Icône littéraire, auteur d'une oeuvre abondante ( Le Hussard sur le toit ; Un roi sans divertissement ; Colline...), Jean Giono semble être l'écrivain patrimonial par excellence, voué à être étudié, admiré, célébré. Pourtant, derrière l'image d'Épinal de l'écrivain provençal se cache un poète nerveux et tourmenté, un homme défait par la guerre et travaillé par la noirceur, l'amour et le désir tout autant que par la quête de paix et de lumière. Plongeant dans la vie et l'oeuvre de Giono, Emmanuelle Lambert construit le portrait intime d'un auteur aussi rayonnant qu'obscur, et livre une méditation incarnée sur la puissance du geste créateur.
« Ce livre n'est pas un livre de deuil. Le deuil, c'est après. [...] La vivacité du présent. Celle du sentiment. La trace que nous laissons aux autres. Ces particules de temps et d'affection mêlés demeurent en suspens. Ici, ce sont elles qui commandent, et avec elles, le souffle que sa mort m'a laissé au coeur. ».
Le récit s'ouvre un dimanche de septembre 2019, un dimanche où le père « concret et nébuleux à la fois » d'Emmanuelle Lambert, se prépare à mourir d'un cancer de l'ampoule, un organe situé à la tête du pancréas.
Et pourtant, ce livre est un livre de vie. C'est que, par une douce ironie des mots, il est à l'image de ce personnage de père à la « chaleur explosive » : « rétif à toute forme de rêverie fatiguée, car dans la fatigue se glisse un effritement possible, une voie pour la douleur et le doute ». Le duo du livre-tombeau et du père illumine tout sur son passage. Il n'y a pas de gris ici, mais les couleurs éclatantes du souvenir, du mange-disques seventies aux yeux de Dalida.
Poignant et solaire, émouvant et lumineux, mélancolique sans le poids du pathos, familial et universel, le récit d'une fille raconte le père : mais le père aurait peut-être voulu un garçon. À l'hyperactif soixante-huitard, au Dieu imprévisible de l'enfance, à l'ex-enfant triste qui joue jusqu'au bout de sa vie y compris en abordant aux rivages de la fin, répond une fille, qui se construit comme une femme. Avec une subtilité infinie, Emmanuelle Lambert traite dans ce livre de bien des thèmes, de l'intime au collectif, du masculin au féminin, et celle que son père, « le grand tonique » surnommait « Dudule », confirme l'écrivain de premier plan qu'elle est devenue.
Il y a trois ans que Paul s'est retiré dans une maison de repos, assumant son incapacité à vivre sa vie, plus à son aise avec les fous qu'avec les gens normaux. Il y trouve une forme d'harmonie, tout entier absorbé dans sa grande passion, la poésie, et dans des rituels ponctués par les visites de son infirmier.
Un jour il reçoit la lettre d'une femme qu'il a aimée. Il lui faut sortir, affronter une dernière fois ses souvenirs, et finalement se confronter au monde.
À travers la conscience troublée de son attachant personnage principal, se remémorant son amour impossible pour mieux lui dire adieu, ce roman prend ses racines dans la poésie pour raconter la difficulté de vivre et l'étrangeté cachée dans la normalité quotidienne.
« Le premier jour d'absence il était descendu à l'heure du déjeuner pour l'attendre dans le parc, caché derrière l'arbre d'où il observait la sortie de ses subordonnés. Il avait ensuite vérifié les registres de la badgeuse. Aucune trace d'elle. » Un jour, Eva Silber disparaît volontairement. Pourquoi a-telle abandonné son métier, ses amis, son compagnon, sans aucune explication ? Tandis que, tour à tour, ses proches se souviennent, le fait divers glisse vers un récit inquiétant, un roman-enquête imprévisible à la recherche de la disparue.
Lorsqu'on lui propose de consacrer une exposition à Jean Genet, à qui elle avait autrefois dédié ses tout premiers travaux, l'auteure renoue avec une oeuvre qui l'obsède depuis longtemps. Organisé en séquences inattendues, le livre suit sa progression, pas à pas, dans les documents, les souvenirs, les rencontres et les anecdotes, dans une approche où la documentation cède le pas à la sensibilité. On chemine alors de photographies iconiques en anecdotes, de polémique en correspondances, de films en témoignage, pour aborder Genet à travers la voix et le regard des autres. Ainsi se constitue, en creux, le portrait d'un poète scandaleux et insaisissable.
Alain Robbe-Grillet est mort le 18 février 2008. À la cérémonie normande, peu de gens sont présents, réunis autour de sa femme Catherine pour un dernier hommage. Les historiques, les compagnons d'armes, sont morts ou empêchés. Dans l'assistance, une jeune femme est affectée. Elle a travaillé longtemps avec lui sur ses archives, ses derniers livres. Elle a occupé une place de choix, d'où l'observer librement construire sa postérité. Un an après la disparition de Robbe-Grillet, Mon grand écrivain est un récit subtil et touchant, mélange de souvenirs bruts et de réflexions argumentées. Le portrait d'un auteur brillant, drôle, méchant, problématique, par celle qui eut la chance d'accompagner ses dernières années. Le texte aussi d'un écrivain, nourri du style du maître, qu'il prend parfois à contre-pied, avec finesse et volupté.
À Marseille, Betty, quatre-vingt quinze ans, s'ennuie. Elle veut raconter sa vie et personne ne l'écoute.
À Juvisy-sur-Orge, Agathe, vingt ans, sa petite fille, passe une annonce sur Leboncoin.fr. Elle veut trouver l'écrivain qui écrira le livre de Betty. C'est qu'on trouve de tout, sur internet.
À Paris, Sonia, neuf ans, redouble cette année. Elle a décidé d'arrêter de parler.
Jean, écrivain de son état, quarante ans, est leur homme de la situation : il a répondu à Agathe, écrira le livre de Betty, et donne des cours silencieux à Sonia. Il a du travail en perspective.
Nous sommes à Paris et à Marseille, mais aussi à Alger et à Trieste, nous sommes en 2011, en 1920 et en 1932. Dans ce récit mouvant comme la mémoire, on trouvera le parler d'autrefois et celui d'aujourd'hui, la lumière de la Méditerranée, des mots oubliés et des objets à la mode, on croisera une couturière intrépide, un jeune homme timide et implacable, des belles italiennes, un ou deux fous et des prostituées chinoises. En arrière-plan, il y a aussi Mistinguett, Chuck Norris, Silvio Berlusconi, des coquelicots, des poupées, des bonbons vendus au poids, un chat des rues. Et une chanson de Léo Ferré.
Une femme retourne sur les lieux de son enfance et essaye de convaincre sa grand-mère de redonner vie à la propriété familiale, La Casa, en montant un projet culturel et réunificateur. Mais la grand-mère, aussi vieille que la maison, résiste à toute forme de changement, et la partie est loin d'être gagnée. Entre évocation des grands moments jalonnant son histoire, état des lieux d'un jardin d'Éden convoité par des promoteurs immobiliers et souvenirs d'enfance, le récit retrace un siècle d'histoire d'une famille d'industriels à travers celle de leur propriété sur la Côte d'Azur, témoin matériel d'un déclin annoncé.