Pour saisir l'évolution politique de la France, les résultats locaux des élections sont essentiels. Leur extrême variabilité géographique semble un défi à leur compréhension. Grâce à des cartes précises qui resituent l'électeur dans son proche milieu plutôt que seulement dans une classe sociale, cet ouvrage ambitieux montre que les variations locales de l'opinion obéissent souvent à une logique historique de longue durée qui se déroule généralement en trois stades : apparition d'une nouvelle opinion à cause d'un évènement singulier, propagation sur un terrain préexistant, limitation par les territoires des opinions rivales. Au fil des pages, Bonnets rouges, Gilets jaunes, partisans de Chasse, pêche, nature et traditions (CPNT), mais aussi du Rassemblement national, du Parti communiste, de la droite et de la gauche se mettent en place dans l'espace français. Alors s'éclaire l'épuisement actuel de l'opposition de la droite et de la gauche, comme les tentatives de remplacer cette opposition, qui puisent dans un passé plus ancien, structuré par des régularités géographiques. Ce qui est souvent présenté comme une histoire progressive est ainsi doublé par une histoire à l'envers, par la réapparition de clivages passés souvent très anciens
Le tripartisme bouscule le jeu politique français, la gauche et la droite étant désormais talonnées par un Front national à 28 %. On prédisait un effondrement de la gauche, mais - première surprise -, elle a fait jeu égal avec la droite au premier tour des départementales de 2015, puis l'a doublée aux régionales. Deuxième surprise : au second tour, le tripartisme provoque des duels d'une nature inédite. Grâce à une méthode statistique et cartographique nouvelle, Hervé Le Bras passe au crible les résultats électoraux des communes, des cantons et des régions. La formation de « fronts républicains » peut-elle perdurer dans ce nouveau contexte ? Quel est l'impact de la division de la gauche sur cette recomposition ? Quelle est la porosité entre la droite et l'extrême droite ? Répondre à toutes ces questions, c'est comprendre les bouleversements politiques français depuis vingt ans. C'est aussi définir les termes de la prochaine présidentielle et des législatives qui l'accompagneront.
Au XVIIe siècle, on mourait encore de chagrin ou foudroyé par une planète à cause d'un mauvais horoscope.
La mortalité ne désignait qu'une épidémie soudaine et catastrophique. En classant les décès des listes paroissiales de Londres par cause et par âge, John Graunt, marchand drapier, invente en 1662 l'idée moderne de mortalité. De l'avis général, ses Observations naturelles et politiques fondent la statistique et la démographie. Le cheminement d'une telle découverte resterait mystérieux si Graunt n'avait eu pour ami le remuant William Petty, médecin, mathématicien, courtisan proche à la fois des Cromwell et des Stuart, disciple de Hobbes et fondateur de l'" Arithmétique politique " et de la première académie scientifique moderne, la Royal Society.
Petty ne serait-il pas le véritable inventeur de l'idée de mortalité ? La question est importante : si l'on attribue à Graunt la statistique et la démographie, elles feront partie des sciences naturelles ; si leur paternité revient à Petty, elles relèveront des disciplines politiques. En montrant que Petty est l'auteur principal des Observations, Hervé Le Bras éclaire la découverte de la mortalité d'un jour nouveau.
A la gestion individuelle de la mort par la recherche d'une grande longévité, les premières monarchies absolues modernes substituent un contrôle de la mortalité. L'État prend désormais en charge l'existence de ses sujets : avec les comptages et les calculs de populations, statistique et démographie deviennent des disciplines de gouvernement.
À quoi ressemble la France dont hérite aujourd'hui François Hollande, trois décennies après l'élection de Mitterrand ? La révolution des moeurs et la globalisation l'ont-elles homogénéisée ? La politique est-elle devenue rationnelle, explicable par des déterminations socio-économiques ?
En trente ans, notre pays a fait un bond en avant urbain et éducatif. Ses habitants communiquent et voyagent comme jamais. Ses croyances religieuses et ses idéologies se sont évaporées, ses moeurs se sont radicalement transformées, ses classes sociales se sont effacées. Mais la France n'est ni homogène, ni coupée des valeurs héritées du passé. Comme au début des années 1980, la gauche et la droite s'appuient toujours sur des forces anthropologiques inconscientes.
Grâce à une méthode cartographique renouvelée, Hervé Le Bras et Emmanuel Todd plongent au niveau des départements et des communes pour saisir la reconfiguration des vieux ancrages territoriaux. L'analyse de variables décrivant la politique, l'industrie, la famille, l'éducation, la religion, la criminalité, le suicide, leur permet d'analyser l'extraordinaire diversité culturelle de l'Hexagone, cause profonde de l'universalisme français. Leur livre montre de manière décisive comment s'affrontent et se combinent forces économiques mondiales et tempéraments régionaux.