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robert bober
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«Si j'ai choisi de t'écrire, Pierre, c'est que j'ai préféré m'adresser à toi plutôt que de parler de toi. Il m'a semblé ainsi réduire, effacer même par instants, la distance qui sépare la vie de la mort.» Il y eut une rencontre décisive dans la vie de Robert Bober : celle avec le journaliste et écrivain Pierre Dumayet (1923-2011), créateur de la première émission de télévision littéraire en France, Lectures pour tous. C'est à lui que Robert Bober rend hommage aujourd'hui dans une longue lettre-récit qui retrace leur amitié, leurs souvenirs communs sur les tournages, leurs lectures et leurs rencontres mémorables. À la façon d'un puzzle jamais fini, Robert Bober revisite en parallèle sa propre existence. Face aux caprices de la mémoire, il s'interroge, interprète et raconte les silences, les oublis, et fait des découvertes bouleversantes.
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Quoi de neuf sur la guerre ? En principe rien, puisqu'elle est finie. Nous sommes en 1945-1946, dans un atelier de confection pour dames de la rue de Turenne, à Paris. Il y a là M. Albert, le patron, et sa femme, Léa. Leurs enfants, Raphaël et Betty. Léon, le presseur. Les mécaniciens, Maurice, rescapé d'Auschwitz et Charles dont la femme et les enfants ne sont pas revenus. Et les finisseuses, Mme Paulette, Mme Andrée, Jacqueline. Il y a l'histoire de leurs relations et de leur prétention au bonheur.Dans l'atelier de M. Albert, on ne parle pas vraiment de la guerre. On tourne seulement autour même si parfois, sans prévenir, elle fait irruption. Alors les rires et les larmes se heurtent sans que l'on sache jamais qui l'emporte. Alors, «ceux qui ont une idée juste de la vie» proposent simplement un café ou un verre de thé avec, au fond, un peu de confiture de fraises.1981-1982. Trente-cinq ans après, quoi de neuf sur la guerre ? Rien de neuf sur la guerre. Parce que, comme le disait M. Albert en 1945 : «Les larmes c'est le seul stock qui ne s'épuise jamais.»
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Récits d'Ellis Island : histoires d'errance et d'espoir
Robert Bober, Georges Perec
- P.O.L.
- Fiction
- 20 Octobre 2022
- 9782818050934
De 1892 à 1924, près de seize millions d'émigrants en provenance d'Europe sont passés par Ellis Island, un îlot de quelques hectares où avait été aménagé un centre de transit, tout près de la statue de la Liberté, à New York. Parce qu'ils se sentaient directement concernés par ce que fut ce gigantesque exil, Georges Perec et Robert Bober ont dans un film, Récits d'Ellis Island, histoires d'errance et d'espoir, INA - 1979, décrit ce qui restait alors de ce lieu unique, et recueilli les traces de plus en plus rares qui demeurent dans la mémoire de ceux qui, au début du siècle, ont accompli ce voyage sans retour. Notre livre se compose de trois grandes parties principales. La première restitue, à travers une visite à Ellis Island et à l'aide de textes et de documents, ce que fut la vie quotidienne sur ce que certains appelèrent «l'île des larmes». Dans la deuxième, «Description d'un chemin», Georges Perec évoque sa relation personnelle avec les thèmes de la dispersion et de l'identité. La troisième, «Mémoires», reprend les témoignages d'hommes et de femmes qui, enfants, sont passés par Ellis Island et racontent leur attente, leur espoir, leurs rêves, leur insertion dans la vie américaine. Le film Récits d'Ellis Island de Georges Perec et Robert Bober est édité en DVD par l'Institut National de l'Audiovisuel. Pour plus d'informations, rendez-vous sur le site ina.fr.
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Il y a quand même dans la rue des gens qui passent
Robert Bober
- P.O.L.
- Fiction
- 5 Octobre 2023
- 9782818058916
- Alors, toujours aussi gros ? - Et toi, toujours aussi con ? C'est comme ça que j'ai compris qu'ils étaient copains. Le gros, derrière son comptoir, c'était le patron du bistrot-guinguette «Chez Victor» situé derrière la place des Fêtes au fond de l'impasse Compans. Le con était accoudé au zinc en attendant d'être servi. Plus tard, bien plus tard, je suis retourné voir le bistrot «Chez Victor», je ne l'ai pas retrouvé. Tout le quartier avait été détruit.
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On ne peut plus dormir tranquille quand on a une fois ouvert les yeux
Robert Bober
- Folio
- Folio
- 9 Février 2012
- 9782070445592
C'est le mercredi 24 janvier 1962 que Jules et Jim, dans lequel Bernard Appelbaum avait fait de la figuration, sortit sur les écrans et c'est le vendredi soir qu'avec sa mère il est allé le voir au cinéma Vendôme, avenue de l'Opéra.
