Disjoindre le sexe et le genre est un geste éminemment moderne, théoriser cette dissociation l'est plus encore.
Ce livre est d'une certaine manière l'histoire de ce geste. Il nous mène des grandes entreprises déconstructrices de la Modernité des années 1960-1980 jusqu'au triomphe contemporain de la théorie du genre : de Sartre, Lacan, Deleuze, Barthes, Derrida ou Foucault jusqu'à Judith Butler.
Pourtant, parce qu'il s'agit d'un objet aussi fuyant que précieux, le sexe des Modernes est aussi un révélateur. Loin d'être tout à fait commun aux deux espaces intellectuels que sont l'Europe et les États-Unis, il est peut-être témoin de leurs divisions : disputes, équivoques, héritages détournés, et guerres silencieuses ou avouées...
Il s'agit ici non seulement d'éclairer des doctrines récentes que la confusion des temps travaille à obscurcir, mais d'explorer ce qui s'est déplacé au tournant des XXe et XXIe siècles entre le continent européen et le continent américain. Transmission ou au contraire fracture ?
Car le moment est venu d'interroger le partage du sexe et du genre sous l'angle de son histoire puisque cette histoire est la nôtre, et sans doute plus que jamais.
E.M.
J'ai écrit ces poèmes jusqu'à l'heure où l'on ferme boutique, Jusqu'à l'heure où le coeur ralentit, où l'ennui gagne, où la poche est percée, où le Manitou se tait, où la femme murmure « j'ai peur de cette salamandre », où la tache de sang gagne les marges du corps, où le mâle et la femelle cessent de s'obéir, de se respecter, où les mots espèrent en nous le silence, où la généalogie manque autant d'ancêtres que de descendants, où la lune a cessé d'être céleste, jusqu'à l'heure où le maraudeur des marais revient couvert de morsures, où le sac de farine explose, où le baiser devient un viol, et l'incendie volontaire, où la nuit se retire, où la femme se dévoile de manière irréfutable, où les lèvres s'amincissent jusqu'à disparaître, où le rire s'éteint aussi lentement qu'un volcan, où l'encre se répand, où les larmes sont aussi rapides qu'une pluie drue d'hiver, jusqu'à l'heure qui ne veut rien dire, où l'avocat du diable commence à parler.
REGARDS PAR LA FENÊTRE.
Ce que je voyais parfois, brusquement, se substituait à moi, à lui, à elle, à nous, à eux, à toi et à vous. J'étais ce que je voyais, lui aussi, comme elle, comme nous, comme eux, comme toi, comme vous. L'image brûlante avait été prise.
Ce que je voyais parfois, brusquement, me paraissait être le reflet de ce qui se situait derrière moi, derrière lui, derrière elle, derrière nous, derrière eux, derrière toi, derrière vous. Je me retournais, et fugitivement, j'apercevais, le temps d'un éclair, mais inversé, ce qui me faisait face, lui faisait face, nous faisait face, leur faisait face, te faisait face, vous faisait face.
Par-dessus l'épaule de l'homme aveugle, se devine en effet une autre vision, faite de peur, d'appréhension, de pressentiments, de prophéties, sans ordre, indispensable à notre survie à nous les voyants.
Cette monographie propose à la fois une présentation du poète et une lecture attentive de son oeuvre. Elle retrace ainsi le parcours de Char depuis son enfance, sa participation à la Résistance, sa proximité avec les surréalistes, jusqu'à sa mort ; mais elle interroge aussi et surtout les thèmes chariens, l'hermétisme de sa poésie, et ses sources - notamment picturales et souvent méconnues -, dont l'érudition perce dans son écriture.
