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Cornelius
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Rancho Bravo est un territoire sauvage de l'Ouest américain. C'est aussi un état d'esprit, une manière de concevoir la liberté, la vraie?: déguster un plat de fayots sous la nuit étoilée, se réchauffer devant une bonne flambée ou sillonner à cheval les plaines de l'Arizona. Mais Rancho Bravo, c'est surtout ce que le genre western peut produire de pire en matière de personnages?: des gangsters bas-du-front, des justiciers justiciables, des cowboys peureux et des cowgirls possessives, des militaires en manque affectif, des enfants cruels... des assureurs et des comptables.
Dans chacune des 12 histoires qui composent ce recueil, ces personnages se retrouvent malmenés sous la plume de Capron et le crayon de Blutch. L'univers du western n'est ici qu'un prétexte pour distiller un humour souvent féroce fait de scènes cocasses où l'absurde et le ridicule déclenchent l'hilarité.
Entourloupes et quiproquos, c'est le genre à la sauce parodique que les auteurs nous proposent, loin des clichés du cowboy viril et des femmes faciles du western classique de John Ford. Avec Rancho Bravo, Blutch et Capron nous serve un condensé d'humour noir qui vient dynamiter le politiquement correct, brisant au passage le manichéisme latent du genre. -
Charles Burns n'a jamais caché son intérêt pour les vieux comics à l'eau-de-rose et les pulsions adolescentes. Dans Sweet dreams, l'auteur de Dédales nous offre un condensé de ses thèmes de prédilection à travers une cinquantaine d'illustrations inédites. Cette série de dessins s'inspire d'un motif récurent, omniprésent dans les comics romantiques des années 1950-1960, l'image d'une jeune femme dans son lit en proie aux tourments de l'amour. Burns revisite cette esthétique kitsch en l'intégrant à son propre univers. Le rêve devient alors le lieu de toutes les passions. Auparavant doux et idyllique, il accueille désormais les peurs, les angoisses et les fantasmes.
Succès commercial massif aux États-Unis entre les décennies 1950 et 1970, les comics de romance furent produits et distribués à plusieurs millions d'exemplaires. Destinés aux jeunes filles, ils étaient généralement écrits et dessinés par des hommes d'âge moyen, la plupart du temps anonymes.
Dans Sweet dreams, Charles Burns joue, non sans humour, avec ce regard masculin qui a façonné pendant longtemps l'imaginaire collectif, pour mieux questionner la représentation de la femme dans la bande dessinée américaine. L'image édulcorée de la jeune fille innocente laisse ainsi place à des tourments plus sombres, redonnant à l'inconscient ses lettres surréalistes. Entre hommage et détournement, cette série d'illustrations nous plonge dans des rêves inquiétants, qui exercent tout leur pouvoir de fascination. -
Depuis plus de quinze ans maintenant, Éric Veillé s'évertue à traquer le sens de la vie dans les interstices du quotidien. Armé de son carnet de notes et de ses lunettes carrées, il fouille la tristesse des autres, observe les fesses des conifères, perquisitionne les chamois et interroge les clémentines qui chialent. Dans ce nouvel opus, il nous livre les conclusions de cette enquête au long cours et son verdict est sans appel : non content d'avoir des frères, le sens de la vie se multiplie.
Parcourant les cinq coins de l'humanité, Éric Veillé constate, documente, analyse et interroge. Il livre dans cet ouvrage près de 80 chroniques inédites, qui dévoilent toute la nature profondément prolifique et extrêmement contagieuse du sens de la vie. Alors, si vous vous retrouvez un beau jour à boire une mauresque sur les bords du lac Léman en compagnie de la brigade des moments suspendus, vous ne pourrez plus dire qu'on ne vous avait pas avertis. -
Que se passe-t-il dans la tête de Nicole Claveloux lorsqu'elle s'endort ? Il y a d'abord Loïc Lalune, le chef décorateur de l'imagination, Lili et Zizi Frisson spécialistes des sensations ou encore Madame Reine Bancale, experte de la mémoire en charge des archives et bien sûr la Grande directrice, Nicole Claveloux elle-même. Mais voilà qu'une belle nuit débarque Charles Chaposec, responsable discernement du département «Logique et raison», un homme rigide qui souhaite effectuer un contrôle de gestion dans le secteur des rêves. Et c'est ainsi que notre joyeuse bande s'embarque dans un voyage haut en couleur au pays des songes et des cauchemars...
