Dans l'aube à peine levée sur un lac proche de Detroit, aux États-Unis, un vieil homme insomniaque laisse successivement le même message à sa fille et à son fils : il va bientôt mourir. Elle est une brillante mathématicienne et travaille à calculer les risques dans une compagnie mondiale d'assurances dont le siège est au World Trade Center, à New York. Lui est un vétéran de l'US Air Force, il dirige la sécurité à l'aéroport de Boston. C'est le matin du 11 septembre 2001 et un jeune architecte égyptien, Mohammed Atta, a pris les commandes d'un Boeing 767.
Entre roman d'espionnage et méditation historique, entre western et fable dostoïevskienne, Fanny Taillandier propose de parcourir le labyrinthe cathodique d'un millénaire dont le spectacle, d'emblée, s'impose comme une énigme.
Delta?: une lettre d'alphabet pour ces «?dunes que le vent déplace et que l'eau transporte?»?; une lettre pour une zone vivante, modelée par la nature, que la main humaine a modelée à son tour. Delta?: une forme parfaite, un triangle anthropocène - car, au fil des siècles, le pouvoir aménageur a fait du delta du Rhône une zone de ressources, avec des conséquences multiples, parfois désastreuses et toujours complexes, sur le biotope. Dans ce territoire à la fois sauvage et pratiqué depuis des millénaires, se superposent strates géologiques et mythologiques, tandis que l'empire de l'humain sur le non-humain se diffracte en des myriades d'autres rapports de domination, et d'autres mémoires.
Débordant la monographie documentaire, Fanny Taillandier poursuit sa série «?Empires?» et excelle ici, avec la Camargue pour creuset, à mêler les voix afin de donner à voir les logiques antagonistes qui innervent le territoire et d'évoquer des paysages somptueux, travaillés par nos mythes et nos croyances. Ce delta vaut pour tous les deltas du monde. Et, alors que la géographie s'entremêle de récits et de poésie, on croise, au hasard des paysages changeants d'eau et de sel, une diseuse de bonne aventure, des hors-la-loi magnifiques, des ingénieurs fantasques, un tueur en série et un grutier mystique, qui, tous, rappellent le tissu magique de nos représentations
Depuis la villa de Jean et Baya, la Méditerranée scintillante donne à penser que tout est paisible. Mais à l'approche du solstice, la colline où habite le couple est bientôt parcourue de diffuses menaces, à peine perceptibles mais bien réelles : d'invisibles sangliers saccagent les jardins ; des règlements de comptes entre bandes rivales défraient la chronique de Liguria, la ville la plus proche ; une inconnue habite depuis peu la maison longtemps restée vide près de la falaise...
Dans un univers à la fois banal et légèrement dystopique, Fanny Taillandier joue avec les codes (roman noir, roman d'amour, fantastique) pour créer une atmosphère où l'on retient son souffle, tandis que se troublent les lignes de partage qui régissent le monde humain.
Le lotissement a été le grand rêve urbanistique de la seconde moitié du vingtième siècle. Le rêve d'une maison à soi, où reconstituer une vie qui rassemblerait tous les traits d'une Arcadie à la fois familiale et communautaire, fondée sur l'égalité et la propriété. Il n'en a rien été. Aujourd'hui, le lotissement pavillonnaire est devenu le repoussoir absolu - le lieu d'une vie où ne règneraient plus qu'ennui, vide et mauvais goût.
En retraçant, par une multitude virtuose de moyens, l'histoire presque quotidienne d'un lotissement disparu, Fanny Taillandier dresse ainsi le portrait mi-grinçant, mi-ému, d'une utopie et du douloureux réveil qui a suivi son effondrement, en même temps que de ce qui, dans cet effondrement même, continue à nous séduire. Car, à travers cette histoire, c'est encore notre quête naïve d'un habitat idéal qui continue à se lire - quête qui se déplace désormais ailleurs, dans d'autres rêves, appelant d'autres déceptions.
Je travaillais, beaucoup. Je compulsais les chiffres de l'avenir devant un ordinateur cubique et ronronnant, dans un bureau de vingt personnes à ma semblance, et par les fenêtres immenses nous aurions pu voir des tours. Je ne regardais pas par la fenêtre. Le soir, lorsque j'arpentais les parvis dans la même direction que tous les autres, je levais parfois la tête et je trouvais cela beau. La beauté des quartiers d'affaires. J'étais très aimable. On m'appréciait, beaucoup. Nous partions parfois en week-end à plusieurs, nous n'étions jamais fatigués. Et nous trouvions qu'il était important que les minorités soient reconnues. Les minorités, c'est à peu près tout, sauf les pauvres, qui sont la majorité. Mais nous ne les connaissions pas. Comme tous, j'étais contre le racisme, contre l'homophobie, pour l'extension du réseau TGV. Je ne voulais de mal à personne.
Quand j'avais vingt ans, personne n'aurait dit de moi que j'étais un monstre, et pourtant j'étais monstrueux.
Portrait de Fanny Taillandier par Léa Crespi © Flammarion
Elsa & Johanna est un duo créatif formé par les photographes, artistes plasticiennes et réalisatrices Elsa Parra et Johanna Benaïnous. Alternant tour à tour les rôles de modèle et photographe, elles se mettent en scène dans des autofictions énigmatiques et troublantes. Chaque série leur permet d'interroger la place du couple, mais aussi d'explorer les différentes assignations sociales produites par un territoire. Une démarche qui les conduit à se fondre dans le paysage partout dans le monde, aux États-Unis, au Canada, en Allemagne... La romancière Fanny Taillandier prête une voix collective puissante à ces images multiples.
