Regarder passer les bateaux sur le fleuve Douro, au Portugal, se promener dans la nuit de Kyoto, voir filer les poissons sous un petit pont de bois de Takayama, jouer au pachinko à Tokyo, marcher sur les rives d'un lac du Colorado, faire un tour à scooter dans Paris, flâner sur une plage normande, ça vous dirait? Ah, les voyages que ça permet, la lecture, ah, l'espace idéal que c'est, un roman, où on peut circuler d'un lieu à l'autre, librement.
Qui n'a pas rêvé d'être un écrivain américain ? Alors j'ai écrit un roman de Donovan Gallagher et deux romans de Tom Lee Mulligan. Disons que je les ai traduits.
Ce qui s'est réellement passé à Stonebrige, Donovan Gallagher : Quand il débarque à Stonebridge, Roy Steven est persuadé qu'un fait divers va s'y produire. Il n'a pas tort, mais les choses vont se passer un peu différemment de ce qu'il avait imaginé...
Comment écrire un roman, selon Price, Tom Lee Mulligan : Bryan décide sur un coup de tête d'écrire un roman. Il demande à son ami Price, un célèbre écrivain, une liste de conseils. Mais Price semble jouer un drôle de jeu, rapport à Carol.
Runaway Bay, Tom Lee Mulligan : À Runaway Bay, il y a un lac, un bar, une épicerie, un garage, accessoirement un golf, et les pluies d'été du Texas. Jeff y mène sa petite vie tranquille jusqu'au jour où Montana arrive. Puis Sam.
Roman choral, Ce que c'est qu'une existence raconte cette mystérieuse évidence d'être au monde ensemble au même instant et de vivre des vies différentes. Plusieurs histoires sont reliées, d'une façon ou d'une autre, par la romancière, elle-même personnage de son propre livre. On suit différentes existences sur une seule et même journée, dans plusieurs lieux (un appartement, un avion, une chambre d'hôpital, un cargo sur la mer de Marmara, un taxi au sud de l'Europe, des villes turques...). Mais tout part d'un carrefour à Paris. Un père, déjà âgé, observe le quartier depuis sa fenêtre. Son fils, Tom, est sur un bateau en Méditerranée. Dorris fuit son histoire amoureuse avec Tom. Stan erre dans la ville, après avoir accompagné sa femme Magda à l'hôpital.
Ahmad, qui vient de Syrie, s'installe chaque matin sur un carton à ce même carrefour. Et d'autres personnages encore, la gardienne de l'immeuble du père, le fils de la gardienne, une hôtesse de l'air dans l'avion que prend Dorris, une infirmière auprès de Magda, Anna et Steven, un couple de jeunes voisins qui se disputent, jusqu'à des homards furieux qu'on les plonge dans l'aquarium d'un restaurant. On suit, avec émotion, humour et empathie, comment chacun à son échelle se débrouille avec l'existence. Comment toutes ces vies se croisent, se frôlent, s'ignorent, se cherchent ou se fuient. On y parle d'amour, de l'affection père-fils, d'exil, de guerre, de prison, de la possibilité des réconciliations, des étés. Et de l'épidémie, qui s'est invitée de force dans l'histoire, puisqu'elle change le monde autour de nous. Ici ou là, se glissent des confidences intimes, des secrets douloureux. Tandis que le roman écrit les vies en train de se faire et se défaire.
« Nous, les objets, quelques-uns, ce soir, on va sortir de notre silence. On a des choses à vous dire » (le pèle-pommes). C'est donc une réunion d'objets, dans un appartement, qui discutent de leur état, de leur vie, et de ce qu'ils savent du monde. Cinq objets, choisis pour cinq acteurs :
Une lampe, une boîte à couture, un parapluie, un pèle-pommes, une amulette. Ils parlent de leurs désirs, de ce qui leur manque, de leur histoire, de leur origine. Ils interrogent ce lien qui les unit à leur propriétaire, dont l'absence plane. Tantôt ces objets nous tendent le miroir de nos propres conflits intérieurs, de nos inquiétudes, (ils vivent plus ou moins bien leur condition d'objets, il leur arrive d'être victimes de sévices et sont capables aussi d'une violence sauvage - car les objets tuent parfois) ; tantôt, en insistant sur leurs différences d'avec nous, ils nous font mieux apercevoir notre fragilité comme notre liberté.
