De "proximité") s'impose alors pour longtemps dans l'espace parisien. En jouant sur les échelles et les angles d'observation, cet ouvrage entend étudier les mutations d'une relation police-société dans la seconde moitié du XIXe siècle.
Entre 1854 et 1914, le sergent de ville, devenu gardien de la paix, s'intègre progressivement dans l'espace social, politique et mental parisien, sans que cela implique bien sûr la fin des confrontations ni celle des débats.
S'observe en même temps la lente professionnalisation d'une nouvelle force de police, la mise en place d'un ordre public d'un nouveau type, plus intégré, mais qui produit de nouvelles résistances et mises à l'écart, ainsi que l'émergence d'une perception nouvelle du "quotidien urbain" et de la peur des "apaches".
Ce processus concerne peut-être l'ensemble du territoire français, mais il semble trouver une expression particulière, dans ses formes comme dans son intensité, dans la capitale. Le gardien de la paix parisien devient en effet dans la République des années 1900 un symbole, à l'échelle française et internationale, de ce qui est perçu comme une nouvelle et ambiguë "civilisation urbaine".
Que se passe-t-il lorsque, en situation de guerre civile, au coeur du familier, s'évanouit la familiarité ? Dans une maison pleine d'ennemis, en ce point zéro du politique où la discrimination entre l'ami et l'ennemi n'a plus nulle évidence ?
Cet ouvrage interdisciplinaire, en examinant plusieurs situations de guerre civile allant du XVIe siècle à nos jours, de la France à la Chine en passant par l'Algérie, entend ainsi interroger ce qu'il advient quand le voisin peut vous égorger, le boucher vous empoisonner, votre accent vous trahir, le fils dénoncer et la rue, naguère familière, se faire guet-apens : « Car en matière de guerres intestines, écrit Montaigne au XVIe siècle, votre valet peut être du parti que vous craignez. » Dans cet univers chaotique, l'espace, mais aussi la langue, les amis, les objets - le sens commun en un mot -, se dérobent, cessent d'être immédiatement appropriables, et nécessitent d'être constamment redéfinis. À l'inverse, le fonctionnement social en « période normale » se caractérise par un haut degré d'implicite. Une part essentielle des règles, des conduites à tenir, des préséances à respecter, des itinéraires à emprunter, le sens des mots, leur prononciation, les identités à reconnaître, tout cela va de soi ou, mieux, indiffère. Ce qu'il faut faire, ou dire, n'a, dans le cours ordinaire de l'existence, nul besoin d'être affiché, mais se joue le plus souvent en silence, dans les ajustements tacites que l'habitus ou le « sens commun » permettent d'opérer.
C'est ce sens commun ordinaire du cours des choses, qui n'est certes pas sans conflits, que la guerre civile, en déchirant le partage entre implicite et exigence d'explicitation, vient révéler dans sa profondeur. En ce sens, cet ouvrage propose non seulement un mode d'enquête sur l'expérience intime et sociale de la guerre civile, avec sa désagrégation et ses réajustements imposés, mais il offre aussi une réflexion sur la manière dont les ordres sociaux pénètrent et organisent la toile ordinaire des existences, autrement dit sur la manière dont le social fait corps, résiste, ou cède.
Préface de Patrick Boucheron et postface de Gilles Dorronsoro :
Contributions de Michael J. Braddick, Thomas Chopard, Élisabeth Claverie, Quentin Deluermoz, Jérémie Ferrer-Bartomeu, Jérémie Foa, Laurent Gayer, Aïda Kanafani-Zahar, Nida Kirmani, Jean-Clément Martin, Tobie Meyer-Fong, Malika Rahal, Stellio Rolland, Mercedes Yusta Rodrigo et Sophie Wahnich.
Tout au long du XIXe siècle, la France a vécu au rythme des insurrections. Qu'elles aient été transformées en révolutions ou qu'elles aient été éteintes, réprimées, trahies, les insurrections ont modelé le rapport à l'histoire en train de s'écrire. Ce livre se propose de reprendre à nouveaux frais une double question dont les enjeux sont profonds : ce que l'insurrection, temps d'ouverture des possibles, espérés ou craints, fait à l'écriture et à la littérature ; ce que la littérature, ses auteurs, ses topiques, fait dans le temps insurrectionnel. Comment les moments insurrectionnels ont-ils redéfini la fonction et le statut d'écrivains comme Jules Vallès, Eugène Sue et Louise Michel, d'un genre comme les mémoires de protagonistes de l'insurrection, d'un médium comme l'affiche ? Comment les discours littéraire et historien travaillent-ils l'insurrection, pendant et après l'évènement, au moyen de quelles mises en intrigue, de quelles mises en forme particulières et avec quelle efficacité ? Quelles rencontres peut-on observer, par exemple, entre le Dumas des journaux de 1848, le Hugo des Misérables et le Michelet de l'Histoire de la révolution française ? Quel sens, enfin, donner aux prises d'écriture anonymes, par lesquelles les acteurs tentent de s'inscrire dans l'histoire ? Historiens et littéraires, à parts égales, ont été invités à répondre à ces questions. Partant de cas d'études qui empruntent tant à la Grande révolution de 1789-1794 qu'aux insurrections de 1848 et à la Commune de Paris, les articles qui composent cet ouvrage montrent qu'il existe bien à cette époque un lien fort entre littérature et insurrection qui doit être repensé.