Poésie
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C'est sur le plateau d'Arménie qu'Ossip Mandelstam commence à rédiger ces Nouveaux poèmes, qui recouvrent la période vagabonde du poète. L'exil lui redonne courage dans les mots, dont il manie avec dextérité le chant. Ce recueil exprime au mieux son désir d'une langue universelle: le russe est relié sous sa plume à une atmosphère hellénistique mais aussi aux poètes persans qu'il lit en traduction française, aux auteurs allemands et à Dante. D'une grande spontanéité, ces poèmes allient le pouvoir du mot, considéré comme une forme autonome, et sa capacité, marié à d'autres, à égréner des images fortes et lumineuses. Outre des allusions éparses à la vie quotidienne, ils fourmillent de sous-entendus politiques et religieux. Ils sont des miroirs à visage double.
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«Tristia dont le titre est emprunté à Ovide est un retour à la culture et à la terre où Mandelstam situe les sources de la poésie : Homère, Ovide, Catulle, et la Crimée, les contrées de la mer Noire qui s'étendent jusqu'aux monts du Caucase, et qui, pour le poète, sont inséparables du paysage historique, culturel et géographique de la Méditerranée. Ici convergent la pensée juive, grecque et chrétienne. C'est aussi, avec les îles Fortunées, le pays fabuleux de l'Âge d'or. Le poète vient y chercher le mot vivant dans sa pureté originelle. Cette quête du mot retrouvé, du mot neuf, est le motif central de plusieurs poèmes de Tristia où il apparaît associé à d'autres thèmes, dans un poème d'amour comme Tristia, ou dans l'admirable poème La scène fantomatique luit à peine, où le chant de l'Orphée de Gluck devient l'accord final de strophes sur le Pétersbourg des années de la guerre civile. Et quand Mandelstam, après une paraphrase de la troisième élégie des Tristes d'Ovide, s'écrie : Et seul m'est doux l'instant de la reconnaissance, il songe moins aux retrouvailles avec un être aimé qu'à la rencontre du poète avec la parole redécouverte.» François Kérel.
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Sont réunis dans ce volume :
- Pierre en version complète - bilingue - de la première édition (1913) ;
- Pierre du matin (préface d'Odile des Fontenelles) ;
- Le Matin de l'Acméisme - Traduction inédite de Christian Mouze ;
- 20 linogravures originales de Zaven Paré. -
Seule oeuvre de fiction écrite par Ossip Mandelstam, Le Timbre égyptien répond à une réflexion que l'écrivain a menée en 1922 sur « la fin du roman ». Ce texte est pour lui une sorte de démonstration de ce que devrait être une prose contemporaine, reflet du monde dans lequel il est désormais plongé. C'est le récit d'une journée dans la vie de Parnok, double ironique de Mandelstam, un de ces « petits hommes » d'une faiblesse héroïque, si fréquents dans la tradition russe depuis Gogol et Dostoïevski. Parnok déambule dans les rues de Saint-Pétersbourg à la recherche de sa « queue-de-morue » qui a mystérieusement abouti entre les mains d'un personnage officiel, le capitaine Krzyzanowski. Nous sommes au cours de « l'été Kerenski », en 1917, entre deux révolutions. Et déjà la ville tant aimée a pris des allures de cauchemar. Le temps est sorti de ses gonds. Par héroïsme, Parnok tente de sauver du lynchage un autre « petit homme », sans succès. Le récit se perd ensuite dans des divagations qui reflètent l'état d'esprit du personnage. Mais l'âpreté de ce monde où le froid et la peur envahissent tout, ne rend que plus fulgurants les éclats de lumière. Parnok, ce « prince zélé de la malchance », conserve jusqu'au bout le goût du Sud, de la musique. La parole semble pouvoir renaître. Lui-même est comparé à « un pépin de citron jeté dans une crevasse du granit pétersbourgeois ».
La traduction publiée ici avait paru en France en 1930, deux ans seulement après la publication en langue originale en URSS, dans la revue Commerce. Nous reprenons ici l'édition parue au Bruit du temps en 2009, avec tout son appareil critique, en l'augmentant de quelques variantes inédites en français, traduites par Jean-Claude Schneider.
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Si la poésie amoureuse, comme le relevait Nadejda Mandelstam, tient une place quantitativement modeste dans l'héritage du poète, on ne saurait la qualifier de « périphérique » pour autant que ces quelques poèmes marquent des jalons essentiels de son parcours. Préparant, lors de son exil à Voronej, une émission radio sur la jeunesse de Goethe, Ossip Mandelstam notait que les femmes aimées avaient été pour le poète allemand « les passerelles solides par lesquelles il passait d'une période à une autre ». Sans doute parlait-il également pour lui-même tant il est frappant que chacune des phases de son oeuvre est encadrée, introduite et close par les quelques poésies que lui inspirèrent les différentes « muses » ...