La pièce sera créée le 28 novembre 2019 au Studio-Théâtre de la Comédie française, jusqu'au 5 janvier 2020 (29 représentations).
Distribution : Claude Mathieu, Hervé Pierre, Pierre Louis-Calixte, Bakary Sangaré, Anna Cervinka. Mise en scène :
Christine Montalbetti, et décors : Éric Ruf.
Ce roman doit autant à l'imagination qu'à une reconstitution familiale et historique. Christine Montalbetti part sur les traces de son arrière-arrière-grand-père, botaniste au Jardin des Plantes de Paris dès l'âge de neuf ans. Elle s'adresse directement à lui dans une complicité littéraire étonnante.
Son nom ? Poisson. « Un nom idéal pour un ancêtre, puisqu'il paraît que c'est du poisson que nous venons ».
Jules Poisson est né en 1833. Il verra le monde se transformer jusqu'à sa mort en 1919. Nous faisons avec lui cette traversée du 19 e et des débuts du 20 e siècle. Jules a vécu le terrible siège de Paris en 1870, et toute la guerre de 14. Passant de la bougie à la lampe, il a connu l'invention du cinéma, celle des appareils qui enregistrent la voix. La narratrice mène l'enquête : archives familiales, état civil, correspondances et articles scientifiques... Elle fait d'émouvantes découvertes. Elle sonde les légendes familiales, des histoires bien étranges. Il y a la vie de Jules, herborisant, menant ses expériences au laboratoire, proche des plantes et de la nature, une figure de savant distrait, plutôt lumineuse. Et sa vie meurtrie (on apprendra pourquoi), sa part fantasque, sombre, presque un côté Jekyll. Dont une anecdote mille fois racontée et pourtant au bord de l'indicible et de l'horreur.
Ainsi, à mesure que l'histoire du monde se tend, celle de Jules se trouble, confronté à l'histoire tragique de son fils Eugène parti vivre en Afrique. Christine Montalbetti a écrit ce roman pour, dit- elle, « réparer l'irréparable, incomplètement, naïvement, éperdument, dans le deuil où je suis de notre rencontre impossible ».
Dans un studio, un bruiteur s'apprête à créer un paysage de bord de mer, avec des champs qui surplombent la plage, et une forêt contiguë. Entouré d'une botte de poireau, d'une branche de céleri, et d'une bassine orange, il nous explique comment il procède. La pièce de bruitage, c'est sa cabane. Il s'y sent à l'abri du monde. Il nous raconte l'histoire qu'il doit bruiter.
C'est l'histoire de la fugue d'un fils. L'histoire des désirs inaccomplis d'un père. De temps à autre, des souvenirs personnels affluent. Des souvenirs qui tournent autour d'un cousin fugueur qui n'est pas étranger à sa vocation de bruiteur.
On éprouve le cocon du studio. Et, bizarrement, du fait de l'extrême acuité du vocabulaire de Christine Montalbetti, de la manière si drôle et si précise dont elle imite ou décrit les bruits qu'invente son personnage, on les entend, ces bruits, comme on entend l'histoire triste de son personnage, peu à peu, à travers eux.
Le 25 août 201l, un braquage a lieu au casino de Trouville.
Mais rien n'est comme d'habitude.
Le braquage a lieu en plein après-midi.
Le braqueur est seul.
Il a 75 ans.
Trouville Casino retrace cette étrange journée.
S'inspirant d'un fait-divers réel, l'écriture est sans cesse attentive à faire le partage entre les faits auxquels elle a eu accès, les différentes versions qui circulent, les hypothèses, et la part d'invention où s'imaginent les journées ordinaires qui ont conduit à ce geste.
Le récit minuté du casse et de la course-poursuite procède par séquences presque cinématographiques, qui tendent le suspense du roman. S'y tressent des évocations de la petite ville de l'Orne dans laquelle habite celui que les flashes d'information finiront par appeler « le malfaiteur », de sa vie dans la maison, des paysages qui l'entourent, de la pluie comme des traces d'Histoire, et des petits voyages que la narratrice fait pour nourrir ses descriptions des lieux, dans l'Orne comme à Trouville, avec laquelle elle entretient un lien privilégié.
