«Le titre du livre, en lui, ne frappait pas mon imagination, je pensais que c'était un recueil d'extraits, ce qui me paraissait tout naturel car je savais qu'il s'était toujours appliqué avec zèle à ses études. Mais le contenu était tout autre. Il s'agissait en effet d'un journal, ni plus ni moins, et tenu avec beaucoup de soin ; et bien que, d'après ce que je savais de lui auparavant, un commentaire de sa vie ne paraisse pas tout à fait indiqué, je ne peux pas nier qu'après un premier coup d'oeil dans ce journal, le titre n'ait été choisi avec beaucoup de goût et de compréhension, témoignant, sur lui-même et sur la situation, d'une véritable supériorité esthétique et objective. Ce titre est en parfaite harmonie avec le contenu. Sa vie a été un essai pour réaliser la tâche de vivre poétiquement. Doué d'une capacité extrêmement développée pour découvrir ce qui est intéressant dans la vie, il a su le trouver et, l'ayant trouvé, il a toujours su reproduire ce qu'il a vécu avec une veine mi-poétique.» Søren Kierkegaard.
«Le désespoir est-il un avantage ou un défaut? L'un et l'autre en dialectique pure. À n'en retenir que l'idée abstraite, sans penser de cas déterminé, on devrait le tenir pour un avantage énorme. Être passible de ce mal nous place au-dessus de la bête, progrès qui nous distingue bien autrement que la marche verticale, signe de notre verticalité infinie ou du sublime de notre spiritualité. La supériorité de l'homme sur l'animal, c'est donc d'en être passible, celle du chrétien sur l'homme naturel, c'est d'en être conscient comme sa béatitude est d'en être guéri. Ainsi, c'est un avantage infini de pouvoir désespérer, et cependant le désespoir n'est pas seulement la pire des misères, mais notre perdition.»
Chronologie - Avertissement.
Le concept d'angoisse - Avant-propos - Stades sur le chemin de la vie - Le lis des champs et l'oiseau du ciel, trois discours pieux - La maladie mortelle [Traité du désespoir] - Pratique du christianisme - Point de vue sur mon activité d'écrivain - Sur mon activité d'écrivain.
Notices et notes - Bibliographie.
Traductions nouvelles.
Introduction - Chronologie - Notes sur la présente édition.
Ou bien...ou bien incluant Le journal du séducteur - La reprise - Crainte et tremblement.
Miettes philosophiques.
Notices et notes.
Traductions nouvelles
Avec Ou bien... Ou bien..., publié en 1843, Kierkegaard inaugure sa production «pseudonyme», c'est-à-dire sa longue explication avec les différents auteurs virtuels avec lesquels se décompose son identité littéraire. Ici Victor Eremita, figure policière de l'éditeur-voyeur, recueille, à travers la grille de l'écriture, la confession alternée de deux voix sans visage et sans nom : la première (A), tournant avec obstination autour d'une scène théâtrale où se rejoue sans trêve le même Don Juan de Mozart, aboutit au célèbre Journal du séducteur ; la seconde (B), dénonçant au contraire tout spectacle et toute répétition, met le destinataire devant le sérieux terrible de la décision irrévocable. L'esthète et l'époux, celui qui n'est personne et celui qui est quelqu'un, l'homme de l'aphorisme et l'homme du sermon, telles sont les figures contrastées où Kierkegaard se plaît ironiquement à incarner les catégories majeures de la Logique hégélienne, mimant tour à tour la dispersion errante de l'Être et le recueillement solennel de l'Essence. Il en résulte une oeuvre qui n'a son équivalent dans aucune langue, et dont la déconcertante modernité n'a pas cessé de nous devancer.
Les deux premiers ouvrages ont été écrits en 1844, la même année où Marx rédigeait ses fameux Manuscrits de Paris : cette année est le symbole de la réaction antihégélienne, c'est-à-dire de la réaction antiphilosophique au sein de laquelle nous sommes encore plongés. Le Traité du désespoir date de 1849. Ces textes préparent la critique nietzschéenne, car ils manient la même ironie, prêtent la même attention au style philosophique, attaquent de front la tradition et ses principes les mieux établis. Kierkegaard reste le fondateur de la pensée «existentialiste», qu'elle soit chrétienne, athée ou marxisante.
