Filtrer
Support
Éditeurs
- Flammarion (9)
- Al Dante (6)
- Le Bruit Du Temps (6)
- Jouvence (3)
- Theatre Typographique (2)
- Argol (1)
- Chronique Sociale (1)
- Corti (1)
- Ecole Normale Superieure De Lyon (1)
- Fayard (1)
- L'Arbre A Paroles (1)
- Maison Des Sciences De L'Homme (1)
- Marcel Le Poney (1)
- Memo (1)
- Nous (1)
- Peter Lang Ag (1)
- Texts & Crafts (1)
- Textuel (1)
Langues
Philippe Beck
39 produits trouvés
-
Idées de la nuit poursuit, dans sa forme quasi nietzschéenne, faite de courts chapitres qui sont autant de poèmes en prose, le chemin ouvert par Traité des sirènes, paru il y a deux ans au Bruit du temps. Mais, si la musique n'est pas absente du présent livre, avec des chapitres comme « Le chant dehors », ou « La cigale », la réflexion porte ici, de manière plus générale, sur la poésie, le fait poétique de la lumière : comment cette « autre clarté » qui, chez Hölderlin est donnée au poète mais qui, pour Philippe Beck semble dans le tunnel de l'époque sans cesse rejetée, et devant donc être tout aussi inlassablement cherchée, gagnée sur l'obscurité. Tout le livre peut apparaître comme une suite de variations sur ce thème des relations du clair et de l'obscur, de la poésie et de la nuit ; en même temps qu'il propose une sorte de panorama de ce thème poético-philosophique, de Platon (« La fin de la caverne ») aux romantiques (« Le goût pour la nuit, une bizarrerie ») et jusqu'à Mandelstam (« Projet de suppression de la lune »). Mais il y a surtout, dans ces pages, une tentative de créer une sorte de nouvelle cosmogonie, une « phénoménologie spéculative frottée de réel », pour reprendre les mots que lui-même utilise pour définir l'oeuvre de Merleau-Ponty. Et cela afin de décrire de manière absolument inédite le monde, l'homme, l'origine de la pensée, en n'hésitant pas à convoquer les « tournoiements intuitifs » de l'étonnant Jean-Pierre Brisset (dont on doit la redécouverte à l'Anthologie de l'humour noir d'André Breton). Philippe Beck affirme ici une fois de plus son refus de la nuit pure de l'idéalisme platonicien, sa volonté de décrire notre condition d'hommes reliés par les paroles et les pensées, et plaide pour le poète chercheur qui fait danser les idées ou joue le rôle de l'éclaireur, sachant que ce monde-ci détient tous les secrets qu'il exprime. L'homme-balai, le deuxième livre de ce recueil est comme une mise en application pratique de cette ambition proclamée. Dans ce Journal de « non confinement » (parce qu'il ne s'agit en rien d'un journal intime mais de paroles non-cloisonnées, toujours adressées à un autre que soi) tenu quotidiennement en 2020, Philippe Beck tente de comprendre le sens de l'expérience que fut ce « moment de césure évidente » et de contrainte sédentaire. Il analyse en philosophe et en poète les éléments qui ont été le propre de ces journées - les applaudissements aux soignants (« La parole des mains »), le masque (« La rareté masquée »), etc. Un tel regard, sans cesse nourri de citations merveilleusement appropriées, se révèle particulièrement réjouissant et éclairant lorsque, au coeur du livre, Beck pousse à son terme l'idée de Swift voyant dans ses contemporains affublés de perruque des hommes-balais et montre que l'homme pollueur d'aujourd'hui, soulevant lui-même une poussière qu'il peine à effacer, est en réalité à l'inverse du sympathique balai « rendant propre en étant sale lui-même et aidant à nourrir le feu ». Ou lorsque, moderne La Fontaine, il convoque pour décrire le monde dans lequel nous vivons « des animaux respectés et réels (non idéalisés), exactement comme aux fables ». Philippe Beck, tout au long de ces pages, ne cesse de mobiliser une armée de métaphores, seules armes selon lui capables de former « une santé, une force de découpe dans les douleurs, pour aider à montrer les yeux différents qui regardent des choses prochaines ». En réponse aux « extrêmophiles », il ose opposer la bonté profonde du poète qui « crée de nouvelles images actives ».
