C'est l'une des lettres les plus célèbres de toute la tradition épistolaire occidentale. L'une des plus belles, l'une des plus essentielles aussi. On y a vu l'invention du paysage. Pétrarque, poète et ecclésiastique à la cour papale, a trente-deux ans en 1336 lorsqu'il rédige cette lettre à l'attention de son confesseur. Cela fait plus de dix ans qu'il vit à Avignon et que Laure l'a éconduit. Le mont Ventoux appartient au spectacle naturel de la région à laquelle Pétrarque est si attaché depuis son enfance. Pic d'une crise spirituelle, le récit de son ascension est celui d'une formidable expérience dont il découvre la portée allégorique. L'Ascension du mont Ventoux marque une conversion, la réconciliation de Pétrarque avec l'ordre du monde et la splendeur de Dieu.
Dans «Sur sa propre ignorance et celle de beaucoup d'autres», Pétrarque (1304-1374) nous propore, dans un style très vivant et avec une ironie souvent mordante, une excellente synthèse des idées auxquelles il tient de manière intransigeante : défense de l'Antiquité classique, exaltation de la poésie et de l'éloquence, primauté de la philosophie morale, rôle de la piété comme vraie sagesse. À une époque qui est encore, chronologiquement, le Moyen Âge, Pétrarque formule le premier des idées qui seront celles de l'humanisme naissant.
Pour Augustin, comme pour Cicéron ou Sénèque, l'homme était d'abord un malade qui doit chercher un remède à ses souffrances, dans la sagesse ou la soumission à la grâce divine. Pétrarque soutient, lui, une autre conception, celle d'un poète pour qui la souffrance elle-même peut être une source de joie : « Mille plaisirs ne valent pas une douleur. » Comme l'amour de Laure, la douleur fait partie de l'expérience intérieure de Pétrarque qui en proclame la légitimité et la valeur. « Je ne peux freiner mon désir, finit-il par répondre aux objurgations du saint. » «Mon secret» n'est pas seulement la clé du «Canzoniere» et un classique de l'anthropologie de la Renaissance, c'est aussi un des plus beaux textes jamais consacrés à l'amour, à la douleur et à la poésie.
« Peut-être aurez-vous entendu parler de moi, même si je doute qu'un nom aussi mince, aussi obscur, voyage loin dans l'espace et le temps. » C'est ainsi que Pétrarque s'adresse à la postérité dans sa dernière Lettre de la vieillesse. Sept siècles après, son oeuvre connaît un regain d'intérêt considérable. C'est ainsi qu'ont été publiées récemment l'intégralité des Lettres familières (6 vol., 2002-2015) et des Lettres de la vieillesse (5 vol., à la traduction desquels a participé Antoine de Rosny, 2002-2013). Quant au fameux Canzoniere, plusieurs traductions en été données aux Belles Lettres (2009) ou chez Gallimard (2018).
L'oeuvre de Pétrarque est l'une des plus vastes de la Renaissance italienne. On connaît le poète amoureux, mais on ignore le moraliste ; on connaît l'écrivain italien, mais on oublie l'oeuvre latine ; on prend pour argent comptant le mythe qu'il s'est luimême construit (très moderne en cela !) et on néglige les textes. En réalité, a-t-il bien effectué l'ascension du mont Ventoux en compagnie de son frère Gérard ?
Est-ce bien en l'église Sainte-Claire d'Avignon qu'il a eu la vision merveilleuse de Laure de Noves ? A-t-il vraiment reçu la couronne de lauriers sur le Capitole ?
Nulle vérité définitive chez Pétrarque, qui retouche inlassablement ses oeuvres, à la manière du Montaigne des Essais. Son existence entière est placée sous le signe de l'exil et de l'errance. Pas d'écrivain plus cosmopolite que lui. Pas d'écrivain plus tourmenté par un amour impossible.
Les fragments ici présentés permettent de restituer l'unité de cet ensemble indissociable :
Traités, pamphlets, dialogues, poèmes et lettres.
Dans ce traité latin écrit en 1346 à vaucluse et traduit pour la première fois en français, pétrarque évoque les vertus morales et les joies de la retraite.
Pour lui, vaucluse est le symbole discret de la liberté spirituelle, d'un otium consacré à la méditation, à l'étude et à l'écriture. la vie solitaire, loin de toute mouvance urbaine, fait connaître les délices d'un temps immobile, d'un temps suspendu. sorte de présent éternel. avant d'être un pur éloge de la retraite, ce traité est un éloge de la fuite et de l'exception.