Plus de quarante ans après sa dernière bande dessinée, Nicole Claveloux reprend du service et livre une oeuvre d'une richesse incroyable. Jonglant avec brio entre différents styles de narration, l'artiste joue avec les limites du cadre, déforme les phylactères et convoque des apartés avec le lecteur pour jouer de la mise en abîme. Elle n'a rien perdu de son goût pour le baroque et son dessin conserve l'impact et l'étrangeté qui ont fait sa réputation.
Les personnages, tous présents dans le cerveau de la narratrice, représentent chacun un pan de la personnalité humaine. À travers eux, Nicole Claveloux nous parle du culte de la performance, du lien entre l'artiste et son oeuvre et de l'importance d'écouter ses émotions. Tout en conservant son trait si particulier rempli d'humour malicieux et d'onirisme, elle offre avec ce livre une ode à l'imagination et à la fantaisie, et ouvre au passage une véritable réflexion sur la création et le métier d'artiste. -
Calfeutré dans l'atmosphère moite de son appartement, un homme nu est avachi devant sa télévision. Les sacs poubelles jonchent le sol, les objets s'accumulent, l'espace se rétrécit. Seul sur son îlot de déchets, l'homme semble coupé du monde depuis une éternité. Mais voilà qu'un matin, il disparaît pour de bon... Quelques semaines plus tard, une équipe de nettoyage est envoyée sur place pour vider les lieux. Parmi les agents, Adel, effectue son premier jour dans l'entreprise. Très vite, le jeune homme ne peut s'empêcher de s'interroger sur les raisons qui ont poussé le dernier locataire à un tel isolement. Une curiosité imprudente qui l'amène à s'identifier dangereusement au mystérieux occupant.
Dans cette bande dessinée, Jérôme Dubois s'intéresse au phénomène hikikomori, un état psychologique qui pousse certaines personnes à vivre cloîtrées dans leur chambre pendant des mois, voire des années. Ce point de départ sert de socle pour questionner notre rapport aux présences invisibles et à la mémoire des lieux. La gamme chromatique du livre, faite de rouge/vert/bleu, accentue ce jeu entre espace intérieur et extérieur en convoquant un regard sur le monde qui ne passe que par les écrans. De l'ensemble naît une atmosphère aussi lumineuse que pesante, presque irréelle, à l'image du fantôme par les yeux duquel nous suivons une partie de l'histoire.
Jérôme Dubois signe avec Immatérielune oeuvre somptueuse et métaphysique en réussissant le pari osé de mettre des images et des mots sur l'invisible. -
Absorbé par l'image déformée que lui renvoie le grille pain en face de lui, Brian Milner s'aperçoit qu'il est en train de dessiner un auto-portait. Dans la pièce derrière lui, à des années lumières de sa propre pensée, ses amis font la fête. L'esprit de Brian a déjà traversé l'espace pour se perdre dans un autre monde où tout est plus vivant, plus étincelant, lorsqu'une ombre se glisse derrière lui. Cette première rencontre avec Laurie marque le début d'une nouvelle histoire dont elle jouera le rôle principal.
Enchevêtrant subtilement le cinéma et la vraie vie, Dédales est le premier tome d'une série qui construit sa narration autour du rapport entre l'inconscient et sa représentation. Ce thème, qui puise ses sources dans les fondements de la psychanalyse, est ici décliné par Charles Burns à travers d'incroyables séquences où le rêve devient source d'inspiration de la fiction. Pour l'auteur, comme pour Brian, le personnage central de la série, la caméra et le crayon deviennent alors des outils introspectifs qui créent un pont entre l'imagination et la réalité. Burns s'amuse ainsi à nous semer dans différents niveaux de lecture pour mieux renforcer le sentiment d'étrangeté qui se dégage de ses illustrations. Il livre au passage un brillant hommage au cinéma fantastique et à sa capacité d'agir comme un miroir déformant de l'existence. Le premier tome de cette nouvelle série, publié en exclusivité mondiale, prouve une nouvelle fois le génie de Charles Burns à travers son aptitude à s'emparer de sujets toujours plus complexes tout en créant des liens délicats entre les disciplines artistiques, le tout, servi par un dessin époustouflant.