Éric Marty, né en 1955 à Paris, essayiste, écrivain et critique, enseigne la littérature française contemporaine à l'université Paris-VII. Il est notamment l'auteur d'essais sur André Gide, Louis Althusser, Jean Genet et Roland Barthes. « Avant d'être une interprétation, le livre d'Éric Marty voudrait pousser le lecteur à la rencontre de l'oeuvre, une sorte d'exhortation à lire les textes. » Le Magazine littéraire
Sur Shoah de Claude Lanzmann réunit plusieurs interventions sur cette oeuvre sans précédent. Interrogeant la généalogie du mot «Shoah», le texte d'ouverture est une réflexion sur l'accueil fait à l'événement dans le champ de la philosophie, de la figure de l'homme des camps, à cet accent exclusif porté à l'entreprise même d'extermination des Juifs. Le film fait l'objet de trois traversées du monde de Shoah. Il y est question de la persistance de l'événement pour nos consciences, de son actualité à la fois déchirante et contestée, puis de la quête de Lanzmann, qui, à l'instar du Dante de L 'Enfer, recueille les traces d'un monde anéanti. La dernière partie interroge l'agir dans l'univers concentrationnaire, et la redéfinition que ce mot reçoit de l'horizon de mort dans lequel il est prononcé.
Après la prison et l'internement, après l'oubli au XIXe siècle, Sade apparaît, au XXe siècle, comme une référence majeure, jusqu'à devenir, à partir des années 50, dans une sorte d'évidence partagée par l'ensemble de la Modernité, l'objet d'une véritable passion intellectuelle." Pourquoi le XXe siècle a-t-il pris Sade au sérieux ? " À cette question, on pourrait répondre par une autre. Par exemple : d'où vient qu'au XXe siècle, le sujet pervers, celui de la transgression extrême, fascine les Modernes, et semble leur fournir une issue aux impasses de l'Histoire et un modèle culturel, esthétique, philosophique, politique pour penser ces impasses et s'en affranchir ? Ou encore : si, au XXe siècle, la pulsion de mort se manifeste comme une tendance fondamentale de l'humanité moderne, Sade, ne peut-il pas alors apparaître comme l'annonciateur, le prophète et le récitant de cette rupture décisive dans l'Histoire ? Ou enfin : jusqu'à quel point peut-on être sadien ? Qu'est-ce qui retient certains, après l'avoir été passionnément, de l'être tout à fait ? En quoi le fait de le prendre au sérieux peut provoquer l'insoutenable jusqu'à retourner la fascination en abjuration ou en oubli ?Au milieu des années 70, Pier Paolo Pasolini sonne la fin de cette singulière fête sadienne avec son terrible Salò ou les 120 journées de Sodome. Auparavant, Adorno, Klossowski, Bataille, Blanchot, Foucault, Lacan, Deleuze, Sollers, Barthes et d'autres, ont donné leur vision et leur lecture de Sade, faisant de lui un personnage fondamental de leur aventure intellectuelle qui est aussi une aventure personnelle. Le temps est venu, avec le recul, d'interroger cet engouement qui nous concerne profondément et peut-être plus que jamais.
«Israël aujourd'hui n'a pour être que son existence, Israël n'est qu'existence. Cette détermination purement existentielle d'Israël, je la vois dans une double vulnérabilité. Une vulnérabilité historique : Israël a à peine plus de cinquante ans, l'âge d'un être humain - encore assez être humain pour pouvoir mourir, disparaître et retourner à la poussière. Une vulnérabilité géographique : Israël est grand comme à peine deux départements français ; sans réserves territoriales, une seule défaite peut l'anéantir. Israël ne joue jamais avec la vie, car tout son être est dans cette existence finie. Cette détermination purement existentielle d'Israël, je la vois dans son nom propre et dans l'anthropologie qu'il dessine : ce nom hérité d'un homme, Jacob. Jacob a été appelé Israël parce qu'il a lutté avec Dieu toute une nuit et qu'il n'a pas cédé sur son identité.»
Laurent Kropf est né en 1982 à Lausanne. Il vit et travaille entre Lausanne et Bordeaux. Dimanche consiste en 10 reproductions de photographies de groupes. Une surimpression sérigraphique d'une forme géométrique blanche vient masquer le groupe, ne laissant apparaître que la figure patriarcale, le "vieux père". Ce sont ces idées du père et de l'autorité, de l'opposition entre le visible et le caché qui ont poussé Eric Marty, spécialiste de Roland Barthes et romancier, a écrire ces Palmiers sauvages, récit poignant de la mort et de l'enterrement, près de Genève, du père d'un ami du narrateur.