Philosophe peu soucieux de se reconnaître tel, Kierkegaard partage avec quelques autres géants, avec Nietzsche par exemple, le privilège, si c'en est un, de trouver de nombreux lecteurs parmi les non philosophes. La question, ici, n'est pas de se demander s'il faut voir en lui un antiphilosophe, comme le voulait Sartre. Ni de rappeler, même si c'est vrai, et la présente édition ne néglige pas tout à fait cet aspect de son oeuvre, qu'il fut aussi ou surtout un penseur religieux. Il s'agit plutôt de souligner ce qui saute aux yeux quand on ouvre ses livres : les ouvrages philosophiques de Kierkegaard ne sont pas écrits comme le sont habituellement les traités de philosophie. Généralement dissimulé sous des pseudonymes qui brouillent les cartes, leur auteur est un digter. Le danois digt renvoie à la fantaisie, à l'imagination, à la rêverie, à la fiction même. Digter est souvent traduit par «poète». Et de fait les «Diapsalmata» (dans Ou bien... ou bien) ou l'éloge d'Abraham (dans Crainte et tremblement) sont de véritables poèmes en prose, tandis que d'autres textes («Journal du séducteur», «Coupable... non coupable») pourraient passer pour des chapitres de romans, que certaines pages, telle l'histoire de ce roi amoureux d'une jeune fille dans les Miettes philosophiques, semblent relever du conte, et que d'autres encore, par exemple la marche d'Abraham et d'Isaac dans Crainte et tremblement, ont une structure dramatique.
Écrivain à coup sûr. Philosophe pourtant, «mais d'une philosophie qui veut être philosophie en étant non-philosophie» (Merleau-Ponty). À cette (non-)philosophie on est souvent arrivé, en France notamment, par le biais de l'existentialisme, qui fut peut-être la «nouvelle conscience culturelle» dont Kierkegaard lui-même prédisait l'avènement. Mais un tel cheminement ne va pas sans quelque malentendu et passe volontiers par profits et pertes l'ancrage (et le mot est faible) de ce Danois dans le luthéranisme, dans son milieu (piétiste) et dans son époque (romantique). Il serait évidemment vain de prétendre n'expliquer Kierkegaard, cette énigme, que par sa sensibilité à la figure de son puritain de père, par sa rupture avec la trop célèbre Régine Olsen, ou par la violence de ses querelles avec l'Église danoise. Mais tout aussi inutile (et l'on s'est efforcé d'éviter cet écueil dans ces volumes) d'exiger de lui des réponses à des questions philosophiques qu'en son temps il ne pouvait pas se poser.
C'est d'autant moins utile que les questions qu'il se pose sont de tous les temps et que chaque génération pourrait, pour des raisons qui lui seraient propres et seraient chaque fois différentes, faire siens les propos de Denis de Rougemont qui en 1934, dans le contexte de la montée des totalitarismes, voyait en Kierkegaard «le penseur capital de notre époque, nous voulons dire : l'objection la plus absolue, la plus fondamentale qui lui soit faite, une figure littéralement gênante, un rappel presque insupportable à la présence dans ce temps de l'éternel». L'article de Rougemont s'intitulait «Nécessité de Kierkegaard». Ce titre conserve son actualité.
Kierkegaard place l'individu dans la terrible dépendance absolue de son Créateur. Il n'en demeure pas moins 'sujet absolu' se définissant dans son rapport à Dieu. Il n'existe donc pas selon lui d'autre alternative à l'existence que la foi : la quête philosophique d'une autre vérité première est par conséquent tout à fait vaine. L'homme doit s'évertuer à mener une existence 'religieuse', sous le regard de Dieu, dont Abraham représente la figure tutélaire.
On appelle diapsalmata les intermèdes musicaux intercalés dans la lecture des psaumes à la synagogue. Sous ce titre, Kierkegaard a réuni une suite de réflexions et d'aphorismes qu'il présente comme le journal intime d'un jeune romantique désespéré. Ils reflètent les différents moments d'une jeunesse dont il cherche à se délivrer, les différentes épreuves qu'il vécut chaque fois qu'il songea à se livrer à Satan pour connaître toutes les formes du péché. Confessions voilées, exclamations lyriques ou cyniques, les Diapsalmata, comme le célèbre Journal d'un séducteur, sont une oeuvre littéraire autant que philosophique, emblématique des tourments et des angoisses de l'adolescence.
La reprise - et non la répétition, comme l'ont voulu, à tort, des traductions moins littérales - est l'un des textes les plus célèbres de sören kierkegaard.