Mais les décors changent vite, et le roman parle aussi de ce tourbillon des modifications des lieux, qui emportent avec elles la fragile mémoire de ce qui s'y est déroulé, et que ces pages cherchent à retenir.
Peu à peu, ce retraité que tout le monde disait sans histoires et qui a accompli ce geste surprenant, imprévisible et singulier, nous devient familier, et on se découvre un peu tous « des papys de la côte normande ».
Anthologie ayant pour thème le personnage en littérature, ariculée selon 6 axes : le statut ontologique, le nom propre, personnages référentiels en terres fictionnelles, comment devenir un héros, la crise du personnage, vers l'incarnation. Chaque texte est introduit par un bref commentaire.
En impesanteur, par propulsion, en ondulant. Et, à voir les astronautes flotter ainsi, parmi les objets qui profitent de la moindre occasion pour voleter, on repense aux lois de la gravité qui nous régissent, et à notre rapport aux choses.
On peut alors relire le titre, qui apparaissait d'abord comme la surprise d'un contre-emploi malicieux pour désigner une aventure spatiale : La vie est faite de ces toutes petites choses est aussi une manière de reporter notre attention de l'héroïsme tant conté vers ce qu'il y a de tout simplement sensible dans notre façon d'exister. Parce qu'au fond, là-haut comme sur Terre, ce dont il s'agit, c'est toujours de bouger, d'attraper, de toucher, c'est de l'enthousiasmante et primordiale matérialité de notre relation au monde.
On retrouve dans ce roman, portés à leur comble, la méticulosité narrative et poétique de Christine Montalbetti, son humour délicat, sa manière d'interpeller si joliment le lecteur et d'intervenir de manière tellement gracieuse pour interpréter, commenter, digresser à partir de réalités aussi bien triviales que sublimes, de péripéties anecdotiques comme cruciales. Ici, la manière insolente qu'a un liquide de vouloir s'échapper de son conteneur n'est pas moins enthousiasmante qu'un coucher de soleil sur la terre vu de quelques centaines de kilomètres dans le ciel, une séparation dans l'espace quand le moment est venu pour une partie de l'équipage de regagner la terre est tout aussi émouvante et angoissante qu'une réparation acrobatique et en scaphandre dans le vide. Les repères sont sans doute chamboulés mais les universaux de l'émotion sont tout aussi prégnants que sur terre, sinon davantage, du moins sous la plume joyeuse et virtuose comme jamais de Christine Montalbetti.
Christine Montalbetti a écrit le Cas Jekyll, une adaptation pour le théâtre de Docteur Jekyll et Mister Hyde de Stevenson, à l'intention de Denis Podalydès, qui l'a mis en scène (avec la complicité d'Emmanuel Bourdieu et de Eric Ruf) et le joue (admirablement) : somptueux monologue pour un personnage double qu'interprète Denis Podalydès (de la Comédie Française).
Après Western et la road story de Journée américaine (et après un détour au Japon), Christine Montalbetti revient aux paysages américains. Cette fois, ce sont ceux de la côte Ouest. La petite ville de Cannon beach, au bord de l'océan. Déserte, hors saison. Un Français échoue au Waves Motel, et il n'y a bien que ça, les vagues, à s'encadrer dans la baie vitrée de sa chambre. Le spectacle de cette colère immémoriale de l'océan. Une colère qui semble avoir contaminé Colter, Shannon et Harry Dean, qu'il retrouve tous les soirs au bar de Moses.
Colter et Shannon portent en eux des histoires de fugues et d'abandon. Un père qui vous révèle qu'il n'est pas le vôtre et qui vous chasse, un fils qui fugue, une femme qui vous quitte, une autre dont on se sépare. Des histoires marquées aussi par la crise économique, les traites qu'on ne peut plus payer, un frère qui décide de s'engager dans l'armée. Et Moses aussi a son histoire, une histoire d'oncle et de volcan.