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Pour Brian Milner et Laurie Dunn, le clap de fin approche. Entourés de leurs amis, les deux protagonistes se réunissent une dernière fois près d'un lac pour tourner les ultimes scènes de leur film amateur. Le soir venu, autour du feu de camp sur lequel grillent les poissons pêchés dans la journée, l'heure est à la fête et toutes conditions d'une happy end sont rassemblées. Pourtant, l'histoire ne semble pas suivre le storyboard initial...
Enchevêtrant subtilement le cinéma et la vraie vie, Dédales est une série qui construit sa narration autour du rapport entre l'inconscient et sa représentation. Ce thème est ici décliné par Charles Burns à travers d'incroyables séquences où le rêve devient source d'inspiration de la fiction mais aussi une échappatoire à la réalité.
Jouant avec la confusion des genres, Burns nous plonge dans une histoire qui oscille sans cesse entre science-fiction, romance et film d'horreur pour mieux nous emmener là où on s'y attend le moins. Il nous offre dans ce dernier et ultime tome un dénouement sublime qui, comme dans tout grand film, laisse de profondes réminiscences bien après le générique. -
Alors que le premier tome de Dédales marquait la rencontre entre Brian, un jeune réalisateur au regard déroutant, et Laurie, l'égérie de son nouveau film, l'heure est désormais venue de commencer le tournage. Entourés de quelques amis, les deux protagonistes se retrouvent dans une cabane perdue au milieu de la forêt pour filmer les premières scènes. Les images du film s'esquissent à peine et les tensions émergent déjà au sein du petit groupe isolé...
Enchevêtrant subtilement le cinéma et la vrai vie, Dédales est une série qui construit sa narration autour du rapport entre l'inconscient et sa représentation. Ce thème, qui puise ses sources dans les fondements de la psychanalyse, est ici décliné par Charles Burns à travers d'incroyables séquences où le rêve devient source d'inspiration de la fiction. Pour Brian, le personnage central de la série, comme pour l'auteur, la caméra et le crayon deviennent alors des outils introspectifs qui créent un pont entre l'imagination et la réalité. Burns s'amuse ainsi à nous semer dans différents niveaux de lecture pour mieux renforcer le sentiment d'étrangeté qui se dégage de ses illustrations.
Cette nouvelle série, publiée en exclusivité mondiale, prouve une nouvelle fois le génie de Charles Burns à travers son aptitude à s'emparer de sujets toujours plus complexes tout en créant des liens délicats entre les disciplines artistiques comme entre les personnages, le tout servi par un dessin époustouflant.
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Akumakun Tome 1 : L'enfant qui parlait aux démons
Shigeru Mizuki
- Cornelius
- Paul
- 13 Juin 2024
- 9782360812189
La légende raconte qu'une fois tous les 10 000 ans, naîtra sur terre un enfant exceptionnel, capable de comprendre les écritures anciennes qui permettent d'invoquer les créatures de l'autre monde.
Shingo Yamada est un garçon surdoué âgé d'une dizaine d'années. Doté d'un esprit malin et utopiste, son voeux le plus cher est de créer un monde où chacun vivrait heureux dans une harmonie bienveillante. Passionné par tout ce qui touche au mystérieux, ses amis l'ont surnommé Akuma-kun, le petit diable. Lorsqu'il rencontre l'étrange Docteur Faust, ce dernier lui apprend qu'il est « l'élu ». Avant de mourir, il lui enseigne l'ultime technique pour faire apparaître des démons et lui offre la « flûte de Salomon », un instrument magique qui permet de plier les monstres à sa volonté.
Accompagné de Méphisto, le premier démon qu'il invoque, notre héros devra combattre de puissants sorciers déterminés à récupérer la flûte de Salomon pour servir leurs propres intentions maléfiques. Il devra également protéger le monde des redoutables yôkai qui souhaitent parasiter l'ordre établi.
Avec ses personnages attachants et délurés, Akuma-kun est un manga délicieux, où l'on retrouve avec plaisir l'imagination débridée de Shigeru Mizuki. Oscillant entre horreur et fantaisie espiègle, cette oeuvre culte au Japon prouve, encore une fois, tout le génie de l'auteur. Une histoire intemporelle et superbement dessinée qui marie avec délicatesse noirceur et légèreté ! -
On imagine volontiers Anouk Ricard s'attabler chaque matin au bistro du coin, pour y dépouiller les Dernières Nouvelles d'Alsace ou La Provence, et traquer, à travers la presse quotidienne régionale, le crime crétin et le drame dérisoire.