L'auteur songe à une reprise de ses relations avec régine olsen, son ancienne fiancée ; non pas à la reproduction de leur échec, mais à leur renouvellement. la reprise est cette " catégorie paradoxale " qui unit dans l'existence concrète ce qui a été (le " même ") à ce qui est nouveau (1'" autre ") . au théâtre, la reprise d'un rôle ne se réduit nullement à son apprentissage par répétitions : c'est une re-création, une création nouvelle.
Dans le langage des affaires, qui dit reprise ne pense pas récidive, mais nouvel essor. pour un jardinier, la reprise d'une plante transplantée signifie un nouveau départ dans la vie. la reprise kierkegaardienne reproduit ce commun modèle. mais il s'agit ici du mouvement religieux par lequel l'individu " naît de nouveau " et devient une créature réconciliée, un unique (den enkelte) "devant dieu". pour l'entendre, il convient de " lire et relire " ce charmant " petit livre ", en prenant son temps, c'est-à-dire en respectant le tempo de l'intériorité.
En 1844, sous le pseudonyme de Johannes Climacus, Kierkegaard fait paraître les Miettes philosophiques, violente polémique contre Hegel.Il s'inscrit dans la tradition biblique qui, de Lessing à Strauss, entend ramener le christianisme au problème général de la constitution des mythes. Les effets de cette critique sont à l'origine du courant existentialiste et sous-tendent la critique heideggérienne de la religion.Le Post-scriptum est quatre fois plus étendu que l'ouvrage qu'il souscrit. L'auteur distingue de la religiosité en général - où l'homme souffre parce qu'il est une synthèse de temporel qui l'empêche de connaître Dieu et d'éternel qui aspire à le connaître - la seconde forme, dialectique, d'attitude religieuse : l'homme ne peut connaître Dieu en raison du péché, il doit alors croire passionnément au paradoxe scandaleux de l'incarnation pour accomplir son salut.Du point de vue de l'histoire de la pensée philosophique moderne, ce texte est au principe de toute réflexion sur la subjectivité, et il figure, aux côtés des écrits du jeune Marx comme de l'oeuvre de Nietzsche, dans la postérité critique de Hegel.
" ce que dit la philosophie est fort vrai.
La vie se comprend en regardant vers l'arrière, mais il ne faut pas oublier qu'elle doit être vécue en regardant vers l'avant. c'est pourquoi la vie n'est jamais compréhensible au sein de la temporalité, étant donné qu'à aucun moment nous ne pouvons atteindre la tranquillité qui permettrait d'assumer la position dirigée vers l'arrière. " cette note de l'auteur résume bien ce petit livre excentrique oú il est question d'amour, d'un amour qui ne peut se vivre.
La répétition paraît en 1843, la même année que crainte et tremblement. kierkegaard a juste trente et un ans. l'ouvrage a une connotation autobiographique oú transparaissent les tourments de kierkegaard dans sa relation avec regine olsen.
Les Étapes sur le chemin de la vie datent de 1845, donc de l'année suivant celle où avaient paru Les Miettes philosophiques et Le Concept de l'angoisse. Kierkegaard arrête ainsi l'essor hardi de sa pensée pour insister encore une fois sur le thème initial développé dans Ou bien... Ou bien, les modes de la vie esthétique et de la vie éthique, elles contiennent, en outre, une troisième partie, la partie principale, et, en même temps, la plus étendue, où la conception religieuse trouve son expression : «Coupable ? - Non coupable ?», un martyrologe, une expérience psychologique. Le livre se termine par une «lettre au lecteur» dans laquelle l'auteur, Frater Taciturnus, fait ses réflexions et développe, en observateur, sa conception religieuse de la vie.
En 1843 paraît à Copenhague, sous le pseudonyme de Victor Eremita, le premier livre d'un auteur de 30 ans, philosophe, quelque peu dandy et qui a pu craindre de passer pour oisif. Avec tous les instruments d'une dialectique pleine d'ironie, inquiète, mais pénétrante et vigoureuse, il pose, par l'alternative que traduit son titre (Enten. Eller, « ou bien. ou bien»), les données premières de la philosophie de l'existence, dont il est ainsi le fondateur. Les deux textes réunis dans ce volume appartiennent, comme le fameux Journal du séducteur, qui en est le plus souvent extrait, à la première partie de ce livre de Kierkegaard. Ainsi réunis, ils o rent l'une des plus profondes et brillantes interprétations qui soit du Don Juan de Mozart.
