ses travaux en apparence éclatés, c'est la question du passage, qui est aussi au coeur de son parcours de transclasse, concept qu'elle a elle-même forgé. Qu'est-ce qui passe et qu'est-ce qui reste, qu'est-ce qui est passager ou pérennisé, au cours de la mutation et de la transition ? Soucieuse de communiquer son amour du juste, dans le social, le politique et l'intime, elle livre ici une réflexion magistrale sur l'art de penser et l'art de se révolter.
Dans cet ouvrage, les principaux philosophes et historiens de la philosophie des États-Unis, spécialistes de Spinoza, présentent leurs interprétations et dialoguent avec leurs homologues français. C'est la première fois qu'une discussion systématique entre ces deux traditions a lieu. Elle fait suite au dialogue engagé entre Italiens et Français dans le volume Spinoza transalpin [Éditions de la Sorbonne, 2014).
Si la philosophie ignore les nationalismes, elle n'ignore pas les langues. Ainsi se créent dans chaque pays des traditions d'interprétation : elles partagent des références communes, lisent les auteurs selon des problématiques liées à leur histoire et s'expriment dans des styles spécifiques, propres à leur formation et à leurs institutions. Loin de gêner le débat, ces différences rendent au contraire nécessaires les confrontations.
Cette rencontre révèle que les philosophes américains prennent en compte les analyses de Gueroult, Matheron, Althusser ou Deleuze pour les prolonger, les contester ou les mesurer à leurs propres recherches. Elle témoigne surtout d'une évolution du commentaire. Il fut un temps où la lecture américaine se concentrait sur la logique et la métaphysique, alors que les questions d'éthique et de politique ainsi que les discussions sur la religion semblaient un domaine réservé à la recherche française. Il apparaît maintenant que ces frontières se dissolvent et que durant ces dernières années, les thématiques de la communauté, de la superstition, de l'objectivité du bien et du mal, de la générosité se développent outre-Atlantique dans de nouvelles perspectives.
Ont collaboré à cet ouvrage :
Étienne Balibar, Steven Barbone, Laurent Bove, Edwin Curley, Michael Della Rocca, Simon B. Duffy, Daniel Garber, Pascale Gillot, Céline Hervet, Jonathan Israel, Chantal Jaquet, Mogens Lærke, Jacqueline Lagrée, Yitzhak Melamed, Warren Montag, Pierre-François Moreau, Steven Nadler, Knox Peden, Alison Peterman, Charles Ramond, Michael Rosenthal, Pascal Sévérac, Hasana Sharp, Jack Stetter, Ariel Suhamy, Lorenzo Vinciguerra.
André Tosel, décédé en mars 2017, était un philosophe engagé, attaché tout au long de son existence à faire vivre un marxisme critique puisant notamment dans le meilleur de la tradition italienne de ce courant de pensée ; il fut l'un des rares français à introduire et discuter les oeuvres majeures d'A. Labriola et surtout d'A. Gramsci, ainsi par ailleurs que celles de Vico dont il fut un fin connaisseur. Il consacra sa thèse de doctorat d'état aux rapports entre religion, politique et philosophie chez Spinoza et contribua de façon décisive à de nouvelles lectures du philosophe en le mettant en miroir de Marx. Professeur de philosophie des universités de Besançon, Franche Comté, de Paris 1 Panthéon-Sorbonne et de Nice Sophia-Antipolis, dans lesquelles il occupa de nombreuses fonctions de directions administratives et scientifiques, il était un homme de collectif attaché à faire vivre le savoir, s'engageant dans la vie universitaire et politique, contribuant également de manière décisive au lancement et à l'animation de la revue Actuel Marx. Passionné par l'évolution des pensées contemporaines, il intervenait régulièrement dans des débats d'actualité, sous la forme de contributions dans L'Humanité ou dans des ouvrages destinés à un public large, tout particulièrement dans la dernière période sur les questions de sécularisation, de laïcité et de religion. Cet ouvrage entend lui rendre hommage en abordant les différentes facettes de son oeuvre, traversant un demi-siècle de vie intellectuelle.
Les études réunies ici en hommage à Jean-Marie Beyssade s'inspirent de sa recherche selon trois modalités : l'examen des rapports Spinoza/Descartes ou Spinoza/Bergson, l'amplification de ses thèses sur les rapports entre affect et affection, l'étude des concepts de reconnaissance, de préférence, de justification.
Le XVIIe siècle est souvent présenté comme le siècle de la raison, mais cette évidence ne doit pas faire oublier qu'il fut d'abord une époque de crise et de rupture par rapport aux Anciens et à l'École. Confronté à l'incapacité des philosophies antérieures de parvenir à une certitude incontestée, l'esprit en vient à douter de lui-même, à s'interroger sur sa faculté de savoir et sur ses conditions d'exercice. Est-il possible de fonder un jugement théorique et moral sûr et de surmonter le scepticisme ? L'entendement est-il disposé naturellement au vrai ou a-t-il besoin d'une réforme radicale ? L'imagination est-elle vouée à l'erreur ou peut-elle jouer un rôle fécond dans l'élaboration du savoir ? Autant de questions qui travaillent en profondeur les différents systèmes philosophiques et les invitent à résoudre la crise du savoir par la mise en place de méthodes nouvelles, par l'invention d'une logique, et la redéfinition des fonctions de la raison et de l'imagination. Issu d'une coopération franco-hongroise, cet ouvrage consacré aux facultés de l'âme vise moins à examiner les progrès du rationalisme à l'âge classique que les difficultés et les interrogations qui ont présidé à sa constitution.