Dans la ferme où habite Harry Dean, débarque un locataire, Perry, qui sillonne la région avec les deux tomes de l'expédition de Lewis et Clark, une mission scientifique d'exploration du territoire, au tout début du XIXe siècle : et les fantômes de ces hommes qui attendent sous les pluies de pouvoir gagner l'océan tout proche hantent le roman.
On croit qu'on se fait sa place, à Cannon Beach, et à force d'entendre les histoires des uns et des autres, on se sent lié à eux. Mais une menace trouble continue de flotter, qui se précise avec l'arrivée de Mc Cain. Puisqu'il y a Mc Cain, un genre de seigneur local que tout le monde craint et qui ne voit pas trop d'un bon oeil la présence de ce Français.
Ce roman nous parle de fugue et d'exil, de forêts et de vent, d'océan acharné sous les grands ciels d'Amérique ; et de la façon dont chaque soir, au Retour d'Ulysse, le bar de Moses, chacun essaie de recomposer sa vie.
Mais la menace que l'on sent peser à tout moment va-t-elle se concrétiser ?
Comment devenir un héros ? Le douanier paléontologue Jacques Boucher de Crèvecoeur de Perthes, figure historique du XIXe siècle, mais frère en fiction de Don Quichotte, a tout essayé : le roman maritime, enfant, embarqué sur des bateaux soumis aux attaques des corsaires ; l'épopée, menant ses guerres douanières sans trouver les champs de bataille, ou d'autres fois immergé en le coeur de l'action sans la reconnaître ; le roman mondain, où de salons en salles de bal notre jeune homme s'exerçait à rimer.
Revenu à Abbeville, où nous le rencontrons en cet automne 1862, prenant son bain quotidien dans la rivière, il a une idée nouvelle : découvrir un fragment d'homme antédiluvien. Un petit voyage à Mers-les-Bains avec Margot, qui permet à Jacques de s'essayer, pourquoi pas, à figurer dans un roman sentimental, l'en distrait un moment. Mais à son retour, la péripétie semble se préciser. Jacques deviendra-t-il un héros ? Ici ou là, ponctuant le récit de ses aventures, passent quelques hommes préhistoriques...
Les conditions ont l'air optimales, pour la conduite.
Ciel clair, route dégagée, confort de suspension du break, autoradio avec commande au volant : on est paré. Attachez vos ceintures, il s'agir d'arriver au ranch avant la nuit.
" C'est cela, voyez-vous, que raconteraient possiblement ces pages.
Cela qui vous paraît tout petit, quelques allées et venues dans la maison lors d'une saison pluvieuse, un carré de jardin qui semble un puzzle derrière les torsades du fer forgé, un chapeau de pluie à retourner de temps à autre, à lustrer, à faire pirouetter, un tapis à cases dont on recense le bestiaire, et l'arrivée d'un ami perdu de pensée qui parachève l'oeuvre de ces journées, apportant avec son corps ancien non pas la mémoire du passé, mais le passé même.
"
Pourquoi est-ce qu'on dit ça, évaporé, pourquoi est-ce qu'on parle d'évaporation, toujours est-il qu'il y en a pour prendre leurs cliques et leurs claques et disparaître avant le lever du jour, et ceux-là s'en vont reconstruire ailleurs une vie sous un nouveau nom, et sans doute aussi avec un passé imaginaire, une histoire inventée, si on le leur demande, pour brouiller les pistes.
C'est cela qui est arrivé à l'oncle. Un matin, quand tout le monde dormait encore dans la maison, il a franchi silencieusement le seuil, et son corps s'est enfoncé dans la brume bleue de l'aube.
Nous voici plongés dans un Japon que l'on pourrait imaginer médiéval, ou éternel, en tout cas épargné par la modernité industrielle. Important à savoir, passé l'étonnement que peut susciter le titre : au Japon on dit d'une personne disparue, non pas morte forcément mais qui a lâché les amarres et tout quitté, connaissances et proches, occupations et habitudes, pour partir on ne sait où, on dit de cette personne qu'elle s'est « évaporée »... Donc l'oncle s'est évaporé et son neveu part à sa recherche. C'est tout à la fois le voyage du neveu à la recherche de l'oncle et les interrogations et hypothèses que suscite cette disparition qui fournit la matière du roman. Comme à l'habitude avec Christine Montalbetti, un roman est fa! it de délicates figures de styles et de délicieux atermoiements narratifs qui marquent une écriture, encore approfondie, toujours plus efficace à discrètement restituer une culture aussi bien à travers la description des paysages que des actions, des êtres que des choses.
