Par-delà l'idée d'un chemin électoral vers la démocratie et des muta- tions institutionnelles mises en place depuis les années 1900, on constate que les logiques familiales dans l'accès aux positions et ressources du pouvoir font toujours sens et restent logées au coeur des trajectoires socio-historiques de l'État et des modes de transfert du pouvoir dans les sociétés africaines. Elles continuent d'alimenter les relations de loyautés et d'allégeances politiques, ainsi que le renouvellement du personnel politique.
Ce dossier interroge les registres émotionnels dans lesquels s'expriment les rapports de domination dans les sociétés africaines contemporaines. Cette politique des affects permet de voir comment l'univers politique est dominé par un langage de séduction mobilisant et manipulant les registres émotionnels de la famille et de la parenté.
Ce numéro entend donc restituer les logiques originales de production de la famille comme lieu du politique que ce soit en termes d'énonciation, de représentations ou de pratiques. Les contributions soulignent combien l'imbrication entre famille et politique prévaut dans de nombreuses régions, tant en Amérique du Nord et du Sud, en Europe, en Asie, que dans les États arabes ou qu'en Afrique, afin d'aban- donner les préjugés concernant les sociétés perçues comme ayant des familles « archaïques » ou des politiques « exotiques ».
Dans les Afriques musulmanes, les réformes juridiques relatives à l'égalité des sexes confrontent les Etats à une problématique similaire : se conformer aux standards internationaux de non-discrimination tout en préservant les normes coutumières et religieuses. Ces processus révèlent combien les règles de droit ne sont pas neutres mais le fruit d'une lutte entre différents acteurs sociaux et politiques, dans laquelle les femmes prennent toute leur part.
A la fois cibles et actrices des réformes, elles ont recours à des argumentaires et répertoires d'action tributaires de la diversité des architectures juridiques et politiques des pays concernés, de la place que la loi islamique y occupe, mais aussi des domaines du droit en jeu ou encore de l'ancrage historique des mobilisations de femmes. En considérant les processus de réforme à partir d'une triple perspective (mise à l'agenda, mobilisations, application), les textes de ce numéro s'attachent à analyser le degré d'influence des normes internationales, les spécificités des mobilisations juridiques des femmes dans ces pays à majorité musulmane, mais aussi le rôle que peut jouer - ou non - le droit dans la reconfiguration des rapports de genre.
En contextualisant les appels contemporains à l'application de la charia comme ressource ou contrainte pour la réforme, les contributions analysent également la norme islamique en restituant son historicité et ses appropriations plurielles dans les Afriques musulmanes.
La sorcellerie n'est pas seulement une affaire privée qui se joue au sein des familles, elle concerne également les institutions jusqu'au coeur même de l'État.
Celles-ci se retrouvent de plus en plus souvent prises dans le cercle mortifère des rumeurs, accusations et violences, quand elles ne participent pas elles-mêmes à l'expansion du schème d'interprétation sorcellaire.
Devant ce constat, ce numéro examine à travers une série d'études de cas com- ment les institutions et leurs acteurs font face à la sorcellerie. Centrées sur l'analyse des dynamiques de l'imputation et de la stigmatisation, les contribu- tions portent aussi bien sur les institutions les plus centrales de l'État (la justice, nationale mais aussi internationale, la police, l'école) que sur les institutions sanitaires, religieuses et sportives ou encore les médias. Elles s'intéressent par exemple aux réactions d'indignation des opinions publiques et à la mobilisation de l'éthique des droits de l'homme face aux lynchages de présumés sorciers. Elles abordent également la question de l'irruption de la sorcellerie dans le contexte de la migration en s'intéressant aux réfugiés et aux institutions responsables de leur prise en charge.
Mais ce sont aussi les anthropologues eux-mêmes qui doivent faire face à la sorcellerie. Souvent interpellés par les acteurs au même titre que les juges, les journalistes ou les médecins, les chercheurs se trouvent alors confrontés à des dilemmes éthiques qu'ils ne peuvent plus longtemps éluder.
Au Soudan, les notions d'arabité et d'islamité sont au coeur de dynamiques définissant l'appartenance des populations. Centré sur une démarche interdisciplinaire, attentif aux phénomènes de la longue durée et à l'ancrage empirique d'enquêtes situées, ce numéro porte une ambition comparative allant au-delà de la spécificité du cas soudanais.
Aujourd'hui le développement semble pris entre trois feux: les interventions humanitaires de plus en plus urgentes, la mondialisation marchande accélérée par les pays devenus émergents et enfin les crises financières qui ont remis les pays occidentaux au coeur de cette problématique.Il n'est plus possible de penser théoriquement et empiriquement le développement comme dans les années 1960-1990. La quinzaine d'articles rassemblés ici s'organisent autour de deux grandes préoccupations : la confrontation transversale (et intra-continentale) des champs d'analyse (l'urbain, le rural, la communauté, la pauvreté, l'État, les acteurs et la société civile) d'une part, et les pratiques méthodologiques et déontologiques des recherches (l'approche des développeurs et des agents publics, la question de la consultance, du rôle des chercheurs nationaux et de la restitution des résultats) de l'autre.
Envisagés comme acteurs d'un néo-colonialisme résilient, touristes envahissants, expatriés nantis de privilèges exorbitants, les Européens en Afrique, y compris dans la période coloniale, ont rarement été considérés comme des migrants.
Derrière les grands débats sur les relations internationales et transnationales, il faut constater que la question des mobilités a souvent été négligée. Et pourtant, force est de constater que les circulations entre l'Europe et l'Afrique ne se sont jamais complètement interrompues depuis la colonisation et connaissent même aujourd'hui un très net regain.