-
En décembre 2019, un article consacré aux ours blancs qui approchaient inhabituellement du village de Ryrkaïpii, au bord des rives arctiques de la Tchoukotka, à l'extrémité nord-est de la Russie, m'a fait écrire une hilarotragédie sensuelle. Jusqu'au printemps 2020, l'ours en est devenu le héros ou l'antihéros non fatigué. Dans la chasse de l'époque, qui renouvelle la danse des atomes de tous entre désir, faim et pensée, l'animal-guide, c'est ici Monsieur-Madame Tout-le-Monde. Chacun rêve à l'origine des choses, à l'ironie de la communauté, et n'en revient pas. Qui est l'homme qui a vu l'ours qui a vu l'homme ? Des femmes légendaires ou réelles comme modèles, un révolté ascétique, un voyageur tatoué et déclinant, un possible affolé retiré etc. sont les personnages d'une semi-tragédie lyrique et les avatars de la bête voisine que les humains («les inhumains» plutôt) s'efforcent d'entendre dans la peur. Sorte d'idylle comique également, Ryrkaïpii est une suite à Dans de la nature (2003), écrit en marge du Poésie naïve et poésie sentimentale de Schiller. Ph. B.
-
Dès le premier des entretiens sur la poésie ici réunis, et qui portent sur vingt-cinq années de publication, de Garde-manche hypocrite (1996) au Traité des Sirènes (2021), Philippe Beck se réfère à « l'autre clarté » propre à la parole poétique, dont parle Hölderlin, et à son désir de re-simplifier une poésie à laquelle on a pu faire le reproche d'hermétisme. Chesterton, dans son livre sur le poète anglais Robert Browning, lui aussi en son temps accusé d'être obscur et plus philosophe que poète, a montré de manière lumineuse que l'obscurité de Browning « avait une origine radicalement opposée à celle qui lui était attribuée. Il était inintelligible non parce qu'il était orgueilleux mais parce qu'il était humble. Il était inintelligible non parce que ses pensées étaient vagues, mais parce que, pour lui, elles étaient évidentes. » Chez Philippe Beck, la volonté de s'expliquer et la manière dont il le fait dans cette somme ininterrompue d'entretiens, sont sans doute les plus évidentes manifestations de cette humilité paradoxale et de la clarté de ses pensées. Quiconque se plongera dans la lecture de ce livre, devrait pouvoir y glaner ce qu'on peut lire de plus juste et de plus éclairant sur ce que peut être un art poétique contemporain. Parlant de lui-même, de sa pratique de poète, répondant, au fil des années, à des interlocuteurs qui vont du poète Henri Deluy au musicien Tedi Papavrami en passant par l'écrivain Pierre Michon ou le philosophe Alain Badiou, ne cesse de clarifier non seulement son oeuvre propre et son rapport aux poètes qui l'ont nourri (Hölderlin, Coleridge, Hopkins, La Fontaine, Verlaine, Mandelstam...) mais surtout « cette bizarre activité identifiable, qui s'appelle Poésie ». Tout au long de ces pages, la poésie est sans cesse interrogée, redéfinie de la manière la plus éclairante qui soit. Devant la richesse du contenu, on ne peut que citer ici, un peu au hasard quelques exemples de cette lucidité. Qu'il s'agisse du rythme : « Il n'y a pas de vérité indépendante du rythme. Le rythme poétique n'est pas le rythme qui décore la vérité. Non, la vérité a un rythme d'emblée. La poésie est donc l'essai pour dire le rythme de la vérité, le rythme du vrai. » ; du poète comme chercheur et de son rapport à la tradition : « L'écriture d'un coeur chercheur est une écriture moderne, nourrie d'ancienneté vivante. » ; de l'apport de Beckett à la langue française : « Lui qui était irlandais a capté du vivant dans la langue française, mieux qu'un Français moyen, ou bien en s'appuyant à l'idiome moyen. Sa condition d'étranger n'est pas la raison de la trouvaille. Ou plutôt : il a le recul polyglotte pour faire vivre une langue française à la fois hybride et expressivement fossilisée. » ; de la responsabilité du poète (ou du romancier) face à l'histoire : « On ne peut évoquer les événements historiques et les personnages de l'Histoire, on ne peut les évoquer en poème ou en poésie qu'en vertu de l'attention humiliée ou de cette exactitude qui implique d'abord la transformation de soi en personnage, y compris en personnage fusible. » ; de son prétendu hermétisme, enfin : « Le procès en hermétisme donne l'occasion de rappeler que l'abstraction n'est pas un retrait hors du monde, mais très exactement l'analyse de ses fines composantes, la tentative pour trouver le «fort balancement du vrai» déposé en lui. Ce processus a lieu dans des phrases scandées et articulées de façon suggestive et non entièrement explicite, de sorte que le lecteur soit lui-même conduit à penser le monde. » Il n'est pas plus belle façon de dire de quelle manière la poésie peut être, aujourd'hui encore, agissante.