Sa fantaisie se met alors au travail. Elle fait dérailler l'anecdote, l'envoie brinqueballer sur les chemins de traverse de la réalité, à la rencontre d'une conclusion, lamentable et loufoque dans sa logique même. Ces histoires courtes retrouvent l'humour anarchiste des récits en trois lignes de Félix Fénéon ou des détournements de Gabriel de Lautrec, basés eux aussi sur les faits divers.
La ménagerie de l'artiste peut sembler enfantine. Méfiez-vous des apparences. Le canard bleu, le cheval jaune ou le chien myope renvoient l'image d'une humanité mesquine, ridicule et pas au mieux de sa forme. Aussi empotés que décalés, les personnages de Faits divers prouvent de façon hilarante que le crime ne paie pas, du moins s'il est commis par des imbéciles.
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Alerte ! Enid et Becky, les enfants terribles de Daniel Clowes, sont de retour ! Et elles n'ont pas perdu une once de cynisme.
Enfin ! Le temps est venu pour Ghost world de rejoindre le catalogue Cornélius, auprès du reste de la progéniture de Daniel Clowes (David Boring, Wilson, Mister wonderful), le grand peintre de la cruelle banalité de la vie quotidienne.
Près de vingt ans après sa première parution chez Fantagraphics Books, Ghost world, dont les héroïnes ont toujours la peau grasse, est LE roman graphique emblématique de l'adolescence désabusée. Clowes s'immisce dans la vie d'Enid et Becky, à cet âge ingrat qu'elles sont prêtes à quitter, non sans regrets inavoués.
En retraçant l'été des deux amies jusqu'ici inséparables - mais cela ne saurait durer - Ghost world évoque leur petite existence minable, dans un bled tout aussi minable du fin fond des États-Unis.
Enid Coleslaw (mais ?! c'est l'anagramme de Daniel Clowes !) et Rebecca Doppelmeyer posent un regard glacial sur le monde et les adultes qui le peuplent, à commencer par leurs parents, qui ne sont pour elles que des enveloppes charnelles sans convictions à qui elles désespèrent de ressembler un jour. Va pourtant se poser la question, à l'issue du récit, de savoir ce qu'il adviendra de leur vie désormais.
Une fois encore, Daniel Clowes crache au visage de l'Amérique conformiste et propose sa vision d'un « monde de fantômes » vide de sens, où des étincelles de beauté peuvent naître là où on ne les attend pas.
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Rassemblées pour la premières fois dans un recueil, les histoires présentent dans ce 6e numéro de la collection Kim ont toutes pour point commun de jouer sur le non-sens et l'absurde. Généralement muettes - si l'on exclue les nombreuses onomatopées et les langues extraterrestres - les courts récits présents de cet ouvrage laissent à Crumb tout le plaisir de jouer avec le dynamisme de son dessin. Les personnages sautent dans tous les sens, se frappent la tête contre les murs, explosent en feu d'artifice poussés par un mouvement permanent délirant ou évoluent dans un décor complètement surréaliste. À l'instar du célèbre «?Keep on truckin'?», il faut continuer d'avancer coûte que coûte, même lorsque l'on a conscience de ne pas savoir où l'on va.
Réalisées entre les années 1960 et 1980, les histoires d'Absurd comics témoignent de l'esprit retors de Robert Crumb qui se plait à nous conter, non sans humour, un monde qui a renoncé à comprendre son but. Fourmillante, trépidante et décalée, chaque planche est un régal visuel qui dégage une énergie sans pareil. -
Lorsque Jérémy et Gabriel décident d'adopter Sacha, un adorable bébé hybride akutézoïde, ils ne se doutent pas du terrible avenir qui les attend. Sept ans plus tard, Sacha est devenue une petite fille tout a fait normale. En apparence seulement. Car elle communique secrètement avec ses semblables grâce à l'antenne télépathique qui orne son front. Et voilà qu'un beau jour, les hybrides décident d'un commun accord de quitter la Terre pour retourner sur leur planète d'origine...
