paul valery
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L'amateur de poèmes SI je regarde tout à coup ma véritable pensée, je ne me console pas de devoir subir cette parole intérieure sans personne et sans origine ; ces figures éphémères ; et cette infinité d'entreprises interrompues par leur propre facilité, qui se transforment l'une dans l'autre, sans que rien ne change avec elles. Incohérente sans le paraître, nulle instantanément comme elle est spontanée, la pensée, par sa nature, manque de style. MAIS je n'ai pas tous les jours la puissance de proposer à mon attention quelques êtres nécessaires, ni de feindre les obstacles spirituels qui formeraient une apparence de commencement, de plénitude et de fin, au lieu de mon insupportable fuite. UN poème est une durée, pendant laquelle, lecteur, je respire une loi qui fut préparée ; je donne mon souffle et les machines de ma voix ; ou seulement leur pouvoir, qui se concilie avec le silence. JE m'abandonne à l'adorable allure : lire, vivre où mènent les mots. Leur apparition est écrite. Leurs sonorités concertées. Leur ébranlement se compose, d'après une méditation antérieure, et ils se précipiteront en groupes magnifiques ou purs, dans la résonance. Même mes étonnements sont assurés : ils sont cachés d'avance, et font partie du nombre. MU par l'écriture fatale, et si le mètre toujours futur enchaîne sans retour ma mémoire, je ressens chaque parole dans toute sa force, pour l'avoir indéfiniment attendue. Cette mesure qui me transporte et que je colore, me garde du vrai et du faux. Ni le doute ne me divise, ni la raison ne me travaille. Nul hasard, mais une chance extraordinaire se fortifie. Je trouve sans effort le langage de ce bonheur ; et je pense par artifice, une pensée toute certaine, merveilleusement prévoyante, - aux lacunes calculées, sans ténèbres involontaires, dont le mouvement me commande et la quantité me comble : une pensée singulièrement achevée.
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La mer, la mer, toujours recommencée !
Paul Valéry
- Rivages
- Rivages Poche ; Petite Bibliotheque
- 26 Juin 2024
- 9782743663766
La mer obsède Valéry. Il aime nager, observer les vagues, l'écume, que l'on retrouve dans ses textes. Il pense aussi à partir de ce qu'elle rend possible - pêche, commerce, voyages, échanges et mélanges - et de ce qu'elle suggère. Ainsi la Méditerranée lui fournit-elle des images poétiques et un modèle politique. La mer, c'est-à-dire aussi l'élément liquide, à partir duquel il devient envisageable d'approcher le phénomène de la pensée.
Les textes réunis dans ce volume permettent de découvrir l'importance de la mer, au propre et au figuré, dans la vie personnelle et la pensée de Valéry. -
«?Si donc le monde suit une certaine pente sur laquelle il est déjà assez engagé, il faut dès aujourd'hui considérer comme en voie de disparition rapide les conditions dans lesquelles, et grâce auxquelles, ce que nous admirons le plus, ce qui a été fait de plus admirable jusqu'ici a été créé et a pu produire ses effets.
L'homme moderne a les sens obtus, il supporte le bruit que vous savez, il supporte les odeurs nauséabondes, les éclairages violents et follement intenses ou contrastés?; il est soumis à une trépidation perpétuelle?; il a besoin d'excitants brutaux, de sons stridents, de boissons infernales, d'émotions brèves et bestiales.
Il supporte l'incohérence, il vit dans le désordre mental. Il existe des machines qui dispensent de l'attention, qui dispensent du travail patient et difficile de l'esprit?; plus nous irons, plus les méthodes de symbolisation et de graphie rapide se multiplieront. Elles tendent à supprimer l'effort de raisonner.
Enfin, les conditions de la vie moderne tendent inévitablement, implacablement à égaliser les individus, à égaliser les caractères?; et c'est malheureusement et nécessairement sur le type le plus bas que la moyenne tend à se réduire. La mauvaise monnaie chasse la bonne.?»
La politique de l'esprit (Notre souverain bien) est une conférence donnée par Paul Valéry à l'Université des Annales le 16 novembre 1932 qui a été par la suite publiée dans Variété. Elle est ici complétée de la Lettre sur la société des esprits. -
Philosophie de la danse
Paul Valéry
- Éditions Allia
- La Tres Petite Collection
- 3 Mars 2023
- 9791030429534
Une réflexion passionnée et passionnante qui ravira les break dancers, les valseurs du dimanche, les amateurs de tango musette, de cucaracha, de bourrée bretonne, de boogie woogie, les noctambules de la zumba, mais aussi ceux qui n'aiment pas danser, les indécollables de la tapisserie comme les amateurs de philosophie.