-
« Le Chant des Sirènes attire et inquiète les hommes depuis longtemps, comme s'il mariait étrangement la Berceuse, le charme qui endort périlleusement, et le Clairon, la puissance du réveil nécessaire pour échapper au péril. Mais ce Chant est un Discours, et d'abord celui du poème d'Homère, et sa mélodie vivante et mortelle est la musique d'une promesse de savoir. Tout se passe comme si la musique conservait en sa force irrésistible et insuffisante exactement l'ambiguïté du Chant des Sirènes : tantôt elle affaiblit et apaise celui qui en subit l'effet, lui promettant l'irrespirable cohérence du Savoir Absolu, tantôt elle le renforce et le relance dans la vie qui cherche son rythme et son sens pour ne pas en finir. Le langage même, qui occulte et rappelle les séductions de sa forme pleine de signification, est ce poème chanté où les noms contractent déjà le rêve ambigu d'un son où naîtrait le sens qui se dérobe. Chaque fois que nous parlons (énonçant, nommant) et écoutons, nous rejouons la scène du Chant XII de l'Odyssée : nous nous confions aux promesses des sons que l'humanité a organisés en langues et en musiques, sans jamais savoir pourquoi elles n'en finissent pas d'attirer et de nous engager à ne pas nous y abandonner. »
-
L'Opéra Dépaysan est en déplacement. On y planche sous des rouleaux de pluie, des nuages pédagogues. L'art plusieurs aux cinq sens travaille la rhumanité. Ekphrases, les poèmes dramatiquent les liens durs entre les formes du chaos. Des efforts directionnels et bandés disent le tunnel ou labyrinthe bruyant, ruines circulaires inversées sous la scène, actions pliées, que dictent des guerres matérielles datées et les immatières du droit Les Opéradiques (Pré-danse, Musicole, Peinturage et Pagisme, impersonnages arqués) brèchent le mur qui abrite un contentieux sensible et des jugements enveloppés. Art Plusieurs est le héros discret qui tranche des dépendances à la Panthère Formante et d'impuissances au calme dormant dans la densité. Le livre est parquet-rossignol, plancher sillonné et enroué ouvrant sa trappe : le tunnel attend des lampes défleuries. Chaque forme frottée joue dans la nuit relative. La guerre au nerf optique recommence toujours, avec les ambitions. Les arts ne se donnent pas la main : l'insociable sociabilité se tend en chacun, rhybride, couvert et entouré. Par boustrophes, reptations, documents striés, échos et mots dégelés.
-
"On attend encore un poème didactique où la pensée elle-même serait et demeurerait poétique » : Philippe Beck a relevé ce défi lancé par Schiller dans son Livre sur la poésie naïve et la poésie sentimentale. Du même livre, Beck a traduit ceci: "Dans la mesure où l'intérêt pour la nature se fonde sur une idée, il ne peut se manifester que dans un esprit réceptif aux idées, c'est-à-dire dans un esprit moral. La plupart des hommes ne font qu'affecter cet intérêt, et la fréquence de cette sentimentalité à notre époque, qui s'exprime surtout par des voyages sentimentaux, des jardins du même genre, des promenades et autres engouements de la même espèce, cette fréquence, donc, ne prouve en rien la fréquence de la réceptivité à l'idée de la nature." traduit par Ph. Beck dans son poème : "Dans de la nature", Flammarion, 2003.
-
« Hélas est le discours premier du chant appelé élégie. Selon une étymologie du chant. Le pays du regret a d'abord deux syllabes mentales, qui développent le cri ou expression animale de la peine. [...] Hélas développe les promesses de la peine, avec vitalité et impersonnalité, dans le procédé du soleil ou ses procédures. »
-
La berceuse et clairon de la foule qui écrit
Philippe Beck
- Le Bruit Du Temps
- 18 Janvier 2019
- 9782358731065
Sous-titré «De la foule qui écrit», La Berceuse et le clairon est un livre riche, exigeant et érudit, qui peut se lire comme un prolongement de sa poétique propre, déjà a rmée dans Contre un Boileau qu'il a récemment publié. Mais c'est aussi un livre passionnant et important pour tous ceux (et ils sont plus nombreux qu'on ne croit) qui s'interrogent sur le devenir présent de la littérature comprise «comme un processus d'intensi cation du langage».