Dans cette première bande dessinée, Ludovic Lalliat nous plonge dans un univers de science-fiction sombre et brutal qui interroge en profondeur la notion d'intelligence collective et ses conséquences sur les libertés individuelles. Que reste-t-il du libre arbitre et de l'identité dans une société où chaque individu est connecté dès son plus jeune âge à un réseau de pensée commun ? Comment s'émanciper d'un système bâti sur l'ultra-communication?? À travers ce récit haletant sur fond de drame social, Ludovic Lalliat explore des problématiques modernes dans un univers qui n'est pas sans rappeler celui d'Akira de Kastuhiro Otomo.
Servi par un style expressif et un rythme soutenu qui évoque le travail d'Alex Toth ou de Frederik Peeters, Akutézoïde est une oeuvre dont la maîtrise technique témoigne d'une grande maturité. Loin de tomber dans les clichés et les poncifs du genre, Ludovic Lalliat nous prouve que la science-fiction n'a pas encore dit son dernier mot. -
Jack et Patience filent le parfait amour, malgré quelques problèmes d'argent ils forment un couple harmonieux et comblé par l'arrivée futur de leur premier enfant. Un jour, ce bonheur vole en éclats. Jack rentre du travail et découvre qu'un étranger lui a arraché son fragile équilibre familial. Pour empêcher l'irréparable, Jack fera tout ce qui est en son pouvoir même si pour cela il doit courber l'espace et le temps.
Daniel Clowes signe ici l'une des oeuvres les plus abouties et des plus accessibles de sa carrière. Avec subtilité, il joue avec les codes de la science-fiction pour mieux exprimer les sentiments complexes de ces protagonistes. Fluide et addictive, la lecture de Patience transporte le lecteur dans un tourbillon d'émotions jusqu'au dénouement final, proche du «happy end». Avec une virtuosité incomparable, l'auteur utilise la fiction et les voyages temporels pour mieux aborder des problématiques multiples, la construction de l'identité, la part du secret dans le couple, le deuil, la vengeance et bien sûr, l'amour. Sorte de Retour vers le futur pour adulte, Patience mélange rêves d'enfance et questionnement matures dans un enchevêtrement de rebondissements et une intrigue à couper le souffle.
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Bercé par les bras de Tateishi, quartier de Tokyo défavorisé hanté par les prostituées et les yakuzas, Tadao Tsuge, pionnier du manga alternatif des années 60, nous renvoie l'angoissant reflet de cette civilisation japonaise, marquée au fer par la Seconde guerre mondiale, ayant tant influencé ses oeuvres. Tsuge donne naissance à des personnages au caractère irascible pris dans un tourbillon de situations plus qu'improbables, dont certaines sont inspirées de sa propre vie, notamment celles ayant lieu dans une banque de sang clandestine (la vente de sang est officiellement interdite au Japon en 1968) où au sein d'un cercle familial violent. Différant de son frère, Tadao Tsuge dénue de tout romantisme et de toute sensualité la rudesse de la vie du peuple japonais avec une précision digne du reportage journalistique. Il s'attache à dépeindre sans fard les petits, les laissés-pour-compte, les truands et les proxénètes, les prostituées, les fous, les alcoolos, qui luttent chaque jour pour leur liberté, la quête de sens ou simplement leur survie. Tout un bestiaire sur lequel les autorités de l'époque, tirant le pays à marche forcée vers la reconstruction et le progrès, préfèrent fermer les yeux.
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Seymour, 27 ans, d'origine irakienne, est monteur dans le cinéma du Hollywood des années 1970. Films de série B, bandes annonces... il n'est que simple exécutant au sein des studios Revery. Or, Seymour se rêve cinéaste, et espère qu'il pourra bientôt réaliser son premier projet, Blood of the virgin, un film de loup-garou qu'il a presque fini d'écrire. Lorsqu'on lui propose enfin de le produire, le budget alloué est minime, on lui en refuse la direction et il s'en retrouve très vite complètement dépossédé. Perpétuellement rabroué lors des conflits avec ses collaborateurs et leurs egos, Seymour traverse en même temps une crise dans son couple, fragilisé depuis la naissance de leur fils.
Tout semble lui échapper à mesure qu'il s'accroche. Seymour évolue dans un système qui broie les individus, les rend fous ou désabusés. Dans un monde où les apparences deviennent identités et les vérités avancent sous le masque du non-dit, il n'a pas d'autres choix que de partir en quête de lui-même et de la femme qui partage sa vie.