Dans la chambre sans fenêtres du Love Hotel, où plus rien ne parvient du dehors, un occidental venu à Kyoto pour écrire un roman, et Natsumi, une Japonaise dont le mari, à cette heure, doit considérer le ginkgo depuis la fenêtre de son bureau, font l'amour.
Entre leurs gestes, dans la pièce aveugle, s'engouffre la mémoire de contes du Japon : imaginaire marin, menace des dragons, et de toutes sortes d'esprits qui rôdent et dont on se sait pas très bien l'ampleur des maléfices.
Autour du décor farcesque du Love Hotel, s'étendent les berges de la rivière Kamogawa, encore suspendues dans cette fin d'hiver, le sentiment bizarre de deuil qu'on y éprouve, et pourtant aussi tout ce qui s'agite dans l'air de la promesse du printemps.
L'humour se mêle à cette mélancolie qui émane des paysages, à la terreur vague que laissent planer les contes, au sentiment tragique de la catastrophe. Car, on ne l'apprend qu'à la dernière phrase, le roman se passe l'après-midi du 11 mars 2011, jour du terrible séisme qui fut suivi d'une vague haute de 10 mètres qui a ravagé la région de Sendai, et dont le narrateur, quand son récit se termine, est sur le point de découvrir les images que nous connaissons tous.
Tout le roman peut se relire alors comme l'histoire trouble d'un pressentiment.
Christine Montalbetti se trouvait au Japon, ce 11 mars 2011, dans la région de Kyoto. Love Hotel a été écrit dans la mémoire de ce bouleversement.
Elle interroge, à travers cette fiction érotique, le désarroi de la concomitance : qu'éprouve-t-on, quand quelque chose de terrible se passe quelque part au même instant, et qu'on ignore ? Comment vivre ensuite avec le sentiment de son aveuglement ? N'a-t-on pas été pourtant submergé par des pensées qui, après coup, paraissent en symbiose étrange avec cet événement ?
N'est-ce pas quelque chose que vous avez déjà vécu ? Vous éprouvez soudain pour quelqu'un ce qu'on peut appeler un sentiment amoureux et il faudrait, pour que cette petite exaltation se transforme en une relation, que vous y mettiez un peu du vôtre ; or, au moment où il convient que vous soyez le plus présent à la situation, quelque chose vous en distrait. Je ne sais pas moi, une pensée, un souvenir, quelqu'un qui passe, ou tout simplement le combat que mènent en vous Timidité et Hardiesse, Désir et Inquiétude, Fougue et Paresse. Mais d'où nous vient cette propension à l'esquive ?
Expérience de la campagne est un texte plus contemplatif que Western, plus intimiste, qui retrace les rêveries d'un homme assis a la terrasse d'une maison après que le dîner a eu lieu; moment nocturne, où il pense aux quelques jours qu'il vient de vivre dans cette campagne où il est de passage. Isolé sur cette terrasse (les autres invités sont dans l'intérieur de la maison), éclairé par la lumière minimale de deux ampoules qui font paraître le paysage alentour vaste et sombre, tour a tour il se souvient d'un ami revu juste avant son départ pour cette campagne, des activités au jardin de ceux qui l'ont invité, d'un roman japonais qu'il est en train de lire, et d'un documentaire télévise sur les otaries.
Christine Montalbetti raconte neuf petits déjeuners qu'elle a pris, les uns, dans des circonstances privées, les autres, dans des contextes institutionnels, avec quelques écrivains.
Ces récits constituent des hommages discrets et délicats à ces auteurs, dont le portrait n'est jamais appuyé, mais seulement esquissé, presque fantomatique. Car ces textes s'inquiètent (et s'amusent) de notre fascination pour ce tout ce qui est « people » et qui hante le discours contemporain. Ils interrogent, implicitement ou dans un jeu explicite, notre curiosité, et les motivations de cette attente.
