Rien de plus fragile que la faculté humaine d'admettre la réalité, d'accepter sans réserves l'impérieuse prérogative du réel. Cette faculté se trouve si souvent prise en défaut qu'il semble raisonnable d'imaginer qu'elle n'implique pas la reconnaissance d'un droit imprescriptible - celui du réel à être perçu - mais figure plutôt une sorte de tolérance, conditionnelle et provisoire. Le réel n'est généralement admis que sous certaines conditions et seulement jusqu'à un certain point : s'il abuse et se montre déplaisant, la tolérance est suspendue. Un arrêt de perception met alors la conscience à l'abri de tout spectacle indésirable. Quant au réel, s'il insiste et tient absolument à être perçu, il pourra toujours aller se faire voir ailleurs.Cet essai vise à illustrer le lien entre l'illusion et le double, à montrer que la structure fondamentale de l'illusion n'est autre que la structure paradoxale du double. Paradoxale, car la notion de double implique en elle-même un paradoxe : d'être à la fois elle-même et l'autre.
Sur l'existence (ou sur l'être, ou sur la réalité) les paroles les plus profondes et les plus définitives sont le fait d'un penseur, Parménide, qui passe paradoxalement et peut-être injustement pour avoir été le principal inspirateur de l'interminable lignée de philosophes qui, de Platon à Kant et de Kant à Heidegger, nous ont enseigné à suspecter la réalité sensible au profit d'entités plus subtiles :
Il faut dire et penser que ce qui est est, car ce qui existe existe, et ce qui n'existe pas : je t'invite à méditer cela.
« Voici un écrivain de la pensée. Ses livres sont brefs, clairs, insolites, insolents, en retrait. Il commence par dénoncer l'inaptitude au réel dont fait preuve l'endémique folie humaine, son dégoût inné pour la simplicité, son attirance pour les complications inutiles. D'accord en cela avec Montaigne, Pascal, Spinoza et Nietzsche, il démonte ce désir constant de
tromperie et de croyance romantique à l'irréel qui semble être la grande passion moderne. Il y a, dit-il, de tout temps, une inclination spontanée au double, une préférence accordée à ce qui n'existe pas plutôt qu'à ce qui existe. C'est le chichi précieux ou métaphysique, prêt à tout pour éviter ce qui est. »
Philippe Sollers, Le Monde
Ce recueil de divers textes que Clément Rosset a consacrés au cinéma, pour la première fois réunis, est précédé d'un entretien avec Roland Jaccard. Ses goûts cinématographiques, parfois déconcertants et ironiques, permettent de mieux cerner la personnalité du philosophe.
L'essai comporte deux parties :
Un entretien avec Roland Jaccard autour du cinéma sur le 1er film de son enfance Les naufrageurs des mers du sud par Cecil B. de Mille, les grandes revues cinématographiques (Positif, Les Cahiers ...), des thèmes tels que « Psychanalyse et cinéma », « Philosophie et cinéma », etc.
Des extraits de textes parus dans différentes revues ou ouvrages de C.
Rosset.
Clément ROSSET est philosophe. Il a publié plusieurs ouvrages dans la collection « Perspectives critiques » dont Une passion homicide et Écrits satiriques (2008), ainsi que tous ceux repris dans la collection « Quadrige » : L'anti-nature ; Schopenhauer ; philosophe de l'absurde ;
L'esthétique de Schopenhauer ; La philosophie tragique ; Logique du pire.
Ce livre est un bijou d'intelligence et de subtile écoute de Mozart. Une invitation à sortir des sentiers battus et à laisser de côté les poncifs officiels pour, enfin, entrer dans la célébration du silence, jamais égalée, à laquelle nous convie l'oeuvre du compositeur.
Dès la publication en 1960 de son premier livre, La philosophie tragique, Clément Rosset ne cessa plus d'écrire. Non seulement des livres de philosophie, mais aussi des récits, des pièces de théâtre, des essais sur ses artistes de prédilection. Parmi ces derniers, Mozart et le silence, devant être suivi de Note sur Jacques Offenbach, écrits en 1967 et 1970 respectivement, d'après la bibliographie que Clément Rosset établit lui-même vers 1970, préservée à la Bibliothèque Nationale.
Partant essentiellement de l'opéra chez Mozart -; son genre préféré, crucial à sa compréhension -;, Clément Rosset démontre, à rebours des thèses musicologiques en vigueur, l'indifférence du génie autrichien à l'égard de la psychologie de ses livrets.
À contre-sens des clichés en vigueur qui accordent un sens ou une intention aux airs sublimes de Don Giovanni, de Cosi fan Tutte ou des Noces de Figaro, l'auteur oppose une musique pure, finalement proche du silence et débarrassée de tout prétexte ou de toute arrière-pensée.
À son retour du Canada, où l'essai sur Mozart fut rédigé, Rosset le propose à un éditeur qui le refuse, ainsi que d'autres manuscrits. Le texte reste alors inédit pendant une vingtaine d'années.
Dans une série d'entretiens biographiques, Rosset raconte à ce sujet qu'au moment où il s'apprêtait à les mettre à la poubelle, il offrit quelques-uns de ces manuscrits à son ami Didier Raymond, estimant que ce dernier parviendrait probablement, de par son entregent , à les faire publier -; ce qui fut le cas du Mozart, qui voit le jour chez Mercure de France en 1990 sous le titre de : Mozart. Une folie de l'allégresse, signé donc Didier Raymond. Discrète et ironique vengeance : c'était l'éditeur qui avait refusé le texte quelque temps auparavant.
Ce même livre fut réédité chez Le Passeur en 2013 sous le titre Le cas Mozart. Il est aujourd'hui présenté au public sous son titre original, rendant justice à son auteur à titre posthume.
" Approuver l'existence c'est approuver le tragique... Être et tragique s'opposent ainsi comme le non et le oui, la dénégation et l'affirmation, la nécessité et le hasard, le droit et le fait, la nature et l'artifice. " " Le propos plus général est de retrouver, dans la frontière entre l'artifice et la nature, le vieux débat qui oppose l'approbation inconditionnelle de l'existence à son acceptation sous réserves de justification. " " L'idée de nature ne serait qu'une erreur et un fantasme idéologique. " Né en 1939, Clément Rosset est l'auteur d'une oeuvre philosophique importante, principalement publiée aux PUF et aux Éditions de Minuit.
«Lors de sa première publication, en 1965, cette Lettre donna lieu à des réactions contradictoires et souvent cocasses. Certains esprits crédules, n'ayant pas flairé la supercherie, pensèrent que je prenais sérieusement le parti, au sens politique du mot, de nos amis singes. D'autres, tout aussi peu perspicaces, y décelèrent des intentions de vilaine nature et me félicitèrent de prendre la défense de valeurs occidentales menacées, selon eux, par l'influence grandissante des populations de couleur. Il ne s'agissait pour moi que de me distraire aux dépens d'un certain nombre de catéchismes bêtifiants qui faisaient autorité dans l'intelligentsia française de l'époque.Il me semble - et c'est pourquoi je me décide à republier cet écrit - que ces catéchismes n'ont pas cessé d'être d'actualité [...]»Clément Rosset.