Adoptant un rythme qui n'est pas celui de l'utile, la danse est une action poétique.
L'homme a découvert le plaisir pris dans le rythme, dans l'enivrement des sens jusqu'à épuisement. Observez le ballet des doigts du pianiste, le mouvement de la toupie, tout est danse. La sensibilité particulière du conférencier nous fait sentir cette poésie de l'arbitraire. On assiste en acte autant à une philosophie de la danse qu'à une danse de la philosophie. -
Dans La Soirée avec Monsieur Teste, Valéry explique pourquoi, à la recherche du succès littéraire, auquel il aurait pu légitimement aspirer suivant le voeu de ses amis, il a préféré autre chose. La recherche du succès entraîne nécessairement une perte de temps : «Chaque esprit qu'on trouve puissant commence par la faute qui le fait connaître. En échange du pourboire public, il donne le temps qu'il faut pour se rendre perceptible...» M. Teste est un homme qui a mieux employé son temps : «J'ai fini par croire que M. Teste était arrivé à découvrir des lois de l'esprit que nous ignorons. Sûrement, il avait dû consacrer des années à cette recherche : plus sûrement, des années encore, et beaucoup d'autres années avaient été disposées pour mûrir ses inventions et pour en faire ses instincts. Trouver n'est rien. Le difficile est de s'ajouter ce que l'on trouve.» Tel était bien sans doute le programme ambitieux que s'était assigné Valéry lui-même à l'époque où il rédigeait cette fameuse Soirée avec Monsieur Teste.
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Ce volume propose un choix d'images et de textes de Paul Valéry construit à partis des 29 volumes des Cahiers de l'écrivain (édition CNRS 1961). Le lecteur est ainsi invité à entrer dans le laboratoire du grand écrivain. Après Journal de Bord I, Pagine d'Arte propose maintenant Journal de Bord II avec un texte de présentation d'Alberto Manguel
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À notre époque qui rêve de campagnes idylliques et laborieuses, les Bucoliques et les Géorgiques offrent les mots du retour à la terre. Car Virgile n'a construit que des rêves pour s'effacer volontairement derrière ses vers, des monuments en trompe-l'oeil destinés à réunir dans la paix romaine les peuples de la Méditerranée. Ils sont tous héritiers d'une culture grecque devenue mythique dont la Rome d'Auguste sera désormais dépositaire. Virgile, nouvel Hésiode puis nouveau Théocrite, offre aux scènes romaines des mimes alexandrins et aux bibliothèques une épopée ornementée. À côté du texte latin, le lecteur trouvera ici des traductions qui sont aussi des événements dans l'histoire de la lecture de Virgile : celle des Géorgiques par l'abbé Delille s'inscrit dans la philosophie des Lumières ; celle des Bucoliques par Valéry renoue avec une poésie de rupture formelle.
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Ce volume propose un choix d'images et de textes de Paul Valéry construit de façon subjective à partir des originaux des Cahiers. Le critère de ce choix est fondé sur la qualité des images : du croquis lié à la note écrite à l'aquarelle accomplie. L'illustration de la main qui pense et l'image du seuil de la fenêtre constituent deux motifs parmi les plus fréquents, traités dans de multiples déclinaisons.
Notes disperses et réflexions clairvoyantes, esquisses, poèmes, formules mathématiques, dessins aquarellés, récits dessinés de voyage, le tout se succède dans ce Journal de Bord, surprenant par la qualité et la variété de ces pages intimes. Elles proposent au lecteur une entrée inédite dans le laboratoire du grand écrivain.
