« Un rien.
Nous étions, nous sommes, nous.
Resterons, en fleur :
La rose de rien, de.
Personne ».
Au plus près des bouleversements qui affectent son existence et son époque, Paul Celan signe avec La Rose de personne son livre souvent considéré comme le plus important. Sa dimension politique est affirmée dès la dédicace liminaire en souvenir du poète juif russe Ossip Mandelstam, victime du stalinisme.
Dans ces poèmes qui tiennent à la fois de la ballade, de la satire, de la romance, de l'ode et de l'élégie, Celan fait entendre sa voix à la mémoire des voix assassinées à Auschwitz.
Cette édition propose un choix de poèmes réalisé par Celan lui-même. C'est le parcours de l'auteur dans son oeuvre. L'extrême dispersion des éditions de Celan en français confère à ce livre une fonction d'éclaireur, de viatique. Celui-ci invite à plus qu'à la découverte d'un poète majeur de ce siècle : il favorise une approche qui se change en reconnaissance.À l'effrayante question : comment écrire après Auschwitz ? Celan répond : en usant du langage de la mort. Car il eut à affronter et à vivre l'un des plus tragiques paradoxes qui soit : sa langue maternelle, l'allemand, est à la fois celle qui fonde sa culture et son identité, mais aussi celle qui régit le camp d'extermination où disparaissent ses propres parents. Et pourtant, Celan ne peut sans «mentir» (c'est lui qui le note) se soustraire à cette langue de l'enfance et de l'oppression mêlées.
C'est après la publication de La Rose de personne que Paul Celan écrit Renverse du souffle. Cette période coïncide avec une phase difficile de sa vie, (première hospitalisation dans un établissement psychiatrique). La poésie de Paul Celan, dense et parfois ardue, garde une puissance d'évocation peu ordinaire qui lui vaut d'être tenue pour l'une des oeuvres fondamentales de la littérature allemande.
Composé en août 1959, l'entretien dans la montagne, l'un des très rares écrits en prose de celan, occupe une place centrale dans son oeuvre.
Sa rédaction intervient quelques mois après la parution de grille de parole, son troisième recueil ; sa publication en revue l'année suivante précédera de peu l'attribution à celan du prix büchner, qui lui donnera l'occasion d'écrire le célèbre discours de darmstadt intitulé le méridien. l'entretien dans la montagne fut écrit en souvenir d'une rencontre manquée avec theodor w. adorno, qui aurait dû avoir lieu en juillet 1959 à sils maria.
Dans le méridien, évoquant le lien entre ce texte et le lenz de büchner, celan le définit comme un chemin " de moi vers moi ". dans l'étude qui accompagne la traduction que nous publions aujourd'hui, stéphane mosès montre comment ce bref texte accomplit, sur l'horizon de cette absence, " un trajet à travers la forêt des mots, trajet au cours duquel un langage anonyme se transforme peu à peu en parole de sujet, un il en je et tu, un récit en discours ".
Avec cette métamorphose, ce dont il s'agit ici, c'est de répondre à la formule qu'avait risquée adorno (et sur laquelle il fut amené à revenir), estimant qu'il était " barbare " d'écrire des poèmes après auschwitz. " pour celan au contraire, écrit stéphane mosès, le langage frappé au plus intime de ses pouvoirs peut renaître, mais à condition d'assumer jusqu'au bout sa propre culpabilité. ".
" .
Simplement il lui était parfois désagréable de ne pouvoir marcher sur la tête. " celui qui marche sur la tête, mesdames et messieurs, - celui qui marche sur la tête, il a le ciel en abîme sous lui. mesdames et messieurs, il est aujourd'hui passé dans les usages de reprocher à la poésie son " obscurité ". - permettez-moi, sans transition - mais quelque chose ne vient-il pas brusquement de s'ouvrir ici ? -, permettez-moi de citer un mot de pascal que j'ai lu il y a quelque temps chez léon chestov : " ne nous reprochez pas le manque de clarté puisque nous en faisons profession ! " - sinon congénitale, au moins conjointe-adjointe à la poésie en faveur d'une rencontre à venir depuis un lieu lointain ou étranger - projeté par moi-même peut-être -, telle est cette obscurité.