Après Dante et Boccace, Pétrarque rejoint la Collection Diane de Selliers !
Première star internationale de la littérature, érudit voyageur et père de l'humanisme, Pétrarque (1304-1374) est surtout le premier poète de l'intime. Son influence sur la poésie européenne est immense.
Les Triomphes forment un long poème allégorique d'inspiration antique, dans lequel Pétrarque chante son amour pour Laure et la douleur d'aimer tout en convoquant de nombreuses figures historiques, mythologiques et religieuses. Cette édition bilingue français-italien reproduit la traduction inédite, vivante et poétique de Jean-Yves Masson.
Le vitrail comme vous ne l'avez jamais vu : les 130 illustrations, éclatantes, ont été traitées de façon résolument moderne et graphique, avec de nombreux recadrages de détails. L'ensemble témoigne de la vivacité et de la singularité du patrimoine français du XVIe siècle. 95% des oeuvres reproduites ont fait l'objet d'une campagne photographique spécifique, réalisée grâce à une technologie de pointe utilisant notamment des drones. Le département de l'Aube abrite de très nombreux vitraux, dont la baie d'Ervy-le-Châtel, unique vitrail au monde illustrant Les Triomphes de Pétrarque et dont la restauration vient d'être achevée.
La collaboration d'experts de l'histoire de l'art, de la poésie et du vitrail : Paule Amblard, historienne de l'art spécialisée dans l'art et la symbolique du Moyen-Âge, Jean-Yves Masson, traducteur, poète et professeur de littérature comparée à la Sorbonne, Flavie Vincent-Petit, restauratrice et créatrice de vitraux.
Une rencontre qui allie plaisir des yeux, du coeur et de l'esprit !
Partant de promenades faites dans son esprit et parmi ses lectures, dans une solitude qui, pour écartée qu'elle soit, est peuplée de livres et d'amis, le poète suit un programme très nettement dessiné, et mène, contre les passions et les préoccupations des villes - y compris l'Avignon de la cour pontificale, qu'il détestait - un combat en faveur de la tranquillité d'une vie solitaire et rustique - comme celle qu'offre sa maison de Vaucluse, ou celle encore de son frère chartreux - qui n'aurait rien des inconvénients de la véritable campagne. Ce que nous offre Pétrarque dans ces pages est plutôt oeuvre que vie : un traité bâti sur une série d'antithèses et étayé par un recueil d'exemples où Adam côtoie Cicéron, et les Brahmanes Augustin, témoins historiques, exotiques et philosophiques d'une vérité encore actuelle.
Un recueil de remèdes très courts pour chaque malheur comme pour chaque bonheur qui pourrait te nuire, et pour chaque coup de l'une et l'autre fortune, à la manière d'un antidote efficace contre une maladie à double effet, tout cela rassemblé par un ami sous un petit volume, pour que tu l'aies partout et toujours sous la main.
Pétrarque.
Demander à la philosophie les armes dont elle dispose pour résister à la chance comme à la malchance : c'est dans ce but que pétrarque rédigea ce texte, vers 1366. le succès fut énorme, dès sa parution ; l'original latin connut jusqu'à vingt-huit éditions entre le xve et le xviiie siècle, et les remèdes de pétrarque, contre la bonne et la mauvaise fortune, devinrent immédiatement célèbres dans toute l'europe.
Ce n'est pas faire tort au Canzoniere, le joyau poétique en langue vulgaire, que de penser que l'événement du septième centenaire de Pétrarque aura été la redécouverte de son oeuvre latine, vaste archipel qui, outre les Églogues, les Épîtres et le poème épique de l'Africa, beau comme du marbre, enferme encore l'oeuvre historique, l'oeuvre philosophique et un ensemble de quelques cinq mille lettres. Et il n'est peut-être pas exagéré de voir le chef-d'oeuvre du Pétrarque humaniste dans ce dernier et grandiose corpus, auquel il travailla jusqu'aux derniers mois de sa vie et qui peut être lu aussi bien comme une autobiographie idéale du poète et un commentaire illuminant le reste de son oeuvre que comme un témoignage de première main sur son époque et comme l'inventaire des découvertes philologiques qui ont donné le branle à une véritable révolution culturelle. Mais même si ce n'était pas le chef-d'oeuvre de l'oeuvre latine, c'en serait en tous cas la partie la plus attachante, puisqu'elle répond à la question posée par le chantre de Laure au début de la Lettre à la Postérité : « Tu désireras peut-être savoir quel homme je fus ».