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Regards sur le monde actuel et autres essais
Paul Valéry
- Folio
- Folio Essais
- 3 Novembre 1988
- 9782070324941
Le génie de Paul Valéry - l'un des esprits les plus puissants et les plus lucides du siècle - a été non pas seulement de penser tout ce qui traversait son esprit, mais de le repenser, et en particulier les notions qu'il avait reçues ou qu'il s'était, comme tout le monde, formées, et qui servent aux groupes humains à réfléchir sur leurs relations. Comme tout lui était objet de pensée, il a réuni ici, des essais, au sens véritable du terme, dont le dessein est de préciser «quelques idées qu'il faudrait bien nommer politiques». De celle de la dictature, à celle sur les fluctuations de la liberté ; de la première guerre sino-japonaise, en 1895, à l'Amérique comme projection de l'esprit européen... Comme dans sa poésie - aussi bien que dans ses spéculations sur le fonctionnement de l'intellect, ou l'entrelacement du système nerveux et des sentiments -, Valéry se montre dans ces pages tel que Claudel le voyait : «... l'esprit attentif à la chair et l'enveloppant d'une espèce de conscience épidermique, le plaisir atteint par la définition, tout un beau corps gagné, ainsi que par un frisson, par un réseau de propositions exquises»...
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Le bilan de l'intelligence
Paul Valéry
- Éditions Allia
- La Tres Petite Collection
- 10 Février 2011
- 9782844853752
Dans cette conférence prononcée en 1935, Paul Valéry délivre ses impressions sur l'évolution de l'intelligence en une époque où le progrès ne cesse de bouleverser les habitudes et les modes de pensée. Les progrès techniques de l'âge industriel apportent un nouveau confort mais aussi entraînent une certaine paresse, de corps et d'esprit, une impatience toujours plus vive à obtenir ce qu'on veut avoir... Surtout, ils engendrent un autre rapport au temps, désormais rétréci, amenuisé. Seule échappatoire : une éducation qui continue à valoriser les langues mortes et le bon usage de la langue française. Valéry dénonce une éducation qui mise sur le succès au baccalauréat, sans parvenir à développer la formation d'esprits indépendants.
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L'homme et la coquille : et autres textes
Paul Valéry
- Folio
- Folio Sagesses
- 7 Octobre 2021
- 9782072954719
«Ce coquillage que je tiens et retourne entre mes doigts, et qui m'offre un développement combiné des thèmes simples de l'hélice et de la spire, m'engage, d'autre part, dans un étonnement et une attention qui produisent ce qu'ils peuvent : remarques et précisions tout extérieures, questions naïves, comparaisons "poétiques", imprudentes "théories" à l'état naissant... Et je me sens l'esprit vaguement pressentir tout le trésor infus des réponses qui s'ébauchent en moi devant une chose qui m'arrête et qui m'interroge...» Qu'il évoque un coquillage aux formes fascinantes, le phénomène du rêve ou celui des mythes, Paul Valéry pense et déplie, dans ce triptyque sensible, «une poésie des merveilles et des émotions de l'intellect».
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Eupalinos ou l'architecte ; l'âme et la danse ; dialogue de l'arbre
Paul Valéry
- Gallimard
- Poesie Gallimard
- 25 Mars 1970
- 9782070302833
Socrate Par les dieux, les claires danseuses !... Quelle vive et gracieuse introduction des plus parfaites pensées !... Leurs mains parlent, et leurs pieds semblent écrire. Quelle précision dans ces êtres qui s'étudient à user si heureusement de leurs forces moelleuses !... Toutes mes difficultés me désertent, et il n'est point à présent de problème qui m'exerce, tant j'obéis avec bonheur à la mobilité de ces figures ! Ici, la certitude est un jeu ; on dirait que la connaissance a trouvé son acte, et que l'intelligence tout à coup consent aux grâces spontanées... Regardez celle-ci !... la plus mince et la plus absorbée dans la justesse pure... Qui donc est-elle ?... Elle est délicieusement dure, et inexprimablement souple... Elle cède, elle emprunte, elle restitue si exactement la cadence, que si je ferme les yeux, je la vois exactement par l'ouïe. Je la suis, et je la retrouve, et je ne puis jamais la perdre ; et si, les oreilles bouchées, je la regarde, tant elle est rythme et musique, qu'il m'est impossible de ne pas entendre les cithares. (in L'Âme et la Danse)
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«De ces essais que l'on va peut-être lire, il n'en est point qui ne soit l'effet d'une circonstance, et que l'auteur eût écrit de son propre mouvement. Leurs objets ne sont pas de lui ; même leur étendue parfois lui fut donnée. Presque toujours surpris, au début de son travail, de se trouver engagé dans un ordre d'idées inaccoutumé, et placé brusquement dans quelque état inattendu de son esprit, il lui fallut, à chaque fois, retrouver nécessairement le naturel de sa pensée. Toute l'unité de cette Variété ne consiste que dans ce même mouvement.» Paul Valéry.
