René descartes est de fait le véritable initiateur de la philosophie moderne, en tant qu'il a pris le penser pour principe.
On ne saurait se représenter dans toute son ampleur l'influence que cet homme a exercée sur son époque et sur les temps modernes. il est ainsi un héros qui a repris les choses entièrement par le commencement, et a constitué à nouveau le sol de la philosophie, sur lequel elle est enfin retournée après que mille années se soient écoulées.
« Maintenant je viens à un point, lequel est à mon avis le ressort et le secret de la domination, le soutien et le fondement de la tyrannie » - un mystère résumé dans son titre, tout autre que celui de Contr'un qui le réduirait à un mot d'ordre, tout autre aussi que les arrangements factices avec lesquels on a tenté en vain de le confondre. Qu'est-ce donc au juste que cette servitude volontaire ?. Le Discours de la servitude volontaire interroge d'abord une énigme, celle d'une soumission active au tyran, qui fait obstacle à la capacité de penser et étouffe tout désir d'émancipation. Les racines de la tyrannie dont traite La Boétie, se situent à l'articulation de la politique et de l'éthique. Pour autant, ce ne sont pas seulement les repères éthiques qui sont menacés, mais également les frontières de l'individu. Le Discours propose ainsi d'interroger « ce qui se fait en tout pays, par tous les hommes, tous les jours ».
« De quoi s'agit-il dans les Fondements de la métaphysique des moeurs et dans la Critique de la raison pratique? Du fondement du discours moral, d'un discours cohérent, absolument valable pour tous les êtres doués de raison, obligeant tout ce qui est fini et raisonnable. Il ne s'agit pas d'une morale au sens traditionnel du terme, d'un système de règles de conduite pour des situations concrètes, de prescriptions précises, d'interdictions à observer. Ce que cherche Kant, c'est exactement ce qu'indique le titre du premier de ces écrits : un fondement de la métaphysique des moeurs, non celle-ci. Des morales, l'histoire et le présent en sont remplis, sans qu'aucun des systèmes prônés puisse prétendre à une validité universelle : la morale reste à fonder ».
E. Weil, Problèmes kantiens, p. 149.
Voici une édition avec notes allégées (i.e. sans les notes de commentaires de l'édition grand format, parue en 2006) de la Phénoménologie de l'esprit (1807). Celle-ci expose le parcours nécessaire menant une conscience - soucieuse de vivre une expérience théorique et pratique non contradictoire du monde - de l'attachement sensible à ce monde à sa maîtrise spirituelle (religieuse et philosophique). Elle introduit donc scientifiquement - dans un discours conceptuellement démontré - à la réconciliation pensante de la pensée et de l'être, c'est-à-dire à la science spéculative ou au savoir de soi absolu de cet être, qui développera son contenu dans l'Encyclopédie des sciences philosophiques. Elle veut être l'auto-fondation philosophique, dans le phénomène ou l'apparaître à soi conscientiel, de l'esprit, qui, seul, est.
"La faculté de juger, qui dans l'ordre de nos facultés de connaître, constitue un terme intermédiaire entre l'entendement et la raison, possède t-elle aussi, considérée en elle-même, des principes a priori ; ceux-ci sont-ils constitutifs ou simplement régulateurs (n'indiquant pas ainsi de domaine propre) ; donne-t-elle a priori une règle au sentiment de plaisir et de peine, en tant que moyen terme entre la faculté de connaître et la faculté de désirer (tout de même que l'entendement prescrit a priori des lois à la première, mais la raison à la seconde) : telles sont les questions dont s'occupe la présente critique de la faculté de juger".
Dès la parution du Traité de la nature humaine, Hume avait été accusé d'entretenir des paradoxes sceptiques. A cette accusation, l'Enquête sur l'entendement humain répond d'une triple façon : 1) sur le mode discret d'une incontestable autocensure; 2) sur le mode positif d'une science sceptique et positive de la nature humaine; 3) enfin, par la définition d'une règle de bonne conduite : le scepticisme-mitigé.
« Tout art et toute investigation, et pareillement toute action et tout choix tendent vers quelque bien, à ce qu'il semble. Aussi a-t-on déclaré avec raison que le Bien est ce à quoi toutes choses tendent.
Mais on observe, en fait, une certaine différence entre les fins : les unes consistent dans des activités, et les autres dans certaines oeuvres, distinctes des activités elles-mêmes. Et là où existent certaines fins distinctes des actions, dans ces cas-là, les oeuvres sont par nature supérieures aux activités qui les produisent. [.].
