Une rivière large et dangereuse traverse le petit coin de Provence où vit le jeune Pascalet. Un matin, bravant l'interdiction de ses parents, il s'aventure en barque sur le courant et sauve Gatzo, un garçon enlevé par des bohémiens. Ils vont fuir ensemble, s'enfonçant toujours plus loin dans le monde secret et fascinant de la rivière.
«Quelquefois, tapi sous la haie d'aubépine, je l'épiais, surtout le matin, à l'heure où les enfants sont le plus légers. J'étais ému de la voir courir çà et là, sans but apparent. Jamais elle ne regardait de mon côté. Quelquefois, essoufflée par l'ardeur de sa course, elle s'arrêtait, haletante, à deux pas de ma cachette. Et alors je la voyais bien, car je pouvais la regarder à loisir. Elle avait de grandes jambes nues, griffées par les ronces, deux yeux verts très foncés, et quelques taches de rousseur sur les bras, au cou. Je la trouvais laide et effrontée.»
«Il passa en faisant claquer ses petits pas d'âne léger sur les dalles du pont. Les couffins, qui bringuebalaient sur son dos, étaient pleins jusqu'aux bords de branches d'argélas en fleur. Cette plante, qui fleurit en février, est une sorte de genêt épineux. Le chargement de l'âne m'étonna. De loin je le suivis. Il se dirigea tout droit vers le presbytère. Sans doute y était-il attendu, car l'abbé Chichambre en sortit aussitôt et transporta l'argélas dans l'église. Après quoi il dit quelques bonnes paroles à l'âne Culotte et lui donna une tape sur la croupe. L'âne vira de bord et repartit vers la montagne.»
« Eh bien, mon enfant, c'est à vous que je confie le soin de recommencer cette difficile aventure. Vous ferez, il le faut, en Malicroix, ce que Cornélius n'a pas pu faire. C'est le 16 juillet de l'an qui doit venir après ma mort que, seul, embarqué sur le bac avec le batelier aveugle, vous irez au milieu du fleuve pour y trancher le câble : et vous descendrez droit sur le Ranc, au milieu des tourbillons... ».
Hyacinthe a été enlevée et élevée par un mystérieux vieillard, dans l'isolement d'un Paradis qu'il essaie de recréer. Un jour, elle s'enfuit pour trouver l'homme qu'elle aime... Ce livre est plus qu'un récit, plus qu'un roman, c'est une incantation qui reflète toutes les nuances du rêve. Le lecteur y retrouvera avec joie les personnages de L'âne Culotte.
C'est le récit d'une saison de vertige et de drame dans une grande maison solitaire, pas tout à fait hantée, mais imprégnée de souvenirs, parmi les arbres d'un parc redevenu sauvage, plein de fontaines d'eau vive et de volières d'oiseaux ; là, quelques personnages mystérieux se dissimulent et passent comme des fantômes.C'est le récit de la possession d'un vivant par un mort, une plongée au coeur du royaume nocturne des ombres et des mythes, l'histoire d'une romance impossible entre deux êtres liés par l'omniprésence d'un disparu.Pénétré de poésie, enraciné dans le terroir provençal, Un rameau de la nuit est une oeuvre sensible et envoûtante, d'une étrangeté qui, pour n'être pas rare dans l'oeuvre de Bosco, trouve ici une force saisissante.
Pierre Lampédouze, écrit en 1924, est le premier roman d'Henri Bosco. Du premier coup, il avait su créer un univers enchanté qui resterait le sien, pour toujours. Racine de l'oeuvre future, ce roman mène au lieu spirituel qu'est pour Bosco la Provence, «ce pays si grave et si religieux, mais dont la gravité ressemble à la sagesse...».
Le Luberon est une grande montagne de la Haute-Provence, à peu près déserte. Des villages morts, des chapelles abandonnées, d'anciens repaires de coupeurs de routes et quelques ruines antiques y témoignent du passage des hommes. Ces hommes, presque partout, ont quitté les hauteurs pour les bourgades qui touchent aux étendues plus tendres de la plaine. Cependant la montagne se dresse toujours au-dessus d'eux, profonde, dangereuse. Si elle n'est plus comme jadis une sauvage citadelle religieuse, elle n'en recèle pas moins d'obscures forces naturelles. Le souvenir des vieilles luttes religieuses et la crainte qu'inspire toujours ce monstre de pierre sont les ressorts de ces récits écrits uniquement en l'honneur d'un beau et sombre quartier de la Terre.
