Retraçant les vies passées et présentes des habitants d'un immeuble du Xe arrondissement de Paris, Ruth Zylberman livre un magnifique récit. Là se sont succédé, depuis les années 1850 jusqu'à nos jours, des générations d'habitants. Là, l'ordinaire du quotidien a côtoyé l'extraordinaire du fait divers et des violences de l'Histoire. Ruth Zylberman propose une réflexion bouleversante sur les traces du passé, les lieux où se loge la mémoire, et le lien invisible entre les vivants et les morts. Car cette autobiographie d'un immeuble est aussi une forme d'écriture de soi.
« Lui qui n'avait jusqu'ici été qu'une ombre morte, il avait été vivant, la lettre nous le disait, il l'était peut-être encore. Cette certitude transfigurait la maison de banlieue. Le salon était envahi par une présence qui occupait les lieux : derrière nos fauteuils, à côté de nos corps et nos visages, près du visage douloureux de Pesia, des mains inquiètes de maman, près de nos pieds, ceux de Judith et les miens, bien calés sur le sol, Ovadia avait bondi hors de sa relégation, il avait parcouru les lieux et les années, il avait traversé les frontières - mi-fantôme, mi-homme -, il avait bouleversé les successions normales du temps et de la mémoire, pour nous apparaître (et cette apparition c'était un tourbillon, du sang neuf) en instance de rapatriement. »