Jouant avec notre désir, Christine Montalbetti, comme les personnages de ses Nouvelles sur le sentiment amoureux aime à pratiquer l'esquive. Les écrivains traversent ces petits déjeuners comme des présences douces, et le récit s'attache bien plutôt à saisir des états intérieurs, au travers de ces narrations, variées, contemplatives, humoristiques ou mélancoliques, et qui convergent vers un petit déjeuner dans un hôtel japonais qui se laisse furtivement gagner par le fantastique.
Slalomant sur la difficile frontière entre ce que l'on révèle et ce que l'on retient, Christine Montalbetti fait aussi de ces Petits déjeuners l'occasion d'un autoportrait ténu, dispersé, fragile.
Sommaire : L'aquarium (avec Jean-Philippe Toussaint) - Un déjeuner de soleil (avec Laurent Mauvignier) - Les Carnets de Mendiska (avec Anne F. Garréta) - Le sentiment de la maison (avec Tanguy Viel) - Heures Bauloises (en l'absence de...) - Roméo et Juliette (avec Olivier Cadiot) - Trouville story (mais où est passé Jérôme Beaujour) - Les jardiniers (avec Éric Laurrent) - Hôtel Komaba Eminence (avec Haruki Murakami).
S'ouvrant sur une aube bleuie et s'achevant sur un crépuscule érubescent où se déroule un duel, Western nous propose un véritable western, avec tous ses ingrédients: auvent, éoliennes, ranch écrasé de soleil, auberge, saloon, récit d'une bagarre, évocation de toutes sortes de paysages, ceux de la transhumance, des forêts, d'une clairière, des déserts ponctués d'oponces, personnages féminins de Mary et de Georgina, et surtout le motif central de la réparation, vers quoi toute cette journée tend.
Un western, mais à l'italienne, qui joue des plaisirs de la parodie et manifeste, à travers l'humour qui anime son style, un véritable enthousiasme à narrer.
Et pourtant ce héros flegmatique, qui paraît dépossédé de son propre nom, et de son histoire, laquelle lui revient par fragments, lesté par le poids d'un traumatisme qui ne sera révélé que dans les dernières pages, n'est-il pas aussi le représentant de ce que l'on pourrait appeler un « complexe »oe Car derrière la fente palpébrale de ce regard qui ne cesse de scruter les paysages, se devine une puissante nostalgie des origines.
Avec ce nouveau roman, Christine Montalbetti poursuit une entreprise singulière, entre parodie et respect des canons romanesques, intervention du narrateur et abandon au flux romanesque. Plaisir et inquiétudes garantis à toutes les lignes.
Pour la première fois : le making-of d'un roman !
Christine Montalbetti a été en résidence d'écriture dans l'Oklahoma pendant la rédaction de son roman Journée américaine (sortie le 8 octobre 2009 chez P.O.L). Au cours de cette résidence, elle a pris des photographies : de sa table de travail, du paysage qui s'esquissait au travers du voilage, des pelouses du campus ponctuées de ces cottages en brique destinés aux invités, de la piscine de l'arrière-cour d'un hôtel, de paysages du Colorado, bord d'un lac où errent des chiens songeurs.
Photographies de repérage, où se fixent les décors du roman (campus, cafétéria, terrain d'American football plongé dans la nuit, images de la route américaine que parcourt Donovan dans ce « road novel » qu'est Journée américaine), mais aussi manière d'évoquer le travail en cours, l'espace où l'on écrit, et de traquer son reflet, ou son ombre, de vérifier sa présence, dans l'éloignement, en plein coeur de l'Amérique.
Un texte accompagne ces photographies, qui évoque l'état d'après l'écriture de Journée américaine, le regain du désir d'écrire et la fatigue, et les objets qui sur la table de travail ont encouragé la rédaction du roman. À travers la description de ces objets, c'est finalement une foule de souvenirs liés à l'écriture de Journée américaine qui affleurent, des lieux, des rencontres, et toutes les strates de vie qui sédimentent dans la composition d'un roman.