Cette histoire captivante et profonde sur le désenchantement du rêve hollywoodien s'enrichit de digressions géographiques et temporelles, de changements de points de vue et d'un découpage nerveux et cinématographique.
Sammy Harkham réussit avec brio à nous plonger dans le quotidien de ses personnages, dont la sensibilité et l'imperfection provoquent immédiatement l'attachement. -
Mizuki pose une question aujourd'hui encore sans réponse : qui était Hitler ? Pour circonscrire cet effrayant mystère, il convoque les avatars du Führer : l'étudiant famélique, le caporal bavarois, l'agitateur politique, le chancelier du Reich, le chef de guerre.
De la synthèse de ces images multiples et contradictoires naît un personnage rusé et naïf, cabotin et cruel, inquiétant et ridicule, silhouette dérisoire qui sifflote, enrage, pleure et répète : "Mon empire durera mille ans". Son expression se concentre dans ses moustaches et dans un regard, tour à tour hypnotique comme celui de Mabuse, ou mouillé comme celui en battu. Pour décor, le mangaka use de photos d'archives, qui soulignent la froide réalité de la tragédie mais créent aussi l'ambiance expressionniste et angoissante d'une Allemagne hantée, possédée, où rôde la Mort montée sur son cheval pâle.
Claier et didactique, cette biographie déroule les étapes d'une catastrophe implacable, rythmée par le bruit des bottes. Si elle reproduit parfois la légende hitlérienne, noire ou dorée, elle évite de diaboliser son sujet, qui demeure humain, trop humain. Terré dans son bunker, l'artiste frustré meurt sous l'écroulement de son oeuvre, le Reich de mille ans. Il n'est plus qu'un cadavre anonyme parmi des millions d'autres.
Le charnier de l'Histoire engloutit les victimes et leurs bourreaux. Les ruines de Berlin font écho à celles de Hiroshima ou de Nagasaki. La folie de Hitler est celle d'un homme, de tous les hommes.
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Le mangaka évoque les difficultés du métier à travers sa propre expérience. Il raconte ses années de galère pour percer dans le milieu, son retour en Nouvelle-Guinée et la nostalgie du bonheur dans un Japon en pleine expansion économique et culturelle.
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Le 25 juin 2005, lassé d'attendre que son pantalon se défroisse, Éric Veillé décide de partir à la recherche du sens de la vie. Équipé d'un carnet à dessin et d'une paire de lunettes, il mène sa quête entre Pornic et Le Pouliguen.
Se faufilant entre boulimiques en anorak et Nadine habituelles, il recueille chuchotis, grommelots et ronchonnages dans de petits sachets. Ce qu'il découvre alors est édifiant... Les sacs ont leur propre langage, certaines femmes donnent leur corps à la soupe et la moutre du sud est en voie de disparition.
Sous ses yeux, une humanité doucement abrutie profite de l'absence du chef pour siffler au bureau, grignote de petits apéritifs en papotant et attend la mort pour pouvoir dire : « Ah, la voilà ». Les hommes ressemblent parfois à Gérard Jugnot. Ils portent souvent une moustache à la place d'un prénom et regardent leurs semblables mâcher de la nourriture. Ce n'est pas passionnant mais ça change.
L'ennui se glisse dans les plis de la peau et pour se distraire d'un quotidien au goût de francfort industrielle, on évoque les mauvais moments ou les meilleurs, qui sont d'ailleurs les mêmes. On parle, on parle et un jour ça s'arrête.
On se rend compte, alors, que pour le sens de la vie, il fallait prendre la sortie d'avant. De toute façon, à cause des bouchons, on ne serait pas revenu à temps pour le dîner.
Un livre hilarant, qu'on glisse facilement dans la poche pour l'avoir toujours sous la main en cas de morosité passagère ou de vague à l'âme compulsif.
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Le succès sans commune mesure de la bande dessinée au Japon, son ancrage dans la société, sa forme unique et ses thèmes de prédilection, s'expliquent une fois placés en regard de l'Ere Showa (1926-1989). Les biographies des pionniers du manga, de Vie de Mizuki de Shigeru Mizuki à Une vie dans les marges de Yoshihiro Tatsumi, témoignent autant de l'explosion d'un art populaire que de cette période parmi les plus complexes de l'histoire du Japon.