La question : quelle peut être la place du grand écrivain, du héraut dans un monde où chacun est autorisé à écrire, à imprimer? Le titre du livre est explicité dans l'«Avertissement» : «La multitude qui écrit est-elle un immense orchestre, et joue-t-il, se joue-t-il une berceuse tyrannique, tout le monde contribuant à son propre sommeil, au sommeil collectif peuplé de rêves, ou bien s'agit-il d'une harmonie de clairons, d'un ensemble d'avertissements vif et «cacophonique», la partition des cauchemars qui interdisent la berceuse en marquant l'absence du bonheur ?» L'ouvrage, comme l'écrit Beck lui-même, est à double entrée : il est à la fois une ré exion exigeante sur ce que signi e le désir d'expression littéraire, dans un monde où de plus en plus de personnes écrivent, rivalisent d'écriture, et une «chrestomathie», une anthologie qui convoque de nombreux auteurs, extrêmement divers, autour de ce thème. Le livre est en deux parties : la première pose le problème de la multitude littéraire en esquissant une analyse de l'élan expressif qui fonde ce que Beck appelle un «individualisme expressif». La seconde répond à la question en étudiant des postures caractéristiques d'écrivain :
oreau et Emerson, le Bartleby de Melville, le Journal de Manchette, etc.
Aussi ce livre de ré exion sur «la littérature maintenant» peut-il se lire comme une sorte de généalogie de la littérature, ou plutôt de ce qui la fonde, «le besoin d'expression». En philosophe qui n'hésite pas à remonter aux origines, avec la liberté de l'essayiste (Montaigne est souvent cité), Beck nous fait ainsi vagabonder de la préhistoire (à travers Leroi-Gourhan) jusqu'à Verlaine, Mandelstam (et son essai «De l'interlocuteur») et aux avant-gardes (qu'est-ce qu'une forme neuve?).
Il faut insister sur la singularité de cette pensée. Beck pense avec les outils de la philosophie mais il pense en poète, par images, avec une agilité qui fait penser parfois au Mandelstam de l'Entretien sur Dante. Ce sont des images intuitives qui décrivent matériellement et de manière fulgurante la poésie : «Le nerf optique est une trompette marine, dont le cordeau seul unit la main et le vent.» Et qui mêlent le plus savant au plus simple : l'ours Colargol est convoqué aussi bien que Schwitters et que Jacob Boehme ou Kant.
-
Il arrive que de la musique dicte des poèmes plutôt que l'inverse. Le dicté (le noteur) compose ce qu'il reçoit de la musique dictante, mais elle ne sait pas ce qu'elle dicte au langage sans doute, comme une Muse basculée : elle forme un ensemble chaque fois condensé d'impressions, de pensées et d'informations. Le noteur (qui essaie d'entendre le chant des Sirènes sans plonger ou s'abîmer en mer) transcrit aussi bien la densité de la musique même, qui n'est pas retirée du monde.
Chaque pièce (de Bach, Haendel, Scarlatti, Schumann, Kurtag et Alii), livrant sa matière en vrai, jouée par des interprètes-des géographes manuels- est bien, en quelque façon, une réplique au monde comme il va, et le poème dicté une réponse à la réponse, une description de description, pour ainsi dire. Dans l'intervalle de la musique au poème s'esquissent des propositions graciées, des éléments de science-fiction maintenant.
-
Pourquoi Lyre, emblème du chant qui n'est pas chanson, a-t-elle de la dureté ? Pourquoi ne pas renoncer au Sec et au Dur d'un " lyrisme critique " ? Parce que la prose du monde rudoie les formes aimées, au motif des " destructions créative ".
Mièvrerie est le nom d'une faute de rythme par quoi le piètre du monde comme il va revient dans les phrases qui nous constituent. Dur signifie donc : absolument fidèle au " Contour-quelqu'un ", à ses promesses de lignes, à son éthique future. Elle ou Relle est Eve Future maintenant, mère, pensée, Grâce plutôt que Muse, tendrement et attention, que trente-deux Lyres précisent ou accommodent, comme l'oeil avec son perspicace sensible.
-
Mémoire va à étoile de silence, y retourne, et déclenche critique dans l'impatience de présent. Ainsi en amour.
-
Ces poèmes réécrivent une partie des contes collectés et transcrits par les frères Grimm. Les poèmes proposent moins une paraphrase descriptive qu'une méditation à laquelle chacun des récits retenus l'invite et que sa mise en vers contribue largement à infléchir.