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Incarnation à la fois de l'effervescence de la Renaissance et de l'archétype du génie universel, Léonard de Vinci (1452-1519), autodidacte, s'est forgé une culture humaniste fondée sur les savoirs antiques et médiévaux qu'il recompose et à partir desquels il innove. Au-delà de la carrière exceptionnelle qu'il a connue, grâce à son statut d'artiste de cour et d'ingénieur, il continue, aujourd'hui encore, à fasciner les esprits. Conservés à Paris, Londres, Milan ou encore Windsor, une vingtaine de manuscrits et carnets livrent, dans une écriture en miroir, des milliers de pages de notes, d'esquisses et de croquis, de réflexions et de traités. Toutes révèlent l'immensité des connaissances, des préoccupations et des interrogations scientifiques de l'homme. De Florence à Amboise, toute sa vie durant, Léonard griffonne, note, étudie, dissèque, analyse, fait des calculs : foisonnent et s'enchaînent, entremêlées de figures géométriques, d'études mécaniques ou anatomiques, de projets d'architecture, d'armes ou encore de machines volantes concurrençant le vol des oiseaux... , des pensées aux allures parfois mystérieuses, des raisonnements qui aboutissent à des démonstrations et à l'ébauche de maquettes, dont émerge l'intelligence créative de Léonard. À l'occasion du 500? anniversaire de sa mort, cette édition Quarto propose au lecteur de redécouvrir, dans un volume richement illustré en couleurs, la seule traduction aujourd'hui disponible en français des écrits léonardiens, mise à jour au regard des progrès réalisés depuis sa première publication en 1942, et de se plonger dans les méandres de cet esprit hors du commun.
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La jeune parque/l'ange/Agathe/histoires brisées
Paul Valéry
- Gallimard
- Poesie Gallimard
- 12 Avril 1974
- 9782070317929
«Avec Rimbaud et Mallarmé, Valéry abolit la religion du sens unique d'un texte. Pas de centre, de point fixe - et ceci est valable pour tous les poèmes cités ici ; un décentrement incessant, des surimpressions plastiques, phoniques, des métaphores qui se renforcent de nouveaux éléments à cent vers de distance, des durées multiples qui s'organisent à l'intérieur du poème, comme l'histoire ou le corps ont des durées différentes, le coeur, la vue, la marche, et l'ensemble c'est la vie du corps ; des substitutions d'une durée à l'autre (c'était le rythme de la durée de la marche, et cela devient, oui, le rythme de la durée d'un coeur qui bat, qui s'arrête, qui bat encore). Pas de poésie plus mobile, comme le sang. Et puis, un échange entre le passé, le futur, le présent, qui rend heureusement impossible toute chronologie interne ; un temps plein, et paradoxal : une achronie généralisée, le temps du rêve.» Jean Levaillant.
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Cours de poétique Tome 1 : le corps et l'esprit (1937-1940)
Paul Valéry
- Gallimard
- Bibliothèque Des Idées
- 5 Janvier 2023
- 9782072907067
Paul Valéry occupa de 1937 à sa mort en 1945 la chaire de Poétique créée pour lui au Collège de France. Connu jusqu'à présent par de rares témoignages d'auditeurs, cet enseignement a pris dans l'histoire de la critique littéraire la dimension d'un mythe. Sous le nom de poétique, l'écrivain élabore en effet pour la première fois la synthèse du «Système» total de l'acte créateur dont il rêvait depuis sa jeunesse. Son originalité : situer la genèse de l'oeuvre littéraire et artistique non seulement dans l'ordre de la création individuelle, mais également dans un vaste horizon social. Véritable laboratoire de pensée, ce cours expérimental contient en germe une psychologie de la création, une sociologie de l'art et une esthétique de la réception, tout en croisant les interrogations actuelles de la phénoménologie, de la philosophie du langage et des neurosciences. Avec une curiosité sans limites, cet essai d'une anthropologie de la vie de l'esprit se révèle un monument de la pensée du XX? siècle.Dans ce premier tome, qui couvre les trois premières années du cours, Valéry insiste sur le rôle fondamental que jouent le corps et l'esprit dans la poétique, entendue de façon large comme étude de tous les processus de création. Rien n'échappe à l'analyse : les illusions de la philosophie sont dénoncées, l'utilité de l'art questionnée, l'existence psychique mise à nu. L'entrée dans la Seconde Guerre mondiale donne lieu à des réflexions bouleversantes sur l'avenir de l'Europe et des intellectuels.Paul Valéry et Gaston Gallimard avaient souhaité publier le cours de poétique. Près de quatre-vingts ans après la mort de l'écrivain, voici son voeu exaucé et sa dernière grande oeuvre dévoilée.