Si donc il y a, de nos activités, quelque fin que nous souhaitons par elle-même, [.] il est clair que cette fin-là ne saurait être que le bien, le Souverain Bien. ».
Le Traité de l'Ame est l'un des ouvrages majeurs d'Aristote, et il est demeuré le fondement de toute psychologie, ancienne ou moderne. On y apprend ce qu'est la sensation, la perception et la contemplation, et tant d'autres choses. C'est aussi bien un ouvrage de physique : l'âme est l'empire du vivant au sein de la nature, elle est la forme du corps, quatre fois principe : de nutrition, de sensation, de locomotion, d'intellection. Un chef d'oeuvre, si le mot a un sens en philosophie, que la traduction de Jules Tricot rend dans une langue accessible.
" c'est surtout en approfondissant la notion d'obstacle épistémologique qu'on donnera sa pleine valeur spirituelle à l'histoire de la pensée scientifique.
Trop souvent, le souci d'objectivité qui amène l'historien des sciences à répertorier tous les textes ne va pas jusqu'à mesurer les variations psychologiques dans l'interprétation d'un même texte. a une même époque, sous un même mot, il y a des concepts si différents ! ce qui nous trompe, c'est que le même mot à la fois désigne et explique. la désignation est la même ; l'explication est différente.
Par exemple, au téléphone correspondent des concepts qui diffèrent totalement pour l'abonné, pour la téléphoniste, pour l'ingénieur, pour le mathématicien préoccupé des équations différentielles du courant téléphonique. l'épistémologue doit donc s'efforcer de saisir les concepts scientifiques dans des synthèses psychologiques effectives, c'est-à-dire dans des synthèses psychologiques progressives, en établissant, à propos de chaque notion, une échelle de concepts, en montrant comment un concept en a produit un autre, s'est lié avec un autre.
Alors il aura quelque chance de mesurer une efficacité épistémologique. aussitôt, la pensée scientifique apparaîtra comme une difficulté vaincue, comme un obstacle surmonté ".
S'il n'arrive pas, dit Socrate dans la République, que pouvoir politique et philosophie en viennent à coïncider, il n'y aura pas de terme aux maux des cités et à ceux du genre humain. Pourquoi alors se mettre à la recherche du politique plutôt qu'à celle du philosophe? Sans doute parce que, dans la République, une question restait en suspens : comment doit-il gouverner, ce philosophe? En fonction d'un savoir, mais qui soit politique et permette d'agir sur des réalités en devenir. Agir, ce n'est pas réagir, c'est avoir la maîtrise du temps et faire preuve d'une juste mesure qui n'est pas un juste milieu. Distinguée de l'art sophistique qui en a toujours usurpé le nom, la politique se trouve ainsi affranchie de la visée impérialiste de l'argent et du commerce, de la compétence administrative et de la théologie traditionnelle. Voilà qui donne à ce Dialogue une singulière actualité.
Mais encore faut-il faire coexister des hommes qui ne sont pas naturellement faits pour vivre ensemble. La politique n'est pas seulement dépourvue de fondement naturel, elle n'a pas de fondement anthropologique : ce n'est donc pas un art à théoriser, c'est un art à inventer. L'Étranger d'Élée y réussit, sans pourtant nous dire ce qu'un politique doit être. Quant à Socrate, après le prologue, il écoute et se tait. Que veut nous faire entendre ce silence, sinon que quelque chose manque?
Traduit sous la direction de Monique Dixsaut.
« Le 20 janvier Lenz traversa la montagne. Les sommets et les hauts flancs de montagnes dans la neige, les vallées vers le bas, une pierraille grise, des surfaces vertes, rochers et sapins. » Au sein même de la nature, la menace couve déjà. Voilà l'itinéraire d'un homme qui s'éloigne, poète aux nerfs saccagés, sujet à de grands troubles psychiques. Sur ce chemin ponctué de rencontres et d'affrontements, nul apaisement ne peut plus être éprouvé. Reste le vertige d'un homme en lutte contre la désagrégation de son esprit.
Tels sont quelques-uns des éléments de ce récit basé sur une histoire réelle, celle du poète et dramaturge Jakob Lenz, ami de jeunesse de Goethe, lors de son passage dans les Vosges. Par le filtre de son imaginaire, Georg Büchner (1813-1837) a fait de la course folle de ce personnage étonnant l'une des histoires les plus troublantes de la littérature universelle.
" rené descartes est de fait le véritable initiateur de la philosophie moderne, en tant qu'il a pris le penser pour principe.