-
Iduna et Braga ; de la jeunesse
Philippe Beck
- Corti
- En Lisant En Ecrivant
- 26 Janvier 2017
- 9782714311832
Iduna et Braga. De la jeunesse » est un essai ou, pour le dire plus exactement, une tentative de faire sentir au lecteur ce que peut être la jeunesse, non seulement en s'adressant aux jeunes comme ferait un philosophe-roi, mais bien dans la manière de décrire la jeunesse même, son intensité progressive et batailleuse à même chacun. C'est le pari du livre : d'être jeune dans les mots suivis qui reconstituent la force de la vivacité et de l'effort de l'existence qui s'interdit l'usure, le désabus, la complaisante fatigue dans l'inquiétude. Mariée à l'inventeur du poème, Iduna apporte la pomme de jouvence aux dieux mortels qui risquent de vieillir. Nous (les humains reportés) sommes ces dieux usés et usants que le poème dans la langue doit réveiller aux forces non disparues de l'inquiétude pensive et de l'adresse. L'idée de la poésie, c'est l'idée d'un langage qui rajeunit à mesure qu'il pense ce qu'il dit dans le rythme d'un corps. Toutes les propositions sur la nature de la jeunesse (il y en a également, le livre s'y risque) deviennent, à mesure qu'elles se formulent, la vérification qu'être jeune, c'est éprouver la physique du poème dans la pensée. (Philippe Beck)
-
« Jamais la théorie ne fera pratiquer. » « Il y a une idée dans ce qui est fait. » Contre un Boileau refait en prose l'art poétique enveloppé dans des poèmes. C'est une théorie intérieure et exposée, « sentimentale », qui voit des possibles modernes, raccorde au battement de l'époque pour compromettre l'ordre des choses.Répondant à une « commande philosophique », j'essaie de reconstituer le procès du poème et d'articuler des notions induites avec le temps. À défaut de préceptes purs, l'élaboration de la pensée dans le vers se dramatise en idées phrasées auprès du poème. L'art poétique est un manuel où des noms sont des gestes futurs (Horace, un Boileau, La Fontaine, Kleist, Verlaine, un Ponge...) ; les citations suivies, commentées-critiquées, analysées, produisent des intervalles utiles à l'horizon du vers. Il faut dire pourquoi le vers libre a des droits au discours plutôt que le devoir de ne pas être un vers. Son utopie intéresse chacun. Ce qui vient n'a pas eu lieu.Un jansénisme expérimental suggère des interventions dans la langue parlée. La poésie, non disciplinaire, avoisine les proses circulantes, qu'elle anime et déplace. Boileau est ici le prête-nom d'un mariage de Forme et d'Intellect, qui soumet la Forme à l'Intention au nom d'une « langue révérée » : « Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement/ Et les mots pour le dire arrivent aisément. » La danse du poème serait esclave de la marche de l'idée avant l'expression. Mais l'oreille dit Non, et la gorge avec elle. Et le poème peut marcher : l'intention est dehors.
Poète, maître de conférences en philosophie à l'Université de Nantes, Philippe Beck est né à Strasbourg (Bas-Rhin) en 1963. Son oeuvre poétique a fait l'objet d'un colloque international à Cerisy-la-Salle en 2013 (Un chant objectif aujourd'hui, Corti, Paris, 2014). Dernier livre paru : Opéradiques (Flammarion, Paris, 2014). -
-
-
-
Garde-manche hypocrite est paru en 1996 aux éditions Fourbis. Il est désormais épuisé. Cette nouvelle édition, dans la collection « L'oeil du poète » aux éditions Textuel résulte de deux désirs : celui, d'une part, de Christophe Marchand-Kiss, d'accueillir pour la première fois un poète français contemporain, après d'autres, étrangers, tels Augustin Goytisolo, Eduardo Sanguinetti, Volker Braun, Oskar Pastior ou Durs Grünbein ; et d'autre part, de celui de Philippe Beck, de proposer une nouvelle « mouture » de Garde-manche qui, en son temps, fut salué pour ce qu'il est : une oeuvre novatrice quant à son propos, son vers et ses rythmes.
Cette nouvelle version n'est pas une correction, mais un nouveau livre.