P. c.
La poésie de Paul Celan se caractérise par son étroit rapport à l'Histoire. Partie de neige, recueil de 70 poèmes écrits deux ans avant la mort du poète, entre décembre 1967 et octobre 1968, est imprégné des révoltes étudiantes de cette période, des mouvements sociaux et du Printemps de Prague. Au plus près de son époque et de lui-même, Paul Celan y réinvente sa diction. Il dira lui-même à propos de cet ensemble : " [Ce volume] est sans doute ce que j'ai écrit de plus fort et de plus audacieux. "
Grille de parole est le livre des Voix, de la Main, de l'oeil ouvert. Sa « Matière de Bretagne » répond à notre temps, celui des dévastations et de la bombe atomique, évoquées dans l'époustouflante Strette finale. D'un lyrisme sans aura, ce livre fait naître un langage minéral de la douleur, de ce qui est mort dans les étoiles et les pierres, langage qui structure par la suite l'oeuvre de Paul Celan.
La place de paul celan en france aujourd'hui n'a rien de commun avec celle qui était la sienne à sa mort en 1970.
Pourtant, malgré l'existence de traductions de plus en plus nombreuses, il m'a semblé qu'un peu à la manière de ce qui se passait pour hölderlin, le nom de celan, ou si l'on préfère l'aura qui entoure ce nom tendait à prendre la place d'une connaissance plus précise de sa poésie. c'est pourquoi, outre un choix de textes assez large, j'ai voulu cette fois offrir au lecteur une documentation suffisante pour qu'il puisse comprendre le contexte dans lequel cette oeuvre a vu le jour.
De czernowitz à paris en passant par vienne, de l'amour pour l'allemand transmis par la mère à la réappropriation juive de cette langue, devenue entre-temps la langue de ses bourreaux, les poèmes de celan retracent le chemin de l'une des oeuvres poétiques majeures de l'après-guerre en europe. john e. jackson.
Le coffret regroupe les deux volumes de Correspondance.
Volume 1 : Lettres.
« Vois-tu, j'ai l'impression, en venant vers toi, de quitter un monde, d'entendre les portes claquer derrière moi, des portes et des portes, car elles sont nombreuses, les portes de ce monde fait de malentendus, de fausses clartés, de bafouages. Peut-être me reste-t-il d'autres portes encore, peut-être n'ai-je pas encore retraversé toute l'étendue sur laquelle s'étale ce réseau de signes qui fourvoient - mais je viens, m'entends-tu, j'approche, le rythme - je le sens - s'accélère, les feux trompeurs s'éteignent l'un après l'autre, les bouches menteuses se referment sur leur bave - plus de mots, plus de bruits, plus de rien qui accompagne mon pas - Je serai là, auprès de toi, dans un instant, dans une seconde qui inaugurera le temps ».
Paul.
Volume 2 : Commentaires et illustrations.
« Je vous écris, mon Amour, je vous écris - cela fait vivre. Mon Aimée ! J'ai sorti, de votre petit Pascal, votre photo d'il y a onze ans. Gisèle de Lestrange, je vous aime. Ma souriante d'alors ! Ma si éprouvée ! Ma si courageuse ! Je pleure, mais oui. Mais, dans ces larmes, je vous rejoins, vous et notre fils Eric, vous et notre vie à nous, à nous trois, et qui, n'est-ce pas, garde et gardera ses clartés, ses étoiles, ses soleils, sa Maison. » Paul.