On ne saurait se représenter dans toute son ampleur l'influence que cet homme a exercée sur son époque et sur les temps modernes. il est ainsi un héros qui a repris les choses entièrement par le commencement et a constitué à nouveau le sol de la philosophie, sur lequel elle est enfin retournée après que mille années se soient écoulées.
« Il faut commencer en premier, tout de suite, par définir le sophiste. » Pour Platon il y a visiblement urgence car le sophiste est un personnage dangereux. Mais l'est-il encore pour nous? Ce mot, « sophiste », risque en effet de sonner comme un terme tombé en désuétude et désignant une chose qui l'est tout autant. De sorte que cette chasse au sophiste peut nous sembler dénuée non seulement d'urgence mais d'intérêt. À moins que... À moins qu'il ne faille plutôt se demander dans quel monde il faut vivre pour ne pas avoir conscience d'en habiter un voué au culte des images, des contrefaçons et des apparences, et d'abord de la sienne propre? Un monde où l'argent est devenu le critère d'évaluation de toute valeur et où la tromperie sur la marchandise est le fin du fin de l'habileté commerciale. Où l'on ne s'étonne plus de la marchandisation de la culture, où l'expression des opinions est devenue synonyme de liberté, où tout dialogue doit s'appeler débat et où tout débat est un spectacle sans conséquence. Mais le plus grave est que tout cela conduit à se méfier du langage et à lui dénier toute possibilité de vérité. Dans le Sophiste, c'est le langage et sa vérité que Platon s'efforce de sauver en l'ancrant dans l'être, ce qui va l'amener à affronter des difficultés redoutables. C'est pourquoi le Sophiste est sans doute le plus radical et le plus excitant de tous les Dialogues de Platon.
Le changement climatique soulève des questions philosophiques complexes. Les textes traduits et présentés dans ce volume s'appliquent à le montrer. Quelles sont les responsabilités des générations présentes envers les générations futures ? Quels devoirs de justice les individus et les États ont-ils envers les plus vulnérables aux impacts climatiques ? Quelles valeurs devraient guider nos actions individuelles et nos choix politiques en matière de changement climatique ? Quel rapport devrions-nous entretenir avec le reste de la nature ? Ces questions normatives forment le coeur de la philosophie du changement climatique, un champ de recherche récent mais en pleine expansion qui contribue au renouvellement de la philosophie dans un monde qui change rapidement.
Qu'est-ce que le patriarcat? Quels sont les effets de la domination masculine sur la production du savoir? Comment lutter contre le sexisme et les inégalités de genre? À partir d'un projet à la fois descriptif - décrire ce qu'est l'oppression des femmes et comment elle fonctionne - et normatif - montrer que l'ordre patriarcal est injuste et proposer des conceptions non sexistes du monde -, la philosophie féministe propose une analyse critique du canon philosophique, offre de nouveaux objets à l'analyse philosophique et en renouvelle les questions centrales. Ce recueil propose un ensemble de textes jusqu'alors peu accessibles au lectorat français, réunis en quatre thèmes - le rapport entre féminisme et philosophie, les épistémologies féministes, l'analyse politique de l'oppression de genre, les controverses sur l'humanisme et l'universalisme - pour découvrir ou approfondir la connaissance de ce champ.
Avec des textes de N. Bauer, Ch. Delphy, G. Fraisse, M. Frye, S. Harding, S. Haslanger, M. Le Doeuff, S. Moller Okin, U. Narayan, M. Wollstonecraft.
Au printemps 1714, la fine fleur des lettres anglo-irlandaises (Jonathan Swift, Alexander Pope, John Gay, John Arbuthnot...) se retrouve dans un pub, forme un club et projette d'écrire un livre collectif (il paraîtra en 1732). Doué pour la satire, ce groupe se demanda après beaucoup d'autres comment triompher de la bêtise, et il créa Martinus Scriblérus, scribouillard barbouillé de tous les arts et de toutes les sciences. En le visant, on attaquait les impostures morales, politiques et culturelles de son temps : théories absurdes, faux savoirs, idiotie intellectuelle, esprit de sérieux, prétendus conservateurs, soi-disant progressistes, etc. Trois siècles plus tard, Pierre Lafargue (auteur de La Grande épaule portugaise, vagabonde, 2020) et Pierre Senges (auteur d'Achab (séquelles), 2015, Verticales) ont voulu compléter le tableau de leurs illustres aînés, en apportant une touche personnelle à cette Histoire. La littérature, ce monstre bizarre qui a tendance à disparaître aussi vite qu'il est apparu, y reprend des couleurs grâce à leurs facéties redoublées.