Le second texte ne se substitue pas au premier, il s'y superpose. Des passages sont remplacés par d'autres : ce n'est que pour rendre clair le poème. Le vocabulaire est plus direct. Le tout est plus concis, ramassé, comme le vers, ce qui n'est pas sans rappeler des travaux récents de Philippe Beck (Aux rencensions, Poèmes didactiques).
Garde-manche deux, dans sa nouvelle version, est, comme le dit l'auteur dans son avertissement, la tentative de « jeter une arche depuis le premier temps d'un travail jusqu'à aujourd'hui, par le moyen d'une révision profonde ».
Arche qui nourrit la « conversation » entre deux textes, désormais différents.
-
" Voici des vagues, et dessus des bras de danseuse indienne, sous le vent. " Arpentant l'Estuaire de Nantes à l'Atlantique, un Noteur voit et regarde des mouvements d'eau, et le profil des rives. Des poèmes en prose, surtout, sont le résultat d'un exercice d'observation. Loire est le fleuve libre que l'action des hommes ne peut absolument soumettre. Il est comme une aile sur un corps dépendant, le corps de villes et d'industries liées, qui s'arrêtent au bord. Au bord de quoi ? D'une corde d'eau, rythmique, historiée, impliquant des faits et gestes. Le silence de la nature ne peut non plus les réduire ou les comprendre absolument. Toutes les beautés reconduisent à ce qui les a faites difficiles, sinon inaccessibles et fuyantes. Loire est un lieu profane, disponible, et elle commande bien plus que des exercices de contemplation. Elle vaut pour la Nature, sans doute, en tant que la Nature n'est pas seule. P.B.
-
Poésies premières réunit trois livres fondateurs de Philippe Beck : Chambre à roman fusible (initialement paru chez Al Dante en 1997), Rude merveilleux (Al Dante, 1998) et Inciseiv (paru aux éditions MeMo en 2000). Ressaisis dans leur déroulement chronologique, ils illustrent parfaitement les origines, la logique et la vitesse du parcours poétique de Beck : en peu d'années, la transition est en effet fulgurante et la revendication du vers comme « horizon de la poésie » est déjà perceptible dans Inciseiv, livre contemporain de Dernière mode familiale.
Le public d'aujourd'hui pourra désormais découvrir - ou relire - le travail déroutant sur la syntaxe et les énoncés qui avaient frappé les premiers lecteurs de Beck, sa thématique ancrée dans l'époque, son humour grinçant, la beauté énigmatique de nombre de ces pages, notamment dans les poèmes lapidaires de Rude merveilleux.
Dans une importante Postface, l'auteur revient sur l'évolution de sa poétique et les sources de ses premiers écrits. Mais ce texte déborde largement le plaidoyer personnel et propose une réflexion prosodique de premier plan, qui veut imaginer la poursuite de la poésie dans le monde d'ici.
-
Auto-empathie ; l'art de se connecter à soi-même
Philippe Beck
- Jouvence
- 5 Février 2016
- 9782889116621
Apprendre à s'écouter avec bienveillance et acuité : le temps fort de la communication !
-
La berceuse et le clairon ; essai sur la multitude littéraire
Philippe Beck
- Le Bruit Du Temps
- 26 Juillet 2016
- 9782358730518
-
Un Journal n'est pas ce qui s'appelle un journal intime.
C'est le cahier impersonnel et singulier d'un poète qui fait des confidences générales. Dans la difficulté, comme un Merlin après le départ de Viviane, il trouve une continuité, une suite musicale de pensées.
Sous la cloche de verre, ou prison d'air enchantée, il regarde intensément le monde et ses rudesses ambiguës, ses oeuvres. Il écrit des lettres ouvertes. Et le journal se change en lieu de rendez-vous. C'est une bande de liberté peuplée de gens aimés et de passants considérables. On y voit Joubert, Cyrano, Thoreau, Arendt, Benjamin, Maurice Leenhardt, Etty Hillesum et Lucile Desmoulin, Tchekhov, Akhmatova, Tristan, Haydn ou Bergman, Dreyer, Ninon de Lenclos et Renoir... D'autres aussi, Turner, John Ford, Matisse, Lipavski sortent de chez eux. Ils sont les noms de rêves éveillés, de gestes purs qui délivrent des leçons ou quasi-sermons. Le Journal se fait table d'hôte publique pour changer les dispositions d'un monde. Bien des thèmes y sont évoqués : lumière, sommeil, attente, oubli, génie, coeur parlant, silence, politique, amour et travail, sincérité, mièvrerie, démasque... Et la prose est gagnée par le rythme de la force de contacter, qui s'appelle poésie.
-