"Cet ouvrage a été publié pour la première fois en 2008, chez Biro éditeur, sous le titre de Rouge très très fort. Il se présente sous la forme d'un coffret dépliant composé : d'un livre en version bilingue (français/anglais), où un remarquable texte de la romancière Christine Montalbetti accompagne la reproduction d'une trentaine d'aquarelles parmi les plus récentes peintes par Zao Wou-Ki ; d'un DVD (commentaire en français sous-titré en anglais) proposant le très original film de Richard Texier sur son ami Wou-Ki. Cette nouvelle édition sera augmentée des toutes dernières aquarelles du Maître.
Le film montre Zao Wou-Ki en train de peindre (notamment des oeuvres reproduites ici), dans son propre atelier parisien puis chez Texier, sur l'île de Ré. Ces images sont incroyables, le Maître ayant toujours refusé de se laisser filmer au travail. On entend également cet immense artiste expliquer que toute sa vie, il n'a souhaité que « peindre les nuages »."
Présentation par Christine Montalbette et Jacques Neefs Ouverture : Les sandales d'Hermès par Michel Butor I -- Ecriture des Lumières : Comment ennuyer le lecteur par Pierre Bayard -- La banqueroute du sens par Jean-Michel Rey -- Les idéologues et l'éloquence, le cas d'Andrieux par Patrick Brasart -- Crise de l'oeuvre, crise de la "généricité", le roman épistolaire au tournant des Lumières par Lucia Omacini -- Une France européenne à l'heure de l'Europe française, les traductions de l'anglais au siècle des Lumières par Fritz Nies -- Pathétique et pédagogie, la leçon de l'Histoire de Charles XII de Voltaire par Anne Coudreuse -- Irène, une autre tragédie de Voltaire qui s'inspire de la Chine par Meng Hua -- Eponine ou ma république de Deslile de Sales (1791-1793), un voyage vers le roman historique par Daniela Gallingani -- Les aventures de la vertu au XVIIIe siècle -- Libertinage de plume par Patrick Wald-Lasowski II -- Romantismes : Le condamné de Hugo et l'Histoire par Victor Brombert -- Considérations littéraires et philosophiques sur l'historiographie post-figurative à la Restauration, 1815-1830 par Steve Nichols -- Berlioz, le "franc-juge" par Henri Mitterand -- Fouqué ou l'ami offusqué par Philippe Berthier -- Chimères stendhaliennes par Rose-Marie Corredor -- Une théorie critique du romantisme, Sylvie de Nerval par Jean-Nicolas Illouz -- Du manuscrit retrouvé au Livre infaisable, Nerval et les philologues par Christopher Lucken -- Paysage romantique et description poétique par Michel Collot -- Croire au secret par Françoise Asso -- Soleils noirs par Pierre Brunel III -- Ecriture de soi : Rien, journaux du 14 juillet 1789 par Philippe Lejeune -- L'imposture du sujet par Marie-Claire Ropars-Wuilleumier -- Le mirage autobiographique par Jean Sgard -- De l'exploration du monde à la découverte de soi, le Voyage à l'Ile de France de Bernardin de Saint-Pierre, 1773, et le projet de sa réédition par Alain Guyot -- Pierre Albert-Birot et les Poèmes à l'autre moi, la réconciliation avec soi par Arlette Albert-Birot -- Lire ses ancêtres, l'écriture autobiographique de Marguerite Yourcenar par Bruno Clément -- Cette brume de la mémoire par Anne Herschberg Pierrot IV -- Ecriture-femme : Notes sur l'entre-deux, de la biographie à l'autobiographie des femmes par Christie McDonald -- Comment écrire des femmes et comment écrire de leur écriture ? par Anne Garreta -- Roman ou géométrie, les Mémoires de Madame de Staal-Delaunay par Damien Zanone -- Germaine de Staël et Elisabeth Vigée-Lebrun devant la postérité par Gita May -- Idylle champêtre ou critique sociale ? Note à propos de l'ambivalence textuelle dans La petite Fadette de George Sand par Frank Leinen -- Le génie du féminin selon Michel Butor par Mireille Calle-Gruber V -- Lire écrire : "Faire vivre un livre", Buffon le style et l'homme par Gérard Dessons -- Charles Du Bos, les philtres capiteux de l'entretien par Denis Pernot -- Discrète musique pour Michaux par Christian Doumet -- Corps écrits par Jean-Claude Coquet -- Lire avec Du Bos par Jean-Pierre Richard