Le quartier de la Maladrerie, à Aubervilliers en Seine-Saint-Denis est l'une des réalisations les plus remarquables de l'architecture urbaine de la fin des années 1970. « La Mala », comme ses habitants l'appelent, a été imaginé par Renée Gailhoustet. L'architecte a alors pour ambition de repenser les liens entre la ville et le logement social. Entre 1975 et 1984, c'est un ensemble de 9 hectares et de 1 000 logements, tous différents, qui voient le jour. Des commerces, des équipements socio-culturels et des ateliers d'artistes s'intègrent à l'ensemble. Délaissant le modèle éculé des barres et des tours, l'expérience architecturale qu'elle mène à Aubervilliers ambitionne de changer le statut du logement social dans le tissu urbain. Architecture futuriste mêlant béton, verre, terrasses végétalisées et formes angulaires, elle laisse une grande place à la circulation piétonne et à la végétation. Un genre d'utopie en banlieue rouge. La Maladrerie est, en effet, l'une des rares réalisations de logements sociaux en gradins, où chaque appartement présente un plan unique, la plupart se prolongeant à l'extérieur par une terrasse-jardin en étage ou un jardin en pleine terre en rez-de-chaussée.
En 2017, l'artiste Julie Balagué s'y installe. Depuis, elle y vit et y travaille.
Elle est allée à la rencontre des habitants, des passants et des associations du coin. Des conversations naissent : elles sont utopiques ou alarmantes et reflètent les questionnements du devenir de cet ensemble où toutes les catégories sociales, tous les métiers, tous les âges, toutes les origines et toutes les expériences se rencontrent et cohabitent. Son travail mêle des photographies de l'ensemble architectural et des portraits des habitants.
De courts textes poétiques de la romancière Fanny Taillandier, inspirés des témoignages recueillis par la photographe, accompagnent la série d'images. En fin d'ouvrage est inséré un livret qui rassemble deux textes plus contextuels et théoriques de l'architecte Katherine Fiumani d'une part et de l'historienne de la photographie, Raphaële Bertho.
En 2020, le Tour de France a été annulé, puis finalement reporté. Tour est un ensemble de 101 photographies de Louis Canadas, prises sur le tracé officiel de la compétition qui n'a pas eu lieu, pendant cette période de suspension. Le texte est signé par l'écrivaine Fanny Taillandier (le premier livre d'art publié par Les éditions secondes, société éditrice de Mouvement).
« La vie, comme la course, a son hors-champ impalpable, irreprésentable, son hors-champ aux cieux variés et aux traces laissées par d'autres, inconnus, incertains. La course est quantifiée, mesurée, définie, alors que la vie déborde toujours un peu d'elle-même, ressurgit là où elle n'est plus, se gonfle de mystères et de croyances. » Fanny Taillandier Au printemps 2020, le Tour de France a été annulé. Le parcours de cette édition avait néanmoins été dévoilé par l'organisation : la compétition sportive existait sur le papier, mais il n'y aurait pas de cyclistes sur les routes. Ce Tour fantôme ouvrait une brèche : l'opportunité de jouer avec le grand récit national pour écrire, dans l'ombre de celui-ci, une autre histoire. Pendant 40 jours, Louis Canadas a suivi ces étapes imaginaires, sans jamais s'éloigner de plus de quelques mètres du tracé officiel. Il a photographié la France qui ne connaîtrait pas la fulgurance : champs, montagnes, travailleurs au repos, sorties de route, loups, commerces désertés.
Depuis plus d'un siècle, Le Tour de France n'offre pas seulement une image de l'Hexagone au monde entier ; il en écrit la légende, avec ses grands hommes, ses gloires sportives et ses exploits industriels, son patrimoine immortel. La compétition donne aux tronçons de bitume anodins et aux villages anonymes des accents épiques. Mais que se passe-t-il, quand il ne se passe rien ? À rebours de l'héroi¨sme sportif, du pittoresque et de la société du spectacle, Louis Canadas et l'écrivaine Fanny Taillandier racontent la banalité de ces voies de passage, captent le langage myste´rieux des hommes lorsqu'ils tissent des relations avec le territoire, auscultent le mythe de la compétition pour nous désenvoûter.
Tour est le premier livre d'art publié par Les éditions secondes, société éditrice de Mouvement, magazine de référence de la création contemporaine. Il ouvre une collection dans laquelle des photographes invitent des écrivains à dialoguer avec leurs images.
Le Livre en question, saison 2 !
Une même règle du jeu, simple et vertigineuse, donnée en 2018 à quatre auteur-es par la Maison des écrivains et de la littérature : découvrir la Bibliothèque interuniversitaire de la Sorbonne et choisir un livre au sein de ses collections estimées à 2 millions de documents.
Dans ce recueil, qui rassemble des textes écrits par Jacques Rebotier, Claudine Galea, Marie Cosnay et Fanny Taillandier, chacune dit sa relation intime aux livres élus et aux livres en général, s'approprie et met en scène le lexique et les pratiques de la bibliothèque pour la relier à son vécu ou à l'actualité la plus brûlante.