En 1981, Georges Perec s'interroge : doit-il dire « j'habite Paris », « j'habite à Paris », « j'habite la capitale », « j'habite la Ville lumière », ou encore « j'habite la ville qui jadis s'appelait Lutèce » ?
Tel est le Paris de Perec. Un lieu où vivre, mais aussi un terrain de jeu, d'expérimentation et d'écriture. Une ville puzzle, coupée en morceaux par « l'histoire avec sa grande hache », et dont les pièces éparses demandent à être patiemment assemblées : le Belleville pauvre de la prime enfance, le 16e arrondissement cossu de l'adolescence, le Quartier latin de l'âge adulte, les cafés, les appartements amis...
Avec Perec, Paris devient texte. La ville de papier trouve son mode d'emploi.
En 1897, une agence de presse avertit la terre entière : Mark Twain vient de mourir. Mais quand les journalistes accourent, l'écrivain en personne effectue une délicieuse mise au point : « L'annonce de ma mort est très exagérée. » La philosophie l'enseigne depuis l'Antiquité : il faut apprendre à mourir. Encore faut-il l'annoncer dans les règles de l'art ! Ni trop tôt, ni trop tard. Avec les mots adéquats. C'est le rôle des avis de décès. S'ils apportent la touche finale d'une existence, ils ressemblent souvent à des débuts de roman, dessinant en quelques lignes une vie, une histoire d'amour, un règlement de comptes, une vengeance...
Denis Cosnard rassemble ici les plus originaux, les plus savoureux ou poignants de ces textes, en imagine de nouveaux, et raconte avec humour et érudition l'histoire de ce genre si à part.
C'est une femme de la nuit, qui apparaît dans Remise de peine de Patrick Modiano. Elle a les yeux bleu vert, de longs cils, une chevelure brune, un air de chat et de garçonne. Elle s'appelle Frede. Ce nom de scène aussi énigmatique qu'un sphinx méritait une enquête, car il masque une extravagante conquérante du coeur féminin.
Dans le Paris des années folles où poussent comme des fleurs vénéneuses des cabarets pour femmes, Frede ensorcelle les plus belles : Anaïs Nin, Marlene Dietrich, l'actrice mexicaine María Félix ou encore la jeune Lana Marconi, dernière épouse de Sacha Guitry. Dans ses établissements de Montparnasse, de Biarritz, du Cap d'Antibes et des Champs-Élysées, la nouvelle reine de la fête attire, sur un rythme diabolique, les heureux et les damnés : Juliette Gréco, Orson Welles, Marlon Brando, Françoise Sagan, Brigitte Bardot, Sacha Distel, Michel Déon... Elle envoie les moeurs valdinguer, brise les coeurs et les conformismes. Dans ce ballet des ombres, Frede est la première à laisser danser des femmes ensemble, joue contre joue.
Voici le récit d'une affranchie et d'une France clandestine, aussi captivant et précis qu'un rapport de la Brigade mondaine. En compagnie de Frede, tendre est la nuit : aucun lecteur, aucune lectrice ne peut lui résister...
Tout commence en 1968, lorsque Patrick Modiano, à la parution de son premier roman « La place de l'étoile », s'invente une date de naissance : 1947 au lieu de 1945. Il mettra près de dix ans pour rétablir son état civil, et plus de quarante pour s'en expliquer. Etonnant Modiano, toujours entre fiction et réalité. Lors de son entrée sur la scène littéraire, il entremêle sa date de naissance et celle de son frère disparu, une façon se rendre à celui-ci un hommage discret. Dans ses livres, surtout, il ne cesse de « vaporiser » des éléments réels, liés pour beaucoup à la période de l'Occupation qui l'obsède. Les gestapistes de la rue Lauriston, le duo Bony-Lafont et surtout le mystérieux Eddy Pagnon, hantent ainsi ses textes, du premier au dernier roman.
Au fil des ans, cependant, Modiano avance. On le décrit prisonnier des brumes des années 1940, le voici qui rédige un scénario sur Mesrine avec Michel Audiard ! Lui qui se présente comme le fils « d'un juif et d'une flamande » porte sur ses parents un regard nouveau : le père équivoque et déch des premiers textes est lentement réhabilité, pendant que la mère actrice se retrouve la cible tardive d'attaques frontales. En parallèle, il se construit une famille de papier où se croisent Maurice Sachs, Emmanuel Berl, Raymond Queneau, Georges Pérec, Dora Bruder, Serge Klarsfeld, mais aussi Françoise Hardy et Catherine Deneuve.
En se glissant dans la peau de l'écrivain, Denis Cosnard mène à travers les textes, une enquête passionnante, pour aller au-delà du mythe de Modiano, prix Nobel de Littérature 20414.