Patricia Sorel est maître de conférences en histoire à l'Université Paris Nanterre et membre du Centre d'Histoire Culturelle des Sociétés Contemporaines (Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines). Spécialiste d'histoire du livre, elle a notamment publié La Révolution du livre en Bretagne, 1780-1830 (PUR, 2004), Plon : le sens de l'histoire, 1833-1962 (PUR, 2016), Napoléon et le livre. La censure sous le Consulat et le Premier Empire (1799-1815) (PUR, 2020) et a codirigé l'Histoire de la librairie française (éd. du Cercle de la Librairie, 2008).
Emblématique de l'exception culturelle française, la loi Lang a permis de préserver la diversité de la création éditoriale en maintenant un réseau dense de librairies indépendantes sur tout le territoire. Son adoption a pourtant donné lieu à un long combat qui a divisé les professionnels du livre.L'ouverture en 1974 à Paris de la librairie Fnac, qui pratique des rabais systématiques de 20%, met à mal le système du prix conseillé alors en vigueur. Face au discount, une partie des libraires se prononcent pour la libération des prix, tandis que d'autres se rallient à l'éditeur Jérôme Lindon qui mène la lutte pour le prix unique. Après la victoire de François Mitterrand à la présidentielle et grâce au volontarisme de Jack Lang, la loi sur le prix unique du livre est adoptée dès l'été 1981. Mais elle subit l'offensive de la Fnac et des centres Leclerc, et c'est alors un nouveau combat qui s'engage, les professionnels du livre se mobilisant pour faire respecter le prix unique auquel tous se sont ralliés.Si la loi Lang limite à 5% le rabais sur les livres, elle a également prévu que des remises qualitatives soient accordées par les éditeurs aux détaillants. La définition de ces remises va donner lieu à de longues et âpres négociations jusqu'à l'adoption d'un troisième protocole en 2008 sur les usages commerciaux de l'édition avec la librairie. La loi Lang a ainsi instauré de nouvelles relations entre libraires et éditeurs et elle demeure aujourd'hui encore un élément fédérateur entre les différents acteurs du livre.
Si Napoléon a muselé la presse dès son arrivée au pouvoir, il s'est aussi très tôt préoccupé de contrôler la publication des ouvrages non-périodiques, avec une attitude ambivalente vis-à-vis de la censure. Comment censurer les livres tout en laissant aux auteurs une apparence de liberté ? C'est contre les imprimeurs et les libraires que le pouvoir va sévir. Après les saisies arbitraires effectuées par la police dans les imprimeries et les librairies, un système de censure préalable est mis en place par le décret du 5 février 1810, qui instaure de surcroît l'obligation du brevet pour les imprimeurs et les libraires. Sous l'autorité du ministère de l'Intérieur et du directeur de la Librairie, des censeurs impériaux vont examiner chaque année plusieurs centaines de manuscrits.
Les ouvrages jugés subversifs ou contraires aux bonnes moeurs sont interdits de publication, sans qu'aucun texte législatif ne définisse les abus de la liberté de la presse. La censure se donne également pour mission de diriger l'esprit public, faisant du livre un élément essentiel du système de propagande napoléonien. La police est cependant impuissante à empêcher totalement la circulation des écrits séditieux ou licencieux. Insatisfait du fonctionnement de la censure, Napoléon l'abolira pendant les Cent Jours.
Fondé sur le dépouillement minutieux des rapports des censeurs et des archives de la police, cet ouvrage met au jour les rouages de la censure sous le Consulat et le Premier Empire, apportant ainsi un nouvel éclairage sur la production et la diffusion du livre durant les quinze premières années du XIXe siècle.
Fondée en 1833, l'imprimerie Plon devient une authentique maison d'édition au début de la IIIe République et bâtit sa renommée sur la publication d'ouvrages d'histoire. Après la Première Guerre mondiale, elle se hisse au niveau des plus grands éditeurs de littérature générale en publiant des écrivains aussi prestigieux que Georges Bernanos, Julien Green, Robert Brasillach et Henri Troyat. C'est aussi pendant l'entre-deux-guerres que sont lancées plusieurs collections qui vont connaître une grande notoriété, notamment « Le Roseau d'or » et « Feux croisés », ainsi qu'une collection de poche, la « Bibliothèque Plon ».
Élément majeur dans les stratégies des éditeurs pour conquérir et fidéliser les lecteurs et lectrices, la collection est aussi, aux XIXe et XXe siècles, l'un des principaux vecteurs de circulation des savoirs. Si la collection est le plus souvent conçue pour un public cible dans un cadre national, son modèle s'exporte aussi au-delà des frontières et s'avère suffisamment malléable pour s'adapter à de nouveaux espaces, géographiques et linguistiques. Par son approche transnationale et comparative, cet ouvrage apporte un nouvel éclairage sur les processus de diffusion et de réception des collections éditoriales dans toute leur diversité. En analysant une vaste gamme de collections (littéraires, scientifiques, historiques, politiques...), les contributions réunies dans ce volume interrogent leur rôle dans les processus de transfert culturel, sur le continent européen et dans les Amériques, tout en mettant en évidence les évolutions du marché du livre et les mutations culturelles qui les accompagnent. Comment les modèles éditoriaux circulent-ils et se transforment-ils dans l'espace et dans le temps ? Quels moyens mettent en oeuvre les éditeurs, les auteurs, les traducteurs, les illustrateurs ou les graphistes pour la diffusion et l'acclimatation de productions étrangères ? Dans quelle mesure les collections ont elles contribué à la construction et au renforcement des identités nationales ? C'est notamment à ces diverses questions que cet ouvrage tente de répondre en mettant au jour les similarités et les hybridations dans les différents espaces, géographiques, sociaux, religieux et institutionnels. La problématique de l'adaptation des modèles éditoriaux et celle du « métissage » dans la formation et la circulation des savoirs constituent les thèmes centraux d'un ouvrage qui, dans une approche globale, donne à lire à la fois les stratégies individuelles et les sociétés en mutation. Par l'étude de ses formes, de ses usages et de ses récupérations, c'est toute la complexité de la collection éditoriale qui est ainsi dévoilée.