Dublin, 1920. L'insouciance, mâtinée d'un brin d'inconscience, essaie de se frayer un chemin en plein coeur de la guerre d'indépendance qui fait rage aux quatre coins de la ville.
Espiègle chef de bande, Billy va voir son destin basculer au fil des rencontres et des événements.
Défier les rivaux venus de l'autre côté de la Liffey est une chose, entrer dans l'univers obscur et impitoyable de la lutte en est une autre ; surtout quand on est adolescent et qu'on rêve d'être un jour le meilleur joueur de hurling de Dublin...
Le 16 novembre 1980, le philosophe Louis Althusser, dans un moment de démence, assassinait sa femme Hélène par strangulation. Chaque terme de cet énoncé possède un sens précis et pourtant, pris ensemble, ils constituent une énigme : énigme pour le meurtrier lui-même, pour ses disciples, pour ses lecteurs, ses amis, ses ennemis et ses contradicteurs. En 1985, Althusser écrivit très vite une longue autobiographie qui ne parut qu'après sa mort. Oeuvre sans précédent dans l'histoire de la philosophie pour un acte sans précédent de la part d'un philosophe : un meurtre.Ce livre n'a pas pour objet d'être une monographie supplémentaire sur le «cas Althusser» : ce qui fait la profondeur de l'énigme et du meurtre, c'est leur force d'interruption et de désordre dans nos habitudes de pensée. Mieux : une interruption de la pensée elle-même. Là commence peut-être alors, au croisement de la folie et de la politique, du meurtre et de la philosophie, de l'époque et de la biographie personnelle, une autre façon d'écrire l'histoire d'un passé encore très récent.
Un hommage sans complaisance qui renouvelle la lecture du dernier
Barthes, à loccasion des trente ans de sa mort.
« La littérature et le droit à la mort » est le titre dun texte célèbre de
Maurice Blanchot.
Trente ans après la mort de Roland Barthes (26 mars 1980), un de ses
proches amis, Eric Marty, lui rend un hommage fondé sur les textes
mêmes, en particulier La chambre claire et surtout le Journal de deuil,
un ensemble de notes prises pendant près de deux ans par lauteur des
Fragments dun discours amoureux suite à la mort de sa mère en octobre
1977, et publié en février 2009 dans la collection « Fiction & Cie ».
Rappelant le climat des années 1970, et soulignant laudace et parfois la
solitude de Barthes, ce bref essai issu dune conférence donnée en février
2010 au Collège de France, part dune question éminemment moderne : «
quai-je le droit, que mest-il possible décrire ? » Dans ses derniers
livres et écrits, Roland Barthes sinterroge souvent sur le singulier et sur
ce qui, de ce singulier, peut se convertir en généralité ou en théorie. Cest
le rêve, formulé à voix haute, dune « mathesis singularis », une science
du singulier. Avec le Journal de deuil, Barthes plonge au plus profond de
lintime, tout au bord de là où la parole séteint. Ce texte, suggère Eric
Marty, ne pouvait exister quà titre posthume, car il ny avait personne
pour pouvoir lentendre du vivant de lauteur. Ce Journal était posthume
dans son écriture même.
Autant quune analyse des derniers écrits de Barthes, cette conférence est
une analyse des rapports de la littérature à la mort (en écho, notamment,
aux réflexions de Maurice Blanchot). Sa publication constitue un
hommage, intellectuel et sans pathos, à Roland Barthes dont la
publication des cours et séminaires se poursuit par ailleurs.
Eric Marty est né en 1955 à Paris. Agrégé de lettres, il est professeur à
lUniversité Paris VII. Il a publié aux Éditions du Seuil notamment un
essai, Roland Barthes, le métier décrire (collection « Fiction & Cie »,
2006). Il est par ailleurs responsable de lédition des oeuvres complètes
de Roland Barthes en 5 volumes, ainsi que des cours et séminaires.
Le livre recueille deux textes, «L'engagement extatique» et «Commentaire du fragment 178 de Feuillets d'Hypnos». L'unité en est la question de l'engagement de René Char dans la Résistance contre l'Occupation nazie pendant la dernière guerre.