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"Certainement, rien ne m'a plus formé, plus imprégné, mieux instruit - ou construit - que ces heures dérobées à l'étude, distraites en apparence, mais vouées dans le fond au culte inconscient de trois ou quatre déités incontestables : la Mer, le Ciel, le Soleil."Une sélection de textes de Paul Valéry, composée de proses et poèmes nous fait découvrir la relation singulière et poétique du poète avec les éléments naturels, qu'il adore depuis son enfance dans sa ville natale de Sète. La Mer, le Ciel, le Soleil.Sélection de proses et de poèmes dans l'oeuvre de Paul Valéry
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«Comme il arrive qu'un lecteur à demi distrait crayonne aux marges d'un ouvrage et produise, au gré de l'absence de la pointe, de petits êtres ou de vagues ramures, en regard des masses lisibles, ainsi ferai-je, selon le caprice de l'esprit, aux environs de ces quelques études d'Edgar Degas.Ceci ne sera donc qu'une manière de monologue, où reviendront comme ils voudront mes souvenirs et les diverses idées que je me suis faites d'un personnage singulier... Cependant qu'au regard naïf, les oeuvres semblent naître de l'heureuse rencontre d'un sujet et d'un talent, un artiste de cette espèce profonde, plus profond peut-être qu'il n'est sage de l'être, diffère la jouissance, crée la difficulté, craint les plus courts chemins.»Paul Valéry.
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«Peinture. L'objet de la peinture est indécis. S'il était net, - comme de produire l'illusion de choses vues, ou d'amuser l'oeil et l'esprit par une certaine distribution musicale de couleurs et de figures, le problème serait bien plus simple, et il y aurait sans doute plus de belles oeuvres (c'est-à-dire conformes à telles exigences définies) - mais point d'oeuvres inexplicablement belles. Il n'y aurait point de celles qui ne se peuvent épuiser.» Pendant un quart de siècle Paul Valéry a pris des notes sur tous les problèmes qui le préoccupaient. La philosophie et l'art se détachent particulièrement au cours de ce recherches instantanées. Chacun de ces textes contient à l'état d'aphorismes, de formules, de fragments ou de propos, voire de boutades, mainte remarque ou impression venue à l'esprit, çà et là, le long d'une vie, et qui s'est fait noter en marge de quelque travail ou à l'occasion de tel incident dont le choc, tout à coup, illumina une vérité instantanée, plus ou moins vraie. De ces pensées et aphorismes se dégage une pensée d'une rigueur exemplaire et qui propose une méthode d'investigation d'une rare acuité.
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En 1925, à la demande de La revue de France, Paul Valéry écrit un article où il livre ses réflexions sur une possible crise de l'intelligence dans une société de plus en plus mécanisée sous l'horizon de la science toute puissante.
Le nouveau paradigme généré par la machine, la statistique et l'idéal mathématique laissera-t-il encore une place à l'individu, à sa complexité, à son rêve, à sa lenteur, à son goût de la beauté?? L'ultra-modernité n'est-elle pas en mesure de porter atteinte aux dimensions proprement constitutives de l'humanité de l'homme??
Autrement dit, l'homme moderne ne sera-t-il pas accablé par la puissance de ses moyens??
Autant de questions qui, au moment du déploiement inéluctable de la révolution numérique et de l'imperium naissant de l'intelligence artificielle, sont d'une étonnante actualité.
