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Seung u Lee
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Énigmatique et pénétrante, l'atmosphère de La vie rêvée des plantes irradie d'un mélange déroutant d'infinie délicatesse et de violence extrême. Comme dans le jeune cinéma coréen, l'audace narrative l'emporte et nous prend à la gorge.
Contraint d'espionner sa propre mère pour un mystérieux commanditaire, Kihyon est confronté à d'obscurs secrets de famille. Par tous les moyens, il tente de réparer les blessures du passé, entre une mère au comportement étrange, un père réfugié dans la culture des plantes et un grand frère adoré et haï, amputé des deux jambes à l'armée. La folle passion de Kihyon pour l'ancienne petite amie de son frère n'arrange en rien la situation. Dès lors, sa confession, lourde de silence et de résignation, de culpabilité et d'espoir insensé, nous plonge dans les formes les plus crues et les plus élevées de l'amour.
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«Sori, c'est un marécage. Plus on essaie d'en sortir, plus on s'enfonce.» Yu aurait dû écouter les présages de sa mère, l'ultimatum de sa femme et ne pas accepter cette mutation dans la ville de Sori. Car le voici bientôt pris en chasse par les habitants, sans portefeuille ni interlocuteur professionnel, emporté dans une aventure en spirale digne des pires cauchemars. D'autant qu'une étrange lumière flotte parfois, comme une autre menace, sur les sommets du Sosan-bong.
Sous le double patronage de Kafka et de Camus, Lee Seung-U nous offre le roman d'une initiation à l'envers, entre enlisement et noyade, où il s'agit de désapprendre tout de soi et des autres. Après La vie rêvée des plantes, il démontre un talent et une originalité uniques dans la littérature coréenne contemporaine.
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L'histoire se déroule au monastère Cheonsan. Un lieu saint orné de magnifiques écritures murales, mais aussi le lieu d'événements tragiques. Le Chant de la terre est un roman gigogne. Les récits de cinq narrateurs se superposent et s'emboîtent pour livrer la clef de l'intrigue : percer le secret des écritures et faire la lumière sur le massacre de leurs dépositaires, les moines. Comme le disait Tolstoï dans Qu'est-ce que la religion ?, l'irrationnel, l'imprévisible, l'indescriptible, sont les causes qui poussent l'homme à agir au-delà de son entendement.
Chez LEE Seung-U, cette présence invisible s'appelle Dieu. Sur le mode d'une " enquête " qui a pour coeur le monastère, LEE fait se questionner le lecteur sur la place de Dieu, en articulant le mystère du salut Divin et les causes profondes qui animent la psychologie humaine (culpabilité, désir). D'une certaine façon, on peut dire que LEE examine la présence invisible de Dieu dans le monde moderne.
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Je suis arrivé dans cette ville de trente mille habitants à proximité de la ligne de démarcation entre le Sud et le Nord en plein milieu de la nuit. C'était la dernière rotation de l'autocar. Il avait dû déjà faire plusieurs navettes dans la journée tant il avait l'air d'un chameau fatigué, le chauffeur figurant sa bosse. Dans la cabine surchauffée, rôdait un mélange fétide d'odeurs diverses et variées. Nous étions six passagers dont quatre militaires de grades différents. Ces derniers, à voir leur triste mine, devaient regagner leur caserne en fin de permission. Aussitôt monté à bord, le caporal avait incliné le dossier de son siège et fermé les yeux tandis qu'un deuxième classe tirait du pain d'un sachet de cellophane qui bruissait sous ses doigts. Les deux autres fixaient l'obscurité à travers la vitre. Que pouvaient-ils bien apercevoir dans le noir ? Que voyaientils ? Parvenaient-ils seulement à identifier quelque chose ? Je ne doute pas qu'il y ait des choses intéressantes à voir dans l'obscurité. Le monde des ténèbres recèle des trésors cachés. Et s'il est obscur, c'est justement pour mieux les préserver. Mais leurs yeux semblaient ne fixer rien de précis. L'expression morose et butée que je lisais sur leur visage éveillait en moi une certaine inquiétude puisque je venais de m'embarquer pour la même destination.