Les deux commentaires articulent l'un à l'autre deux mouvements qui sont comme les deux battements rythmiques - poétiques - de cet engagement: l'angoisse d'une part, l'extase d'autre part. Soit par exemple, le tableau de La Tour, au coeur du fragment 178, qui associe la figure de l'homme prisonnier, pris dans la plus extrême solitude et le plus extrême délaissement, et la figure de la femme, de l'ange rouge, parole qui désaltère, délivre et maîtrise les Ténèbres.
Il s'agit donc au travers d'une lecture poétique et philosophique des écrits poétiques de combat de René Char des années noires, de penser ce qu'a été cet engagement, bien au-delà de ce qu'on a pu entendre par exemple depuis Sartre par cette expression devenue le « lieu commun » des intellectuels. A l'évidence, c'est dans une conscience aiguë d'être face aux signes d'une apocalypse historique exceptionnelle que Char prend la double décision de se taire - il ne publie pas une ligne pendant toute cette période - et de combattre en guerrier les armes à la main.
Pourquoi Roland Barthes'? C'est peut-être à cette interrogation que le présent livre tente de répondre. Plus de vingt-cinq ans après sa mort, mais aussi, après la disparition, dans les années qui suivirent, de toute une génération qui avait donné un sens neuf à l'acte de penser, une telle question n'est pas indécente. Davantage qu'une nécessité, elle trouve un certain charme à être posée. Roland Barthes, le métier d'écrire expose Barthes à trois lectures': ''Mémoire d'une amitié'', récit autobiographique qui raconte au quotidien les dernières années'; ''L'oeuvre'', qui parcourt la totalité des textes dans leur déploiement chronologique et singulier'; ''Sur les Fragments d'un discours amoureux'', séminaire qui décrypte la stratégie souterraine du livre le plus connu de Barthes, à travers les motifs obsédants de l'Image et du ''Non-Vouloir-Saisir''. Le témoignage, le panorama, le séminaire': tout cela constitue un véritable cheminement. Au récit de la rencontre du jeune disciple avec le maître succèdent une méditation sur l'oeuvre et son exploration minutieuse. ''Le métier d'écrire'' devient alors la formule même de la vie d'écrivain.
Irlande.Derrière le nom évocateur de Béal na mBláth, autrement dit la Vallée des Fleurs, dort un des plus lourds secrets dont la tumultueuse histoire du pays est parsemée. Quitte à rouvrir des plaies qui ont mis longtemps à cicatriser, faut-il réveiller un passé vieux d'un siècle et mettre - enfin - un nom sur celui qui a assassiné Michael Collins, le héros de l'Indépendance ? Un flic et un journaliste hauts en couleur vont tenter de recoller les morceaux d'un puzzle sorti d'outre-tombe... Mais à quel prix ?
Branle-bas de combat au Beaumont Hospital de Dublin où, à une heure d'intervalle, trois personnes viennent d'être admises au service des urgences.
Pour les médecins, le doute n'est pas permis : toutes trois ont été sévèrement empoisonnées. Vengeance ? Acte terroriste ou d'un serial killer, voire d'un déséquilibré ? Il est trop tôt pour le dire.
Voilà une enquête taillée sur mesure pour un certain Brendan Murphy ! Lequel coule des jours paisibles à Killybegs, dans le Donegal, où il s'est retiré après la - très - médiatique réouverture du dossier « Michael Collins » qui a défrayé la chronique et fait couler beaucoup d'encre.
Le plus dur, pour le tout nouveau superintendant de la Garda, sera de le convaincre de revenir à Dublin et de reprendre du service. Et comme souvent, le temps est compté. Peut-être encore plus cette fois-ci...
Sa lettre de démission envoyée, Brendan Murphy pense bien avoir tiré un trait sur ses années passées à la Garda. Loin de Dublin, il a retrouvé avec bonheur son pub de Killybegs dans le Donegal et il aspire à ce qu'on ne lui parle plus que de pêche, de moutons à tondre et du temps qu'il fera sur le Nord de l'Irlande. D'autant qu'il a une nouvelle vie à mener en parallèle : celle de père d'un adolescent qu'il ne connaissait pas un an plus tôt. Mais ça, c'était avant que la nouvelle vedette du football irlandais ne soit violemment agressée à une cinquantaine de kilomètres de Killybegs. Et que le portable ne se mette à sonner...