Pierre Lampédouze et Irénée : la fantaisie aux prises avec le caprice et l'amour. Capri, Naples, Ravello, la Sicile servent de décor. Mais le vrai décor de ce roman d'amour est intérieur. Irénée se manifeste par des jeux, des inconséquences, des ruses, un sang vif qui se disperse, le goût de la lubie, de l'imprévu. Elle a la superstition de la perversité, malgré ses naïvetés et ses innocences. Et puis elle danse... Et en face, un danseur aussi, lancé sur les traces d'une ombre, l'Ombre même de son désir. Comme fond, la mer. Comme ciel, quelques pans d'azur. Et partout, le souci secret de vaincre. Ce roman qui parfois s'épanouit en poème est un de ceux qui ont fait découvrir Henri Bosco.
«Voici des souvenirs. Tels qu'ils sont revenus à moi du fond de ma mémoire, je les ai notés et je les présente. Je ne raconte pas une suite d'événements qui se succèdent pas à pas, et ainsi qui s'enchaînent. Je prends, au hasard des retours, les personnages et les faits qui vivaient encore, ou qui sommeillaient, dans le passé de mon enfance. Je ne les ai pas recherchés, j'ai attendu. Il m'en est revenu bien plus, et quelquefois de plus étranges, que ceux dont j'ai relaté ici la renaissance. Mais j'ai fait un choix parmi eux pour ne m'en tenir qu'aux plus sûrs.»
Pierrelousse : un gros bourg de Provence, de cette Provence secrète, qui est le domaine de Bosco. Mais un bourg d'il y a cent ans. Les trois classes de la population y vivent en bonne intelligence, chacune cantonnée sur un palier, au flanc de la colline où s'étage Pierrelousse. La famille des Balesta, établie à Pierrelousse depuis plusieurs générations, n'en a pas moins gardé certaines traditions et croyances étranges de ses ancêtres venus de plus rudes pays, de l'autre côté des Alpes. Ce sont là ses «secrets». L'un de ces secrets, dont ils craignent encore, sans oser le dire, la puissance assoupie, c'est le don qui leur a été imparti d'attirer sur ceux qui leur nuisent les coups du sort les plus imprévus et les plus cruels. Les Balesta seront donc, à divers moments de leur histoire, en proie à ce pathétique conflit : le désir naturel de venger une offense, et l'effroi même de ce désir qu'ils redoutent de voir exaucé, car ils sont bons et justes. Mais ils ne peuvent rien contre les ravages du «don». II en résulte des drames auxquels la population du pays, nonchalante, imaginative et sensible à l'extrême, assiste sans les comprendre, et dont elle s'émeut tout entière. Dans cette Pierrelousse ainsi recréée pour notre plaisir et notre émoi, voici que s'inscrivent - après Malicroix, Antonin, L'Âne Culotte et bien d'autres - tant de nouvelles figures de la mythologie dont Bosco nous enchante : l'aïeule Marceline qui incarne la force et le courage, la sage et noble Philomène, Méjemirande, subtil et secret, le docte et prudent chanoine Besance, la vieille servante Chichanque et le cordonnier Trigot, ces humbles comparses qui sont parfois les vrais instruments du destin...
Il a huit ans, l'âge de raison, mais encore l'âge des songes. Ses parents, obligés à de longues absences, le confient à des étrangers, qui demeurent très loin de sa maison des champs, dans une banlieue d'Avignon, banlieue sans grâce ; mais il y a une grâce pour les enfants et les jeux de leurs rêveries. Antonin est d'abord, un temps, en pension, chez les Bénichat. Ce sont de pauvres gens. Le mari, bon colosse, est chef de train. Il emmène souvent Antonin en promenade. Il lui fait faire un réveillon de neige, en pleine campagne, dans la baraque de son ami l'aiguilleur, cependant que grondent, tout près, les rapides de nuit, merveilleux et terribles. Antonin aura d'autres joies et aussi des peines. Il découvrira, puis perdra, la tendre et mystérieuse Marie. Antonin apprendra à connaître ce qu'on peut connaître à son âge, des hommes, des arbres, des oiseaux, du ciel - et aussi de la vie et de la mort. Antonin est l'oeuvre d'amour d'un grand écrivain, d'un magicien aussi, dont la magie reste invisible.
«Tout à coup, à deux ou trois mètres de moi, le fourré s'agita, une branche éclata, un choc brutal déchira le fourré et, du milieu des ronces, jaillit, avec deux formidables crocs d'ivoire, une tête énorme. Je ne vis que cela, la hure. Un peu de bave coulait le long des poils sur les babines noires. Les yeux étaient petits et sanglants. Ils me regardaient. Le souffle rude et chaud m'arrivait sur le visage. Il sentait l'herbe mâchée. Par derrière ce bloc brutal de crin et de chairs ramassées, le fourré broyé laissait voir comme un couloir creusé, au pied de la paroi, dans le roc. Le sanglier ne bougeait plus. J'étais là, et c'est tout ce que je pouvais être. La bête sortit du fourré. Alors je la vis vraiment. J'étais presque couché sur le dos, ma tête n'arrivant qu'à son poitrail. Elle me dominait et ses boutoirs, larges comme la main, se dressaient à un mètre de ma figure. Je serrai les mâchoires.»