Jusqu'à ce jour, les trois invectives (Contre un homme de haut rang et de petite vertu. Contre un médecin. Contre celui qui maudit l'Italie, ou France-Italie) n'ont jamais été traduites en français. La difficulté d'accès aux écrits latins de l'auteur n'est pas la seule raison de ce désintérêt ; sans doute suscitaient-elles l'étonnement ou choquaient-elles. Les textes de Pétrarque sont bien éloignés de la poésie amoureuse, de l'élégance, de l'érudition et de la haute portée morale de sa correspondance : les images sont crues, les propos souvent grossiers, les attaques partisanes et excessives. Mais peut-on répondre autrement à des critiques, lorsque celles-ci viennent remettre en cause des convictions profondes et une attitude quasi militante face à l'existence ? Il faut croire que l'enjeu sous-jacent de ces controverses est d'importance pour faire perdre ainsi son habituelle mesure à un homme qui aime à se distinguer du vulgaire. Ces trois textes présentent un intérêt majeur, celui de nous dévoiler l'homme plus que l'écrivain. Ce n'est pas un hasard si aucun des détracteurs n'est désigné nommément; le vrai sujet de ces invectives c'est Pétrarque aux prises avec un exercice nouveau : la défense de soi, l'autojustification.
Apparu à peine un siècle après le début des premières compositions en langue vulgaire, le Canzoniere de Pétrarque (1304-1374) devait dominer la scène poétique européenne tout entière pendant près de cinq siècles. Cette édition propose une traduction poétique complète du texte de Pétrarque, accompagnée d'une annotation riche et solide, qui n'a aucun équivalent dans la production française. L'ensemble est complété par une préface et par un lexique poétique des principaux mots du vocabulaire utilisé par Pétrarque.
Mais ce qui fait en grande partie l'intérêt de cette édition, c'est son texte italien. On pourrait, en effet, croire que ce texte est établi une fois pour toutes, depuis tant d'années que poètes et littérateurs le lisent et l'étudient. Il n'en est rien ! Non seulement, le texte généralement édité depuis l'édition Aldine ne repose pas sur le manuscrit autographe de Pétrarque, mais même depuis la découverte de ce manuscrit par Pierre de Nolhac (en 1891) le témoignage n'en a jamais été pleinement exploité. Avec près de 5 500 différences par rapport aux éditions antérieures (dont quantité d'indices et d'indications de la part de Pétrarque sur la musique de sa poésie), ce texte, fruit de la recherche pendant plus de vingt ans de Giuseppe Savoca, constitue un apport incomparable aux études pétrarchistes et marque un moment essentiel dans la publication de l'oeuvre de Pétrarque (après les deux correspondances et avant les Triunfi).
Après les chants I à V, publiés en 2006, Pierre Laurens nous donne dans ce tome II les quatre derniers chants (VI-IX) de l'Africa, le chef-d'oeuvre poétique de Pétrarque.
Comme dans le tome précédent, l'édition est fondée sur le Laurentianus Acquisti et Doni 441, copie directe de l'autographe, qui, avec les annotations personnelles du poète devient pour la première fois la base d'une édition moderne.
Le choix de la traduction rythmée est conforme à l'objectif initial de restaurer l'épopée en tant que grand texte poétique, les notes éclairent sources et allusions et commentent, en suivant l'apparat pas à pas, les repentirs de la rédaction.
Un court avertissement met en valeur les beautés (ainsi les fameuses plaintes de Magon à la fin du chant VI) qui scandent la deuxième partie du récit, depuis le rappel d'Hannibal et l'affrontement des deux armées à Zama jusqu'au retour de la flotte romaine et au double couronnement du chef et du poète (Ennius) témoin et chantre de ses actions ; surtout il relève l'importance des discours auxquels est confiée l'interprétation des événements et le sens profond de l'épopée : telle, au chant VIII, la fameuse collatio ducum, où la figure de Scipion, sublimée, est mise loin au-dessus d'Alexandre, le héros célébré par Geoffroy de Chatillon, et plus encore, au chant VII, prélude à l'affrontement décisif entre le Bien et la Mal, la Vertu et la Fraude, la promesse qu'au peuple vainqueur reviendra l'empire du monde, accompagnée de cette révélation stupéfiante que le siège de l'Empire sera le siège du dieu suprême, une fois accompli le mystère de l'Incarnation.