En données corrigées des variations saisonnières, on peut affirmer sans se tromper que Michel Fabre-Tesquier n'est pas au meilleur de sa forme. Sa fin de mandat à l'Élysée n'a rien du long fleuve tranquille sur lequel il aimerait bien voguer. Une routine lassante, un Premier ministre de gauche aux dents longues, des résultats en berne, une Première dame soupçonneuse : la vie au 55 rue du Faubourg Saint-Honoré n'est pas de repos. Malgré tout, soutenu par deux jeunes loups, le Président de la République s'accroche aux branches. À vrai dire, il n'a même aucune intention de quitter le Palais. Pour ce, il est prêt à tout...
La violence de l'acte critique suppose une histoire, des concepts, une pathologie, une rhétorique, une philosophie. Y compris dans ses excès, cette violence peut avoir également une ambition fondatrice, contenir un désir de vérité, aspirer à une régénération du champ où s'exerce sa puissance polémique. Il s'est donc agi d'explorer la violence critique dans tous ses sens et dans toute son ambivalence comme interrogation retournée sur le geste critique lui-même, dans sa plus grande amplitude, pour approcher au plus près, dans son détail comme dans sa nature, ce qui se joue dans l'exercice des facultés de juger.
« Dans un ouvrage récent au titre insolite - Portées du mot "juif" - le philosophe Alain Badiou propose quelques thèses radicales. Il définit Israël comme un État racialiste, colonial et génocidaire, il conseille au peuple juif d'oublier le génocide dont il a été l'objet pendant la dernière guerre, il explique que le mot "juif", en tant qu'il assume une position d'exception, trouve son sens final dans la métaphysique hitlérienne. Nous voici donc face à un nouveau carnaval philosophique puisque tout y est à l'envers : l'État d'Israël est décrit comme un État antisémite, le film Shoah de Claude Lanzmann devient un film nazi, le véritable juif est celui qui rompt avec ce nom, le vrai juif c'est le Palestinien, c'est saint Paul, c'est Badiou lui-même, etc. Un carnaval philosophique d'une inquiétante étrangeté. Ou plutôt d'une inquiétante familiarité tant Alain Badiou, en donnant une formalisation philosophique à ce qui pourrait n'être qu'une fantasmagorie personnelle, entre en résonance avec le bruit de fond de l'époque et des propagandes.
Comment interpréter cette position dans le champ politique et philosophique contemporain ? Quelles significations donner à l'extrême violence de ces thèses ? À quelles transformations, à quels plis, à quels accidents de l'histoire de la pensée associer le livre de Badiou dans la rumeur contemporaine sur la criminalité de l'État d'Israël et désormais, grâce à lui, sur la criminalité du mot "juif" lui-même ? » Éric Marty.
Jean-Étienne, cadre très supérieur, a la fâcheuse manie de compter ses sous. Myrtille, chanteuse lyrique, est plus connue pour sa tessiture vocale que pour sa malice. Tous deux forment un couple dans l'air du temps puisqu'en instance de divorce. S'ils ne cessent de s'envoyer des piques au quotidien, ils sont, paradoxalement, d'accord sur les termes de leur séparation. Tout irait presque dans le meilleur des mondes s'il n'y avait pas Édouard, dont le couple se dispute la garde.
Situation classique ? À un détail près : Édouard est le hamster de la famille. Quand le comportementaliste animalier est obligé d'intervenir, on imagine bien qu'il ne s'agit pas d'un divorce comme les autres. Entre Jean-Étienne et sa future ex-épouse, tous les coups sont permis pour garder Édouard. Lequel compte les points et observe avec acuité la situation en voix off. Ce qui ne manque pas de piquant. Y aura-t-il un vainqueur et un perdant au terme de cette bataille iconoclaste ?
4 personnages et 1 voix-off.
6 scènes.
Décor : un salon.
Environ 1h30.