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Pak Pukil, le héros de ce roman d'apprentissage, doit faire front, dès l'enfance, à une réalité sociale qu'il ne comprend pas.
D'autant que les adultes de son entourage ne lui facilitent pas la tâche. La tyrannie de l'oncle qui l'élève, la folie de son père, le départ de sa mère et son remariage, le mensonge omniprésent le déroutent et le blessent. Contraint de tout découvrir par lui-même, il tente d'échapper à sa tragique solitude par l'amour d'une femme et des études de théologie. Mais y a-t-il un Dieu en ce bas monde, et la vie sordide à laquelle il est confronté apprend-elle à aimer ? Dans un roman très personnel, à la construction savante et virtuose, Lee Seung-U pose les questions fondamentales de la liberté, du destin, du salut.
Il explore la vie intérieure, le drame de l'introversion, mais aussi celui de la création en cultivant le doute et l'inquiétude. Dans le paysage littéraire de la Corée d'aujourd'hui, il fait figure d'auteur unique en son genre et de tout premier plan.
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Il y a Pip le vieil homme bourru, épris de Moby Dick, qui a succombé au chant des Sirènes, il y a Tanaël, missionnaire qui n'a jamais converti personne, soupçonné du meurtre de sa compagne, et Jungsu qui ne parvient pas à éliminer la sirène d'alarme qui se déclenche dans sa tête. Tous trois se retrouvent à Cantant, un village perdu dans lequel une fois l'an, un étrange rite est le clou de la fête. Après Le Chant de la terre, Lee Seung- et son huitième titre en français nous plongent dans un drame dont l'auteur a le secret. Avec ce huis-clos où chaque personnage se heurte à son passé « cette bête féroce », Lee Seung-u montre une fois encore son habileté à traquer les lacis de la conscience humaine.
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Sous un banal prétexte, un homme revient dans l'appartement qu'il a partagé avec une jeune veuve rencontrée au cours d'un voyage d'affaires au Mexique. Mal marié, la trentaine bien avancée, d'une situation honorable quoique menacée, il part à la recherche de souvenirs que sa mauvaise conscience a relégués dans le marais de sa mémoire.
Soucieux de respectabilité, conscient de son âge, il s'interroge sur ses sentiments : pourquoi, lui, ne peut-il être heureux comme ces jeunes Mexicains qui s'embrassent et s'enlacent si librement sur la plage ? Pourquoi ce paradis lui est-il refusé ?
Roman profondément lyrique, où les thèmes de l'amour, du bonheur et de la mort sont magnifiés par l'évocation de la mythologie maya et l'image sublimée de la clarté de la lune sur la mer. L'eau, matrice et menace, est partout présente. Aux Caraïbes comme dans la baignoire qui trône dans la chambre de la jeune femme.
Roman d'une étonnante modernité, beau et mélancolique.
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Mystérieusement disparu, le journal intime de Changki refait surface le jour où ce dernier est appelé à l'hôpital au chevet de son cousin. Lui est devenu écrivain, l'autre pas, au prix, chacun, de cruelles déconvenues. Entre un petit frère autiste et des parents absents, une jeune femme est prise comme dans un étau. Expulsé de son foyer conjugal par son beau-père, Seon-ho se réfugie chez une ancienne amante elle-même en exil.
Les personnages de Lee Seung-U vivent tous des situations à la fois rocambolesques et tragiques. À la limite de l'absurde. Acculés à la dépossession de leurs biens et à l'exil, ils se trouvent mis à mal par des cascades de mauvais coups. Famille, couple, individu même ne s'en remettent pas.
Face à un licenciement, une rupture, une disparition, à toutes les misères humaines, il n'y aurait de salut, alors, que dans l'acte d'écrire. Cette tentative de compréhension de la trajectoire de toute vie nous dit pourquoi notre présent est parfois si éloigné de notre point de départ ou de la vie rêvée.