Les contributions réunies dans ce numéro visent d'abord à analyser ces mobilités, les décrire dans leurs régimes et leurs diversités historiques et contemporaines.
L'enjeu est ici de mettre en perspective, compte-tenu du faible nombre de travaux sur ces thèmes, ces situations dans leur variété géographique (Maghreb, Afrique francophone, lusophone, anglophone). Il est aussi question d'ouvrir la réflexion à l'échelle des populations européennes en Afrique plutôt que de se concentrer sur les seuls agents nationaux de la colonisation. Enfin, certains de ces articles s'appuient sur ces mobilités pour revisiter et interroger la lourde question du rapport colonial.
Au-delà des différents terrains et situations historiques, le point commun des articles est de privilégier l'expérience des acteurs, les témoignages et le vécu individuel, sans négliger pour autant l'évolution des points de vue institutionnels sur ces questions.
La naissance du système congolais de protection sociale a été laborieuse et s'est faite par étapes. Si son essor a été remarquable, on constate qu'il connaît actuellement des difficultés financières qui menacent son existence même. Il est donc indispensable de sortir des limites dans lesquelles il a toujours été confiné pour permettre de traiter des problèmes nouveaux que sont, à la fois, le développement de la pauvreté, l'extension au secteur informel, le lien entre la protection sociale et l'emploi, la capacité d'organisation des populations.
Les années 1990 ont été décisives pour l'émergence, la structuration et l'étude de l'art contemporain issu d'Afrique. À travers d'importantes expositions panoramiques à vocation inclusive et d'intenses débats questionnant la légitimité d'une catégorie, contestable pour d'aucuns, nécessaire pour d'autres, c'est tout un champ de production et de recherche qui s'est élaboré.
Dans ce cadre, les questions de réception ont joué un rôle clé. Focalisé principalement sur les quinze dernières années et cherchant à en cerner les spécificités, ce numéro thématique prend du recul par rapport à ces questions. Plutôt que de se focaliser sur les façons dont artistes et oeuvres ont été accueillis et mis en scène, plutôt que de centrer la réflexion sur les lectures dont ils ont fait l'objet, il s'attache à étudier la capacité d'action des artistes et des acteurs culturels en compagnie desquels ils évoluent. Afin de répondre à ces interrogations, ce numéro décline une série de douze cas d'étude, s'appuyant sur des enquêtes de terrain, des recherches en archives, le suivi d'expérimentations.
Les contributeurs explorent la capacité des protagonistes du domaine de l'art contemporain en Afrique à négocier leur place au sein d'un espace artistique globalisé, exercice parfois marqué de désillusions, de malentendus ou encore de controverses.
Un an après le décès de Georges Balandier, le 5 octobre 2016, les Cahiers d'Etudes africaines rendent hommage à un fondateur et un continuel inspirateur. C'est ainsi la quête d'une présence absente, d'une dimension cachée de la revue, qui a animé la construction de ce numéro. Par son style fluide, insaisissable, au sens où il ne peut être capturé par un appareil théorique, Georges Balandier a développé une pensée ouverte aux surgissements, à la dynamique perpétuelle des mondes sociaux, prête à toujours proposer de nouvelles catégories adaptées aux situations et à leurs reconfigurations.
A travers une oeuvre caractérisée par un champ sémantique à la fois riche et évolutif, cet homme de science et de lettres a commuté en objets de recherche une vaste série de questionnements et a tracé des lignes de pensée, prolongées par diverses entreprises de recherche, notamment sur l'actualité des terrains africains.
« À qui doit-on ce que l'image montre ? Qui est responsable ? Est-ce excusable ? Était-ce inévitable ? Y a-t-il un état des choses que nous avons accepté jusqu'à présent et qu'il faille désormais contester ? », se demande Susan Sontag, en se mettant dans la peau d'un spec- tateur occidental qui tenterait de décrypter une photographie de presse montrant un événement dramatique lointain, sans réussir à en embrasser pleinement la complexité.
Tout au long de son histoire, l'image photographique s'est retrouvée au coeur d'enjeux politiques, sociaux et éthiques majeurs. Si, dans le cas de l'Afrique, beau- coup a été écrit sur la photographie comme instrument de coercition (colonial, scientifique), qu'en est-il en revanche d'une photographie qui conteste, « résiste », émancipe ? Dans quels contextes spécifiques cette dernière est-elle fabriquée, par qui, pour qui et avec quels moyens ? Quels sont les réseaux, physiques et numé- riques, qui la redistribuent et la rendent ainsi accessible ou, à l'inverse, invisible ?
Quels sont ses filiations et ses impacts ?
L'objet, au sens le plus concret, de ce numéro, est le papier en tant que surface matérielle d'expression et d'impression. Il s'agit de questionner les interactions produites entre les messages textuels et leur forme, par la mise en page, les styles d'écritures, les figurations.
Des mains de l'artisan à celles du chercheur, la lettre, le document d'identité ou le Coran personnel se sont chargés de la mémoire et de l'expérience de nombreux intermédiaires. Croisé avec l'étude textuelle des documents, l'objet écrit peut mettre en lumière des messages contradictoires, des sous-textes et des histoires qui seraient restés silencieux autrement. La prise en compte du matériau de l'écrit questionne le rôle de l'artefact scripturaire dans des sociétés largement orales, et son analyse rend leur voix à de nombreux acteurs présents et passés en Afrique.
Fruit d'une collaboration scientifique entre l'Institut des Mondes Africains à Paris et le Centre for Middle Eastern Studies de l'Université de Bergen, ce numéro réunit des historiens, des archéologues et des anthropologues de l'Afrique du Nord et de l'Afrique subsaharienne, unis par la volonté de redonner leur parole aux papiers et aux agents qui les manipulèrent en Afrique, du haut Moyen-Âge à aujourd'hui.