Après la séance, malgré le froid, sa mère lui donnant le bras, ils sont rentrés à pied jusqu'à leur domicile, au 7 de la rue Oberkampf, tout près du Cirque d'Hiver. "As-tu lu le livre d'où a été tiré le film?" Non, il ne l'avait pas lu. "J'aimerais bien le lire", lui a-t-elle dit, et ce fut le commencement de ce qu'il allait apprendre de ses parents. Cette histoire de Jules et Jim et Catherine, un pur amour à trois, avait dit François Truffaut, était comme l'écho de ce que sa mère avait vécu.
Ainsi, il avait fallu un film pour que cette histoire, un peu de son histoire, lui parvienne enfin.
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Dans les premières années du siècle dernier, l'arrière-grand-père de Robert Bober, Wolf Leïb Fränkel, tenta d'émigrer aux Etats-Unis, en avant-garde de sa famille restée en Pologne. Refoulé à Ellis Island, il décida de s'installer en Autriche, à Vienne, où la vie était pour les Juifs plus facile qu'en Pologne, où il y fit venir sa femme et ses enfants.
Wolf Leïb Fränkel est mort en 1929, avant que la nuit nazie ne tombe sur l'Europe. A l'époque, Vienne était une ville cosmopolite, ouverte, une capitale intellectuelle et artistique, effervescente. Modeste ferblantier, il est peu probable que Wolf Leïb Fränkel ait jamais croisé les grands écrivains qui en fréquentaient les célèbres cafés, mais, pour Robert Bober dont l'oeuvre se nourrit de cette culture d'Europe cen- trale qui éclaira le monde, ils sont indissociables.
C'est à la recherche de cet arrière-grand-père et de la Vienne d'alors, et pour faire un film de cette recherche, que Robert Bober s'est lancé en 2012.
Abondamment illustré, notre livre reprend des images du film ainsi que son titre, des documents historiques, le texte écrit par Robert Bober lui-même et qu'il dit en voix off.
Vienne avant la nuit, le film, réalisé par Robert Bober et produit par « Les Films du Poisson » , sortira en salles, comme notre livre, début octobre 2017.
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Berg a vingt ans.
Beck en a onze. Un jour pourtant ils avaient le même âge. Ils habitaient la même rue, allaient dans la même école. Le matin du 8 juin 1942, ils se sont attendus pour y arriver ensemble. Une étoile jaune était cousue sur le côté gauche de leur poitrine. Quelques semaines plus tard, Beck fut arrêté avec ses parents.
Parce qu'on ne parla plus de lui, Beck ne manqua à personne. Et on oublia sa voix et son visage.
En 1952, Berg devient éducateur dans une maison d'enfants de déportés " avec la tâche insurmontable de leur apporter une consolation " et où pourtant parce qu'il y a le jazz et les Marx Brothers, la bicyclette et les cerfs-volants, il y aura aussi des instants de joie, des moments de vie volés.
Et c'est dans ce lieu que Berg retraverse toutes ces années qui l'ont séparé de Beck. De Beck trop tôt, trop vite en allé. Il lui écrit alors des lettres qui, bien sûr, ne sont pas faites pour être lues, mais pour " garder intacts nos onze ans puisque c'est l'âge que tu as gardé " et " que ce n'est pas parce que tu ne répondras pas que l'histoire va devoir se passer de toi ".
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" Y'a pas d'printemps ", " Un monsieur attendait " et " Sans vous " sont trois titres de chansons.
Mais ce sont aussi les noms donnés à trois vestes fabriquées au début de l'année 1949 dans un atelier de prêt-à-porter de la rue de Turenne, à Paris. Comme tout vêtement, les vestes, on le sait, sont faites pour être portées. Si leur histoire est ici racontée, c'est parce qu'il semble que ces trois vestes-là n'étaient pas faites pour ça. Laissées-pour-compte, mais vivantes, serrées l'une contre l'autre, comme si elles avaient été désignées, laissées là, accrochées, à seule fin d'apprendre et transmettre l'histoire de ceux qui leur avaient donné le jour.
Veillant à n'être pas séparées, elles apprirent à écouter le moindre bruit que faisait la vie :les murmures et les éclats de voix, les histoires de guerre et les recettes de cuisine, les histoires de bal du dimanche et les histoires de ciel bleu. Elles furent témoins de passion et de haines, d'illusions, de déceptions. Elles connurent la tristesse, l'anxiété, les désespoirs. Elles apprirent encore la clairvoyance, l'ironie, la patience, la tranquillité et la joie.
Et le chagrin. Et l'indignation... Alors, fallait-il qu'un corps les habite pour exister ?