L'enthousiasme de l'auteur des Stades immédiats de l'éros (qui n'est pas donné pour Kierkegaard lui-même) se conjugue à une rare profondeur philosophique et psychologique, pour mettre en lumière un principe de «génialité sensuelle» qui ne pouvait naître qu'avec l'interdit posé par le christianisme. Don Juan - le Don Juan musical - est celui qui «incarne la chair» parce qu'il la représente comme possibilité de jouissance in nie, selon la temporalité abstraite de la musique où, dans la permanence du désir toujours renouvelé,triomphe l'instant ; et pour cette raison seule il séduit universellement. Tel est l'«éros immédiat», dont Chérubin dans Les Noces de Figaro, Papageno dans La Flûte enchantée sont les stades préparatoires, et qui s'épanouit pleinement dans la perfection classique d'un opéra hors normes, seul capable d'en représenter le caractère immédiat: paradoxe qui participe pleinement de la «génialité».
Dans sa préface (inédite), François Lallier montre que cet essai d'une admirable cohérence, loin des intrigues trop ré échies du Journal d'un séducteur, semble la source même des grands livres à venir, Le Concept de l'angoisse, La Maladie à la mort. Il constate que Kierkegaard passe sous silence la présence, dans l'opéra de Mozart, des forces de mort qu'a soulignées un siècle plus tard, dans l'attraction de la psychanalyse, une autre grande étude, Le Don Juan de Mozart de Pierre Jean Jouve. Pour lui une telle omission a valeur de signe, elle peut donner à lire de façon neuve la formule de salut qui constitue le motif conducteur de La Maladie à la mort: «En s'orientant vers luimême, en voulant être lui-même, le moi plonge, à travers sa propre transparence, dans la puissance qui l'a posé».
Pour François Lallier, le second texte que nous publions indique le chemin de cette transparence, c'est le chapitre des Silhouettes consacré par Kierkegaard à Donna Elvira dans lequel le philosophe danois montre la profondeur et la nature de l'amour-haine porté au séducteur. «Donna Elvira, ici, c'est Kierkegaard lui-même.»
Johane Luise Pâges avait à seize ans, en 1828, interprété le rôle de Juliette lors de la création au Théâtre Royal de Copenhague de Roméo et Juliette. Son talent fit sensation et sa carrière ainsi lancée, elle épousa trois ans plus tard, le 31 juillet 1831, Johan Ludvig Heiberg, entrant dans une famille célèbre que fréquentaient Kierkegaard et les intellectuels danois. Les années passant, Fru Heiberg, comme on pouvait désormais l'appeler, tînt de nouveau, et à neuf reprises, le rôle de Juliette de Shakespeare jusqu'en 1847, alors qu'elle avait trente-cinq ans. C'est cette « répétition » - après presque vingt ans - qui provoqua l'étude de Kierkegaard.
Le livre tend à montrer que la seule jeunesse, nonobstant le critère de la beauté physique, constitue plutôt un handicap et est insuffisante pour exprimer la plénitude d'un personnage comme Juliette, et que seule une actrice véritable, ayant atteint sa maturité, saura réellement l'incarner.
Les Journaux et cahiers de notes font partie des manuscrits découverts au domicile de Kierkegaard après sa mort. Publiés au Danemark, ils sont mis pour la première fois à la disposition du public français, accompagnés de volumineux commentaires apportant toutes les précisions utiles concernant l'état matériel des textes, sous leur forme imprimée ou manuscrite, mais aussi des informations extrêmement détaillées sur les citations et allusions qu'ils contiennent, les sources certaines ou très vraisemblables de nombreux passages, mettant ainsi en évidence les liens entre ce que lauteur écrit, dune part, et ce qu'il lit, entend et voit autour de lui, d'autre part.