Après La crise de l'esprit (2016), La liberté de l'esprit (2019), les éditions Manucius continuent d'explorer l'oeuvre morale et visionnaire d'un des grands esprits du XXe siècle. -
Lorsqu'en 1894 Valéry ouvre les Cahiers qu'il ne cessera de tenir jusqu'à sa mort, son ambition n'est pas d'en faire un lieu de poésie, mais l'espace au contraire d'une réflexion abstraite qui se développera inlassablement, chaque jour, sur près de trente mille pages. L'un des étonnements du lecteur est bien alors de découvrir très tôt, parmi les analyses abstraites, des poèmes en prose que rien ne préméditait et qui constituent le second versant méconnu de l'oeuvre poétique. Un partage capital s'opère en effet : le travail du vers s'accomplit hors des Cahiers et il est ouvertement destiné au lecteur ; le poème en prose, au contraire, reste tourné vers son auteur et dans un espace d'écriture privée.Il fallut attendre l'approche de la Seconde Guerre mondiale pour que Tel Quel, Mélange et Mauvaises Pensées, recueils comme on sait composites, fassent une place - mineure - à certains de ces textes. Et dans Tel Quel, le titre de «Poésie perdue» sous lequel il les réunit semble porter négligemment au jour des feuillets égarés, ou arrachés à un lointain passé, mais qui valent cependant d'être lus, malgré tout. Titre admirable, cependant, et qu'il a semblé légitime de reprendre en tête de cette édition qui rassemble pour la première fois la totalité des poèmes en prose des Cahiers - longtemps perdus précisément dans leurs pages innombrables, mais ici retrouvés.
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Inspirations méditerranéennes
Paul Valéry
- Éditions Marguerite Waknine
- Livrets D'Art
- 19 Mai 2023
- 9782493282170
Ce qu'on dit de soi est toujours poésie. L'étrange formule est d'Ernest Renan et se trouve dans ses Souvenirs d'enfance et de jeunesse. Cependant, comment se dire, depuis sa plus profonde intimité, sans le concours d'une médiation, d'un interlocuteur, qui peut se faire parfois l'essentiel confident ? Pour se dire, Paul Valéry choisit ici d'en appeler à la Méditerranée, cette mer au milieu des terres, comme l'indique son étymologie. Inspirations méditerranéennes est ce dire de soi, cette confidence, et prend place parmi la multitude des divers essais qui constituent l'ensemble intitulé : Variété. Et sans doute est-ce là l'un des textes les plus curieux et les plus délicats de cet ensemble. Et sans doute encore le plus poétique. Comme si cette confidence était aussi, à sa manière, la meilleure des manières de nous rappeler combien la poésie n'a jamais cessé d'être le ton, le la de l'écriture de Paul Valéry, quels qu'aient été les domaines qu'elle s'était donné pour tâche, pour ambition, de parcourir et de révéler.
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« Quant à notre sens le plus central - notre sens de l'intervalle entre le désir et la possession de son objet, qui n'est autre que le sens de la durée - et qui se satisfaisait jadis de la vitesse des chevaux ou de la brise, il trouve que les rapides sont bien lents, que les messages électriques le font mourir de langueur. Les événements eux-mêmes sont demandés comme une nourriture. S'il n'y a point ce matin quelque grand malheur dans ce monde, nous nous sentons un certain vide. Il n'y a rien aujourd'hui dans les journaux, disent-ils. Nous voilà pris sur le fait. Nous sommes tous empoisonnés. » Préface d'Eric Chevillard.
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Heureux les paresseux au soleil accoudés sur les parapets de cette pierre d'un blanc si pur dont les «Ponts et Chaussées» bâtissent leurs digues et brise-lames ! D'autres sont couchés à plat ventre sur les blocs avancés que le flot peu à peu ronge, fissure et désagrège. D'autres pêchent ; se piquent les doigts sous l'eau aux ambulacres des oursins, attaquent du couteau les coquilles collées aux roches. Il y a, tout autour des ports, une faune de tels oisifs, mi-philosophes, mi-mollusques. Point de compagnons plus agréables pour un poète. Ils sont les véritables amateurs du Théâtre Marin :
Rien de la vie du port qui leur échappe.
Paul Valéry invite l'oeil des hommes à se perdre, à plonger dans une rêverie abyssale : il scrute l'esprit comme on caresse l'horizon et livre un hymne à la mer gorgée de poésie. Si l'on sait la place qu'occupe la Méditerranée dans l'oeuvre du penseur sétois, sa réflexion déborde ici d'une passion intimement libératrice : le poète est à nu.
Cette publication s'inscrit dans la collection menée en collaboration avec le musée Paul Valéry :
Petit format à petit prix pour servir les textes les plus essentiels.