«Voici des souvenirs. Tels qu'ils sont revenus à moi du fond de ma mémoire, je les ai notés et je les présente. Je ne raconte pas une suite d'événements qui se succèdent pas à pas, et ainsi qui s'enchaînent. Je prends, au hasard des retours, les personnages et les faits qui vivaient encore, ou qui sommeillaient, dans le passé de mon enfance. Je ne les ai pas recherchés, j'ai attendu. Il m'en est revenu bien plus, et quelquefois de plus étranges, que ceux dont j'ai relaté ici la renaissance. Mais j'ai fait un choix parmi eux pour ne m'en tenir qu'aux plus sûrs.»
C'est l'histoire d'une famille tranquille qui vit en Provence, les Mégremut. Famille unie, respectée, charmante, qui sert de guide et de modèle à tout un village. Un Mégremut pourtant, Sylvius, enfreint la tradition et part en voyage. Il se joint à une troupe de misérables comédiens ambulants. La famille le retrouve et fait un pacte avec les comédiens. Sylvius restera six mois chez eux, six mois avec les Mégremut. Sylvius s'en retourne donc docilement. Mais à Noël, quand il devrait rejoindre les baladins, il s'alite et meurt.Dans cette histoire simple et subtile, on trouve l'essence même de l'art d'Henri Bosco : la poésie, le sens du mystère et du sacré.
«J'ai raconté en trois volumes pas mal de souvenirs d'enfance dont personnages et événements sont authentiques. Et puis, j'ai décidé que je m'en tiendrai là. Devant mon adolescence vécue, j'ai dit non. À quoi bon en parler ?... Elle a été banale. Je n'y retrouve rien qui puisse m'émouvoir l'esprit, me troubler le coeur. C'est le vide. Mais voilà ! Malgré tout, un vide attire, même banal. C'est pourquoi à la fin j'ai eu envie de continuer à parler, fût-ce d'adolescence... Ne pouvant tirer de la mienne rien qui fût animé du moindre sortilège, je m'en suis inventé une autre. J'ai imaginé une adolescence à mon goût, sans doute celle des désirs profonds. Ainsi mon compagnon de songes c'est moi, moi tout de même, moi toujours affrontant d'étranges aventures qu'à quinze ans je n'ai pas connues mais que je viens de connaître...» Henri Bosco.
Cet ouvrage réunit la correspondance croisée entre Henri Bosco et Henry Bonnier, Georges Duhamel, Joseph Peyré et Gabriel Marcel, entre 1947 et 1971. Nourris par une amitié solide, ces échanges mettent en lumière son analyse clairvoyante et courageuse des événements survenus au Maroc.
Les lecteurs de L'Âne culotte et de Hyacinthe retrouvent ici les mêmes personnages et les mêmes lieux. Cette histoire aussi se passe dans les montagnes du Lubéron. Un peu à l'écart du monde, les habitants de fermes et de hameaux trouvent une indicible sérénité dans une vie rustique et dans le maintien des traditions. Familier de la nature, ils sont attentifs à des signes et vivent dans le respect de éléments. Dans les ravins et les combes rocheuses, des visiteurs au visage ténébreux abritent leurs feux éphémères et leurs mystérieux desseins. Deux mondes s'affrontent et, dans cette lutte, la magie a parfois une tenace victoire... Un soir de Noël, une gitane abandonne une petite fille chez les Guériton qui réveillonnent avec Frédéric Méjean, le narrateur de ce récit. C'est une enfant étrange, appelée Félicienne ; elle ne parle pas sans tomber en léthargie et ses yeux n'expriment rien. Les gens du pays s'efforcent d'éclaircir le halo de mystère qui entoure Félicienne sans y parvenir ; d'autres événements insolites les troublent, mais ils ne peuvent les relier entre eux. Frédéric est lui-même victime de sortilèges : il aperçoit Félicienne dans une forêt peuplée d'animaux apprivoisés, tandis qu'une voix murmure «Hyacinthe... Hyacinthe». En proie au délire pendant plusieurs jours, terrassé par les forces malignes, il aura une vision de l'histoire de l'enfant... Mais on ne saurait se fier aux songes. Il faudra la découverte d'un document magique. Il faudra surtout que Félicienne, devenue une jeune fille, puisse reconnaître la voix de celui qui, appelant «Hyacinthe», saura réveiller son âme endormie par un «enchantement».