Paul Celan est né en 1920 en Roumanie, et mort à Paris en 1970. Originaire d'une famille juive parlant allemand, il fait des études de littérature et de langues romanes en Roumanie. En 1942 ses parents sont déportés. Après la guerre, qui l'a profondément marqué, il quitte son pays pour Vienne, puis Paris où il devient lecteur à l'ENS et traducteur. Bien que Celan ait publié ses premiers poèmes vers 1948, c'est en 1952 avec Pavot et Mémoire qu'il commence à atteindre une certaine célébrité. Il est par la suite consacré comme le plus grand poète de langue allemande de l'après-guerre:en 1958, il reçoit le prix littéraire de la ville de Brême, et en 1960, le prix Georg Büchner.
ÿþLes deux êtres qui se rencontrent dans la Vienne de 1948 encore occupée par les troupes alliées, sont issus de cultures et d'horizons différents, voire opposés : Ingeborg Bachmann est la fille d'un instituteur, protestant, ayant adhéré au parti nazi autrichien avant même l'accession de Hitler à la chancellerie du Reich (1932) ; Paul Celan, né dans une famille juive de langue allemande de Czernowitz, au nord de la Roumanie, a perdu ses deux parents dans un camp allemand et a connu l'internement en camp de travail roumain pendant deux ans.Cette différence, le désir et la volonté de renouer sans cesse le dialogue par delà les malentendus et les conflits déterminent leur relation et la correspondance qu'ils échangent du premier jour, en mai 1948, où Paul Celan fait cadeau d'un poème à Ingeborg Bachmann jusqu'à la dernière lettre adressée en 1967.L'écriture est au centre de la vie de chacun des correspondants, dont les noms apparaissent dans les comptes rendus critiques, dès le début des années 1950, souvent au sein d'une même phrase, comme étant ceux des représentants les plus importants de la poésie lyrique allemande de l'après-guerre. Mais écrire n'est pas chose simple, ni pour l'un ni pour l'autre - et écrire des lettres n'est pas moins difficile. L'imperfection du dire, la lutte avec les mots, la révolte contre le mutisme, occupent une place centrale dans cet échange épistolaire.Correspondance augmentée des lettres échangées par Paul Celan et Max Frisch ainsi que par Ingeborg Bachmann et Gisèle Celan-Lestrange.Édition de Bertrand Badiou, Hans Höller, Andrea Stoll et Barbara Wiedemann.
Cette correspondance rapproche deux hommes, deux écrivains, et aussi deux lecteurs, bien qu'ils ne fussent ni de la même langue ni du même monde ni du même âge. Leur voisinage, leur rencontre n'a en fait rien pour surprendre. L'échange entre René Char et Paul Celan semble aller de soi et apparaît d'emblée sous un jour des plus prometteurs; il laisse augurer d'une certaine égalité des voix; d'un dialogue nourri d'expériences comparables:celui du poète du maquis de Provence avec le poète juif d'Europe orientale qui, contrairement à ses parents, ne subira que les camps de travail roumains et échappera à la machine d'extermination nazie. Tous deux connurent, jeunes, la clandestinité, la disparition de proches, le sentiment de l'imminence de la mort, la haine absolue des politiques mortifères. Tous deux ont écrit et pensé dans des situations extrêmes. Les poèmes de Celan nés dans les camps, qui constituent le socle de toute son écriture, sont encore, quand s'ébauchent leurs échanges, quasiment inconnus en France. Char et Celan ont trempé pour toujours leur parole dans ces multiples épreuves. Une parole qui devait assumer sa part obscure, issue des méandres et des gouffres du siècle. L'obscurité de leur dire résulte de la coagulation et de l'élaboration d'expériences limites, d'un passage par l'abîme et non d'un hermétisme délibéré, au sens d'un cryptage volontaire de quelque chose de préalablement clair, destiné à on ne sait quels initiés! C'est à travers le filtre ou l'optique des événements vécus que les deux poètes mettent à l'épreuve leurs lectures, s'approprient ce qu'il leur faut pour situer leur propre voix tôt fondée en nécessité.