La Vie de Mizuki rappelle qu'en un peu plus d'un siècle, cet archipel presque exclusivement constitué de villages de pêcheurs s'est mué en l'une des plus grandes puissances industrielles mondiales. Entre-temps, un élan de modernité et de nationalisme a emporté ses hommes vers la guerre, avant de rapatrier les survivants sur une terre occupée, en perte d'identité, en marche d'industrialisation forcée, démunie de son armée et de son besoin de produire de l'énergie.
Cette société qui n'aurait plus besoin de se défendre ni de se nourrir allait accoucher d'une forme d'expression naturellement enfantine, mais d'une richesse indéniable : le manga. Shigeru Mizuki, cet artiste qui a ressuscité le goût du folklore au Japon, incarne plus que quiconque cette édifiante réaction artistique face au poids de l'Histoire : celle d'un homme qui a perdu un bras au combat et rentre dans son pays pour donner vie à un courageux fantôme à qui l'on a volé un oeil.
Récit d'un destin hors du commun, témoignage unique sur la mutation d'un monde, Vie de Mizuki est une extraordinaire fresque romanesque qui embrasse un siècle de chaos et d'inventions.
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Durant la période couverte par ce sixième volume, la production de Yoshiharu Tsuge connaît un nouveau passage à vide. Marqué par la dépression, affaibli par les traitements psychiatriques auxquels il est soumis et fatigué par les efforts que lui demande la bande dessinée, Tsuge est bien décidé à renoncer à son métier pour devenir antiquaire. Après les trois premiers récits qui ouvrent Désir sous la pluie, il cesse de publier pendant presque trois ans, ne revenant à la bande dessinée qu'en 1984, sur l'insistance de l'éditeur Hiroshi Yaku, qui propose de créer un trimestriel autour de son nom. Tsuge livre des récits moins torturés que dans Saisi par la nuit (oeuvres 1975-1981) et se montre étonnamment régulier. Puisant majoritairement son inspiration dans son enfance et sa jeunesse au dépend des visions oniriques qu'il avait privilégiées les années précédentes, il donne des suites ou des compléments à des histoires publiées par le passé. Mais, fidèle aux principes du Watakushi manga (le manga du moi), il s'attache moins à la réalité des faits qu'à la vérité des émotions. Il se représente sous des identités et des visages changeants, moins soucieux de raconter ses souvenirs que de suivre le fil impressionniste de ses perceptions. Il laisse aussi libre cours au déploiement de ses obsessions sexuelles, brodant sur des bases autobiographiques les motifs récurrents de ses fantasmes. La forme des récits et leur traitement graphique affirment une quête de simplicité entièrement dirigée vers l'expression de la complexité émotionnelle. Tsuge trouve ici sa pleine maturité, quelques mois avant d'entamer L'homme sans talent.
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Francis Tome 3 : Francis cherche l'amour
Jake Raynal, Claire Bouilhac
- Cornelius
- Delphine
- 29 Août 2013
- 9782360810727
Depuis le premier tome des aventures de Francis, les adeptes du Blaireau Farceur se sont multipliés comme des hamsters.
Dans ce troisième opus, notre ami est de retour dans la campagne, mais en chasse, cette fois. Une quête ingrate et passionnée.
Et toujours une nouvelle édition considérablement augmentée.
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Francis Tome 1 : Francis, blaireau farceur
Jake Raynal, Claire Bouilhac
- Cornelius
- Delphine
- 29 Août 2013
- 9782360810703
Une véritable ode à la nature : Francis, blaireau mâle de forte taille et de caractère impulsif, vit la nuit et se promène dans la campagne dans la journée.
Les conséquences de cet acte inconsidéré sont toutes présentes dans ce livre instructif.
Nouvelle édition considérablement augmentée.
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Comme un gant de velours pris dans la fonte
Daniel Clowes
- Cornelius
- Solange
- 26 Novembre 2004
- 9782909990453
Clay, le héros de Comme un gant de velours pris dans la fonte, part à la recherche des producteurs d'un snuff movie dans lequel il a cru reconnaître sa femme, disparue quelques temps plus tôt. Sur cette trame, Daniel Clowes organise un road movie cérébral qui abolit toute frontière entre cauchemar et réalité. Dans ce chaos nocturne, parfois simple transposition hallucinée des peurs et des solitudes urbaines, il nous porte à entrevoir l'ombre fugitive et glaçante d'une horreur intime et universellement partagée.