Le Journal de Gide a quelque chose de fondateur en ce qu'il réalise comme aucun autre ce qui fait la loi même de cette pratique qu'est l'Écriture du jour.
Ni autoportrait, ni autobiographie, ni confession qui sont des entreprises de rétrospection, le Journal traque et dessine dans la trivialité fragmentée des jours, une trace singulière de soi à même le Réel. En ce sens, l'écriture du jour est la tentative de se dépendre de toutes les doxa tout en s'y affrontant : les discours du Monde, comme les discours du Moi ; mais c'est également le lieu où s'éprouve au présent l'authenticité de la parole dans ses engagements les plus exclusifs : l'amour, le mysticisme, le politique.
Si Gide a pu passer pour le premier des Modernes grâce aux innovations formelles de son oeuvre romanesque, son Journal extrait de lui un visage plus secret, plus fascinant et moins saisissable : celui du premier des Maîtres que le vingtième siècle ne cessera, au travers de ses lecteurs les plus attentifs (Sartre, Blanchot, Camus, Barthes, Lacan...), de vouloir ressaisir. Ce livre a obtenu lors de sa première publication en 1985, le Grand Prix de la Critique.
Sacrifice est l'histoire d'une circoncision.A l'origine, l'arrivée d'un roi à la souveraineté incertaine, puis celle d'un étranger dans un village à l'orée du désert. Le rêve du premier et les fausses prophéties du second révèlent à un enfant, héros de l'aventure, l'existence de ce rite mystérieux dont son sexe porte témoignage. La fiction s'organise ainsi autour de ce sacrement dans un monde où le symbolique s'effondre, où les affabulations, les mythomanies, les rêves, les faux-semblants gouvernent et rongent toutes les certitudes de l'enfant: le circoncis. Nous sommes dans un temps et un territoire archaïques non précisés. En quittant son village pour se rendre à travers le désert dans une grande cité d'Orient, l'enfant connaîtra avec une prostituée la possibilité de nouer sa vie à un fil moins énigmatique. Mais l'espace de la ville n'est sans doute pas moins menteur, mystificateur et meurtrier que celui d'où il vient. Le roman, à la fois burlesque et cruel, associe le mythe et sa parodie, l'initiation érotique et les contre-initiations perverses dans un univers où la mort, la destruction et le désir sont conjointement les enjeux immédiats de l'existence. Et ceux de l'écriture même du livre.
Cet ouvrage prolonge, à partir de deux questions, une réflexion entamée en 2003 avec la parution de " jean genet à chatila ".
La première est celle du tabou, structure constitutive de la transaction imaginaire que genet impose à son lecteur. la seconde : celle de l'engagement politique que la logique perverse, présente dans son oeuvre, renverse et déploie en pur semblant. a la croisée de ces deux textes, ce qui est en jeu c'est à nouveau l'antisémitisme de genet dans toute sa singularité et au revers d'une écriture dont la violence - opaque, entêtée, destructrice - n'est neutralisée par aucune catharsis, par aucune transaction compensatrice avec le monde, sinon celle précisément du tabou.
La question antisémite posée dans ce livre, loin d'être une chasse aux sorcières dont genet serait le gibier, vise tout simplement à le lire, si le lire vraiment c'est l'ouvrir à une vérité que d'une main il tente d'écrire quand de l'autre il s'efforce de l'aveugler, si le lire ne peut s'accomplir sans lui faire, d'une certaine manière, violence, et s'il est vrai que cette violence est la seule empathie que son écriture supporte et à laquelle elle aspire.
E. m.
La fille est un garçon. Un garçon qui incarne, plus qu'aucune femme de la petite ville où il est né, la féminité. Lorsqu'ils étaient enfants, le narrateur a été son camarade de classe et son amoureux. En grandissant, Chaudie affole tous les hommes du village. Son père assassine le maître d'école à propos duquel Claudie a laissé entendre qu'il l'avait violé(e). Témoin du crime, le narrateur dénonce le père de Claudie. Et c'est la rupture du couple.
Le narrateur continue pourtant de vénérer Claudie. Il la protège quand des souteneurs veulent l'enlever pour l'exploiter. Mais Claudie, mystérieuse et indifférente, s'en moque.