Le traité du Repos religieux complète celui de la Vie solitaire, rédigé un an auparavant (1346), ou plutôt lui donne rétrospectivement l'assise d'une réflexion sur les notions de loisir, de vacance et de repos, nécessaires à la fondation d'une vie qui soit réellement la vie et ne se perde pas dans le faux prestige des activités extérieures.
Comme le livre précédent, il entend poser une question à la fois très simple et très vertigineuse : comment vivre ? Quelle forme donner à la vie ? Pour y répondre, ce traité rempli d'exhortations, d'adresses à soi-même, d'invectives, où bien des tons et des paysages intérieurs se succèdent, nous livre une méditation persévérante, rythmée, forcenée parfois, sur le célèbre verset du Psaume 45, " Vaquez et voyez que je suis Dieu " : notre fin la plus haute, c'est la vacance et le repos, l'otium.
Otium pourrait tout autant se traduire par " liberté ", sur laquelle notre époque aurait aussi à méditer.
Quelle lecture même un ami pourra-t-il bien faire de ces pages qui vont dans tant de directions qu'il leur arrive de s'opposer? Il y faut presque un autre soi-même,...
Car on n'y verra pas un seul ton, une seule volonté orientant l'écriture : le sentiment qui les a dictées, c'est celui d'un esprit dont les variations épousaient celles des choses, - joyeux de loin en loin, et triste souvent. ( ... ) Sache que je ne pourrai mettre fin à cet ouvrage qu'au moment où tu apprendras que je me suis acquitté avec la mort des peines de la vie. En attendant, je poursuivrai le chemin que j'ai pris, et la route ne s'achèvera pour moi qu'avec la fin du jour.
Il n'est pas exagéré de dire que la correspondance latine de Pétrarque avant tout les vingt-quatre livres des Lettres familières et les dix-huit livres des Lettres de la vieillesse constitue le chef-d'oeuvre du Pétrarque humaniste: réunissant, au sein même de l'immense oeuvre latine, un grandiose corpus auquel l'écrivain travailla jusqu'aux derniers mois de sa vie, elle peut être lue aussi bien comme une autobiographie idéale du poète et un commentaire illuminant le reste de l'oeuvre que comme un miroir de l'histoire du Trecento et comme l'inventaire des grandes découvertes philologiques qui, comme on sait, renouvelèrent la culture, la conjuguèrent à l'esprit de l'âge classique, l'imprégnèrent de toutes les inquiétudes de l'humanitas et la proposèrent comme la base même de la sensibilité occidentale.On sait que, paradoxalement et alors même que la philologie pétrarquienne parvenait à un niveau d'excellence quasiment vertigineux, l'édition européenne, malgré plusieurs contributions majeures apparues au fil du xxe siècle celles de Vittorio Rossi et Umberto Bosco pour les Lettres Familières, de Nicola Festa pour l'Africa, de Giuseppe Billanovich pour les Rerum memorandarum libri, de Guido Martellotti pour la première partie de De viris s'était montrée réticente à s'engager à fond dans la publication, autre que sporadique, du Pétrarque latin. L'approche du septième centenaire de la naissance du poète, en suscitant en Italie pour 2004 un nouvel et ambitieux élan, piloté par Michele Feo, en vue de l'édition nationale de l'oeuvre intégrale, devrait aider à combler définitivement cette lacune. Reste qu'engagée dans un esprit de collaboration fraternelle avec nos amis italiens la présente édition bilingue constitue un événement éditorial de première grandeur.Ce sera en effet la première fois que les Lettres de Pétrarque sont mises à la disposition du public français dans leur intégralité, lisibles d'un bout à l'autre à la fois dans le texte et dans une excellente traduction benemeritus de l'oeuvre de Pétrarque, Victor Develay à la fin du xixe siècle n'avait donné que des choix de lettres c'est la première fois aussi qu'un ample commentaire historique et érudit, éclipsant de loin et périmant les notes de Fracassetti (1865-1868), orientera