Je me rappelle avoir affronté l'épreuve habituelle des scènes de rue en me rendant à la station de métro avec l'impression qu'on les avait disposées devant moi comme les photogrammes d'un film : scènes de pestilence mentale et de désorientation, enfants maltraités et parents humiliés. Les gens étaient perdus, amers, belliqueux, remontés les uns contre les autres. Leurs leaders les avaient dupés, il n'y avait plus rien à espérer. Ma mission consistait à prouver la valeur des liens humains et jusqu'où deux personnes pouvaient aller pour les défendre. J'allais restaurer la confiance en cette époque cynique, du moins selon ma propre version cinématographique.
Participant de l'effervescence d'une communauté d'artistes à Chicago, ville en pleine métamorphose dans la décennie 1980-1990, Frank et Sophie, nostalgiques d'un paradis perdu et attisés par leurs pulsions, partent se confronter à une autre réalité : celle du sous-continent indien. Tout en traversant ces zones vibratoires et frénétiques, ils connaissent les affres d'une relation amoureuse amorçant son déclin et interrogent les figures incantatoires de femmes de légende (Vierge Marie, déesse Kali, Maria Callas...), oracles mystificateurs saturés de forces spirituelles qui marquèrent le destin du monde. Mais, un jour, à Bénarès, Sophie disparaît. Bien qu'éprouvé par diverses expériences annihilatrices de son propre ego, Frank n'a pourtant pas d'autre choix que de tenter de la retrouver.
Deuxième volet de la trilogie (après À contre-courant rêvent les noyés) mettant en scène Frank Payne et ses proches, ce roman célèbre la relation d'êtres déstabilisés par leurs émotions. Salué comme l'un des peintres les plus lucides et les plus implacables de la dislocation de nos sociétés et du « couple moderne », Carl Watson est l'auteur de Sous l'empire des oiseaux et d'Une vie psychosomatique.
Des lignes sur une mappemonde, un passeport couvert de tampons, un mur, un barbelé : les expériences contemporaines de la frontière sont chargées normativement et émotionnellement, et largement déterminées par la structure de l'État-nation. Elles nous renvoient à la réalité de rapports de force qui façonnent, par leur arbitraire, les destins individuels, et sont un défi à nos théories de la justice. Mais les frontières ont aussi une réalité sociologique plus diverse, et peut-être plus pérenne et plus riche que la seule frontière nationale, qui peut être un recours pour affronter les questions ouvertes sur l'organisation d'ordres collectifs justes.
Lire est l'affaire de tous. Naturel en apparence, le geste n'en est pas moins complexe et même, souvent, difficile. Aussi faut-il s'y affairer et, avant tout, apprendre - à déchiffrer, à assimiler, à interpréter, à poursuivre les textes de ses propres pensées et actions.
Très vite en effet le naturel se fait ouvrier et, avec l'effort, viennent les risques et les échecs en même temps que les succès de la glose. Savons-nous vraiment lire? Serait-ce donc que nos interprétations ont toutes quelque valeur de connaissance ou d'action? Et donc qu'elles se vaudraient? Chose bien incertaine. Et que faisons-nous d'ailleurs, dorénavant, sur les réseaux qui nous inondent de mots et d'images? Lisons-nous encore? Il faudrait donc que le geste de tenir un livre et de fixer un écran soient les mêmes, ce à quoi personne ne s'accorde. Lire est donc bien l'affaire de tous, mais requiert aussi la plus stricte attention de chacun.
Des calculs de probabilité aux troubles de la personnalité, des électrons à la maltraitance des enfants, de la logique de l'induction aux fous voyageurs, l'éventail des objets abordés par Ian Hacking peut sembler déroutant. Cependant, dans toutes ses recherches, à l'intersection de la philosophie et de l'histoire des sciences, il s'attache à examiner, en toutes leurs nuances et variétés, le rôle joué par l'expérimentation dans les sciences de la nature et la spécificité des « espèces humaines » comme objets des sciences humaines et sociales.
Les textes réunis dans ce volume - dont certains publiés pour la première fois ici en français - montrent que les différents aspects de la production philosophique de Ian Hacking s'entre-répondent et dessinent ensemble un portrait complexe et articulé de la raison scientifique.
Son approche originale, au croisement (entre autres) de l'analyse conceptuelle, de la philosophie du langage ordinaire, de l'archéologie foucaldienne et de l'histoire des sciences, a contribué à ouvrir de nouveaux chantiers de réflexion, faisant de Ian Hacking l'une des figures les plus dynamiques et influentes non seulement dans le domaine de l'épistémologie philosophique, mais aussi en sociologie, en anthropologie et en histoire.