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Ce quatrième ouvrage à La Barque d'Ossip Mandelstam traduit par Christian Mouze démontrera de lui-même l'amitié entre un auteur et son traducteur. Et c'est bien une chance pour le lecteur qui le découvrira puisque lui aussi se retrouvera en amitié avec le grand Mandelstam. Lui-même en amitié avec Dante. Le ton y est juste, rigoureux et audacieux tel Mandelstam lui-même.
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Le classicisme de l'art de la révolution, écrivait Mandelstam en 1922. Tristia - le titre est emprunté à Ovide - illustre ce paradoxe. Les années de guerre civile sont celle de l'errance dans la Russie, la Crimée, le Caucase, où se dessine le thème de l'exil et de l'adieu au passé. Michel Aucouturier, professeur à la Sorbonne et grand spécialiste de la poésie russe, en donne une traduction fidèle et musicale.
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Ce livre réunit pour la première fois le Voyage en Arménie (lui-même constitué de huit textes - huit tels les octaèdres des monastères d'Arménie) et les « Poèmes d'Arménie », comprenant ici le poème « du retour » où Mandelstam, lucide, sait la fin approcher, avec l'ascension du « Montagnard du Kremlin », alias Chapouk in « Alaguez », texte par lequel se termine précisément le Voyage. L'Arménie dont il rêvait, ultime sursis qui aura duré de printemps à automne 1930, est un grand souffle ô combien partagé. C'est l'amitié des hommes ; le jeu des enfants ; « un morceau de calcaire poreux, tenant sa forme de quelque boîte crânienne » respectueusement enveloppé dans un mouchoir ; c'est « le culte rendu par les nuages à l'Ararat » ; c'est l'art et la science ou « la vie savante et la vie de gagne-pain de tous les jours » réunis ; c'est la découverte d'une langue aux sonorités interdites - c'est la vie du poème à nouveau possible.
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Ossip Mandelstam écrit en 1933 une Épigramme contre Staline. Plusieurs personnes peuvent en prendre connaissance. Arrêté en 1934, il est déporté à Voronej, une grande ville sur le Don.
Dès 1935, il commence à écrire les poèmes des Cahiers de Voronej (demeurés longtemps inédits et publiés après sa mort par sa femme qui les avaient appris par coeur et sauvés ainsi de la censure).
Libéré, puis à nouveau arrêté, il meurt en 1938, dans un camp de transit.
Sont ici publiés la plupart des poèmes des "Cahiers de Voronej", avec les deux poèmes consacrés à Staline (L'épigramme contre Staline et le Poème à Staline, sans doute une dernière tentative du poète pour sauver sa vie).
Les poèmes des "Cahiers" approchent une sorte d'"écriture automatique" dans laquelle des phrases semblent sorties d'un chapeau. Les moments d'écriture, basés sur une sonorité, s'emboitent pour former une polysémie imposante.
Peu de poètes ont écrit avec un tel malheur pour mémoire, une détresse, comme une fatalité du deuil. Les poèmes, donc, cette mémoire du malheur et de la mort. Au mot à mot.
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Les poèmes ici rassemblés, choisis dans la première et la dernière période créatrice de Mandelstam, témoignent du génie multiple de l'écrivain et de la vigueur jamais démentie qui traverse l'immensité de son oeuvre.
Le présent choix rend tout particulièrement sensible, par un effet de contraste et une volonté de télescopage, l'évolution des choix poétiques de Mandelstam, alors même que d'un poème à l'autre s'affirme ce qui fait l'unité de l'oeuvre. -
«Mandelstam n'a pas eu de maître.
Nous sommes au fait des origines de Pouchkine et de Blok, mais qui pourrait dire d'où est venue cette harmonie nouvelle et supérieure qui a pour nom :
Les poèmes d'Ossip Mandelstam ?», a écrit Anna Akhmatova, et tel pouvait en effet être le sentiment inspiré aux lecteurs par (La) Pierre, le premier livre du poète à peine âgé de 22 ans, dont la voix apparut d'emblée singulière, reconnaissable entre toutes. Les nombreux textes écrits entre 1906 et 1913, pour la plupart inédits jusque-là en français, permettent toutefois de mieux éclairer la «préhistoire» de Mandelstam.
Dès le début, sa démarche poétique allait au-delà du symbolisme et de la musicalité verlainienne, mais aussi de l'acméisme, le mouvement auquel il fut amené à participer, à partir de 1912, aux côtés de Nikolaï Goumiliov et d'Anna Akhmatova.Son oeuvre est à l'opposé du classi-cisme et de l'avant-garde, tout en restant infiniment proche de l'un et de l'autre : ce paradoxe énoncé par Sergueï Avérintsev caractérise on ne peut mieux la position exceptionnelle de Mandelstam au coeur de la poésie russe du vingtième siècle. Avec pour toile de fond sa traver-sée tragique de l'histoire, jusqu'à la mort dans un camp de transit du Goulag en décembre 1938. Le présent volume et les trois autres déjà parus aux éditions Circé (Le Deuxième Livre, 1916-1925 ; Les Poèmes de Moscou, 1930-1934 ; Les Cahiers de Voronej, 1935-1937) constituent la première édition complète, bilingue et commentée, de l'oeuvre poétique d'Ossip Mandelstam.