le lecteur tant dans la saisie globale du complexe iter culturel et spirituel du poète que, livre après livre et lettre après lettre, dans la compréhension ponctuelle d'un texte toujours riche et passionnant. Enfin, c'est la première fois que le travail d'édition critique, déjà accompli pour les Lettres familières par Vittorio Rossi, sera étendu aux Lettres de la vieillesse.Redevables pour la traduction française des Familiares à la patience, à la compétence et au goût d'André Longpré, nous avons confié celle des Seniles à un groupe de jeunes et ardents chercheurs formés en Sorbonne Ugo Dotti, un des meilleurs connaisseurs de la personnalité et de l'oeuvre de Pétrarque, nous a fait l'honneur de nous donner pour les unes comme pour les autres le commentaire monumental qu'on lira dans la traduction française de Christophe Carraud et de Franck La Brasca. C'est Elvira Nota qui nous offre livre par livre, avec le texte critique des Seniles, les précieuses notes critiques relatives aux textes " pré-canoniques ".Ayant livré en guise de prémices ces sept premiers livres des Lettres familières, nous poursuivrons parallèlement l'édition des deux grands ensembles du corpus en gardant les yeux fixés sur 2004, espérant même pouvoir, chemin faisant, adjoindre, en Appendice au corps principal, les dix-neuf Sine nomine dans le texte critique de Paul Piur et, avec un texte critique établi par Elvira Nota, les " Lettere disperse ", exclues du corpus et vulgarisées par une récente édition.Ainsi Les Belles Lettres et la collection des " Classiques de l'Humanisme " espèrent-elles prendre leur part de la célébration d'une oeuvre à laquelle notre pays, depuis Pierre de Nolhac, ne s'est jamais senti ni voulu étranger.Pierre Laurens
Faisant suite à la publication des huit premiers volumes de la Correspondance de Pétrarque, l'Africa est l'épopée (inachevée comme l'Enéide), en hexamètres latins et en neuf chants, qui valut au jeune Pétrarque de recevoir le laurier poétique sur le Capitole en 1341.
De ce grand poème d'amour et de gloire, comme seront plus tard le Roland Furieux et la Jérusalem délivrée, la trame est historique, l'action prise au moment de l'affrontement décisif sur sol africain entre Rome et Carthage, représentées par deux géants, Scipion et Hannibal. Le héros principal, un jeune puritain, modèle de vaillance, de clémence, de chasteté, sorte de Perceval ou Galaad romain, passionné de vertu, incarne l'idéal humain qui nourrira longtemps le rêve humaniste.
Et pourtant ce poème destiné à exalter la figure du chef charismatique s'ouvre sur une radicale dénonciation de la gloire terrestre : au terme d'une journée victorieuse, le jeune chef s'endort, l'ombre de son père lui apparaît et l'entraîne sur les hauteurs de la Voie lactée d'où il contemple la petitesse dérisoire du théâtre des actions humaines et la vanité de ce que nous appelons la vie et qui n'est que la mort de l'âme dans la prison du corps. La fresque historique s'ouvre sur ce porche philosophique grandiose.
Autre enrichissement : dans la source livienne, Pétrarque a relevé un épisode merveilleusement accordé à son génie : c'est le récit des amours malheureuses du roi numide, Massinissa, allié de Rome, et de Sophonisbe, la fille d'Hasdrubal. Ce récit, équivalent de l'épisode de Didon et Enée dans l'Enéide, illumine tout le livre V, centre poétique du poème. Pétrarque y déploie et tout son art et sa profonde connaissance des délices et des tourments de l'âme amoureuse.
Ainsi commence le poème, nourri de ces tensions, soutenu par une vers d'une rare musicalité, dont la traduction versifiée de Pierre Laurens a tenté de donner une idée. Le texte donné ici s'appuie pour la première fois sur le manuscrit témoin du dernier état de l'oeuvre et enrichi dans les marges des ultimes corrections du poète ainsi que des suggestions de son disciple Coluccio Salutati.