Publiée pour la première fois en français dans son intégralité, la correspondance complète de Soren Kierkegaard est un document singulier, qui dévoile des aspects méconnus de l'un des philosophes majeurs d XIXe siècle. À la fois véritable texte littéraire et mise en oeuvre concrète de ses idées philosophiques, elle éclaire sous un jour nouveau la relation toute particulière entre l'homme et son oeuvre, et constitue l'illustration vivant de la singularité de l'approche du philosophe danois. Elle révèle aussi combien la pensée de Kierkegaard est finalement, et paradoxalement, une pensée non pas de l'angoisse et du désespoir, mais bien du don et de la joie En lisant ces lettres, on comprend mieux la relation tourmentée de Kierkegaard à sa fiancée Régine, l'une de ces grandes histoires d'amour passée à la postérité littéraire autant par son incompréhensible rupture qu par l'influence qu'elle a eue sur son oeuvre. On y perçoit l'indéfectible union qui le liait à son seul ami, Emil ; on découvre aussi un Kierkegaard tendre et drôle, comme dans l'étonnant échange avec ses neveux et nièces, un Kierkegaard empreint de sollicitude quand il s'adresse à sa belle-soeur alitée ou à son cousin handicapé, un Kierkegaard tour à tour ludique, enjoué, sarcastique ou venimeux... Écrire à quelqu'un, pour Kierkegaard, ce n'est pas discourir sur des idées, qu'elles soient les siennes ou celles des autres : écrire a toujours chez lui une portée éthique. Comment toucher sans violenter, édifier sans forcer ? Traversée par l'inlassable travail de l'esprit pour coïncider avec lui-même, dans l'ouverture à autrui, chaque lettre semble remettre sur le métier la difficile question de l'aide qu'un individu peut et doit apporter à l'autre.
Les textes présentés dans ce volume et jusqu'alors inédits en français sont les premiers écrits de Kierkegaard : antérieurs à sa thèse sur LE CONCEPT D'IRONIE, ils s'échelonnent de décembre 1834 à janvier 1841. Comme tous les écrits de jeunesse, ceux-ci sont intéressants pour connaître la genèse d'une pensée. Mais plus que d'autres, ils méritent d'être lus et étudiés avec soin. Avec eux, en effet, se trouvent amorcées plusieurs des formes littéraires qu'empruntera l'oeuvre ultérieure : articles de presse, critique « littéraire », prédication ou discours, et utilisés les procédés de l'anonymat et de la pseudonymité ; de plus, on y voit nettement affirmées les qualités du polémiste, de l'ironiste et du dialecticien ; enfin s'y manifestent déjà les positions critiques fondamentales de Kierkegaard face à l'évolution socio-politique et esthétique de l'époque, à l'égard de Hegel et des adeptes danois de son Système, et vis-à-vis de ceux qui n'ont pas cette « conception de la vie » qui, à ses yeux, implique l'exigence et l'intériorité. Des QUATRE ARTICLES publiés en 1834 et 1836, le premier ironise sur l'exaltation romantique à propos de la femme, et les trois autres ouvrent avec la presse libérale une polémique qui se poursuivra longtemps. Déjà, en 1835, une conférence sur NOTRE LITTÉRATURE DE PRESSE avait traité du rôle de la presse en soulignant ses préoccupations esthétiques. Dans l'ouvrage au titre bizarre DES PAPIERS D'UN HOMME ENCORE EN VIE, paru en 1838 - le premier livre de Kierkegaard -, un roman d'Andersen offre l'occasion d'une première critique de « notre époque », incapable de produire un auteur et encore moins un génie. LA LUTTE ENTRE L'ANCIENNE ET LA NOUVELLE CAVE À SAVON, esquisse théâtrale rédigée en 1838, révèle ce que pensait déjà le jeune Kierkegaard des hégéliens danois, philosophes et théologiens. À travers des personnages sous lesquels se cachent à peine les ténors de l'intelligentsia danoise et qui parlent ici la meilleure « langue de bois » hégélienne, c'est une satire virulente de la dialectique et du vocabulaire à la mode qui nous est offerte, dont la lecture, loin d'être inactuelle, peut se révéler des plus toniques pour les contemporains des « nouvelles idéologies » d'aujourd'hui. Enfin, la PRÉDICATION de 1841 inaugure un genre auquel Kierkegaard aura recours jusqu'en 1855, celui des « discours », religieux ou chrétiens. Ce texte nous met lui aussi d'emblée en présence de l'une des constantes de l'oeuvre kierkegaardienne : l'exigence de l'intériorisation personnelle, trop souvent édulcorée par une institution encline aux compromis mondains. Deux textes liminaires dus à F.J. Billeskov Jansen et E.-M. Jacquet- Tisseau présentent LA VIE ET L'OEUVRE DE SOEREN KIERKEGAARD et PAUL-HENRI TISSEAU, TRADUCTEUR DE KIERKEGAARD.