Il n'est pas exagéré de dire que la correspondance latine de Pétrarque avant tout les vingt-quatre livres des Lettres familières et les dix-huit livres des Lettres de la vieillesse constitue le chef-d'oeuvre du Pétrarque humaniste: réunissant, au sein même de l'immense oeuvre latine, un grandiose corpus auquel l'écrivain travailla jusqu'aux derniers mois de sa vie, elle peut être lue aussi bien comme une autobiographie idéale du poète et un commentaire illuminant le reste de l'oeuvre que comme un miroir de l'histoire du Trecento et comme l'inventaire des grandes découvertes philologiques qui, comme on sait, renouvelèrent la culture, la conjuguèrent à l'esprit de l'âge classique, l'imprégnèrent de toutes les inquiétudes de l'humanitas et la proposèrent comme la base même de la sensibilité occidentale.On sait que, paradoxalement et alors même que la philologie pétrarquienne parvenait à un niveau d'excellence quasiment vertigineux, l'édition européenne, malgré plusieurs contributions majeures apparues au fil du xxe siècle celles de Vittorio Rossi et Umberto Bosco pour les Lettres Familières, de Nicola Festa pour l'Africa, de Giuseppe Billanovich pour les Rerum memorandarum libri, de Guido Martellotti pour la première partie de De viris s'était montrée réticente à s'engager à fond dans la publication, autre que sporadique, du Pétrarque latin. L'approche du septième centenaire de la naissance du poète, en suscitant en Italie pour 2004 un nouvel et ambitieux élan, piloté par Michele Feo, en vue de l'édition nationale de l'oeuvre intégrale, devrait aider à combler définitivement cette lacune. Reste qu'engagée dans un esprit de collaboration fraternelle avec nos amis italiens la présente édition bilingue constitue un événement éditorial de première grandeur.Ce sera en effet la première fois que les Lettres de Pétrarque sont mises à la disposition du public français dans leur intégralité, lisibles d'un bout à l'autre à la fois dans le texte et dans une excellente traduction benemeritus de l'oeuvre de Pétrarque, Victor Develay à la fin du xixe siècle n'avait donné que des choix de lettres c'est la première fois aussi qu'un ample commentaire historique et érudit, éclipsant de loin et périmant les notes de Fracassetti (1865-1868), orientera le lecteur tant dans la saisie globale du complexe iter culturel et spirituel du poète que, livre après livre et lettre après lettre, dans la compréhension ponctuelle d'un texte toujours riche et passionnant. Enfin, c'est la première fois que le travail d'édition critique, déjà accompli pour les Lettres familières par Vittorio Rossi, sera étendu aux Lettres de la vieillesse.Redevables pour la traduction française des Familiares à la patience, à la compétence et au goût d'André Longpré, nous avons confié celle des Seniles à un groupe de jeunes et ardents chercheurs formés en Sorbonne Ugo Dotti, un des meilleurs connaisseurs de la personnalité et de l'oeuvre de Pétrarque, nous a fait l'honneur de nous donner pour les unes comme pour les autres le commentaire monumental qu'on lira dans la traduction française de Christophe Carraud et de Franck La Brasca. C'est Elvira Nota qui nous offre livre par livre, avec le texte critique des Seniles, les précieuses notes critiques relatives aux textes " pré-canoniques ".Ayant livré en guise de prémices ces sept premiers livres des Lettres familières, nous poursuivrons parallèlement l'édition des deux grands ensembles du corpus en gardant les yeux fixés sur 2004, espérant même pouvoir, chemin faisant, adjoindre, en Appendice au corps principal, les dix-neuf Sine nomine dans le texte critique de Paul Piur et, avec un texte critique établi par Elvira Nota, les " Lettere disperse ", exclues du corpus et vulgarisées par une récente édition.Ainsi Les Belles Lettres et la collection des " Classiques de l'Humanisme " espèrent-elles prendre leur part de la célébration d'une oeuvre à laquelle notre pays, depuis Pierre de Nolhac, ne s'est jamais senti ni voulu étranger.Pierre Laurens
Entre 2002 et 2015 la maison d'édition des Belles Lettres a publié, sous la direction de Pierre Laurens, en onze volumes (texte critique et première traduction française) la totalité des Lettres familières et des Lettres de la vieillesse de Pétrarque (respectivement 6 vol., contenant les livres I à XXIV, et 5 volumes, contenant les livres I à XVIII, dont la Posteritati) : en tout plusieurs milliers de lettres, adressées à des amis et à des personnalités de haut-rang, à lire à la fois comme une autobiographie et comme un témoignage de première main sur son époque.
Le lecteur s'orientera dans cet immense continent grâce à notre triple Index, des destinataires, des citations et allusions, et enfin des noms et des lieux.
Un détail important : ce dernier index, analytique, entre dans le plus menu détail. Par exemple, pour le seul article « Pétrarca », nous lisons : famille, enfance et jeunesse, portrait physique, mode de vie, résidences, profil biographique, invitations et offres de charges, bénéfices ecclésiastiques, honneurs, admirateurs et critiques, santé, fausses annonces de sa mort, polémiques avec les médecins, les théologiens et les astrologues, polémiques politico-religieuses, portrait intérieur, études, oeuvres, testament, lettres perdues, écrits projetés et abandonnés, postille.