Littérature
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Boule, un pauvre chien errant des rues de Moscou, est recueilli par l'éminent professeur Préobrajenski qui l'emmène à son domicile.
En ces temps troublés qui suivent la révolution de 1917, le scientifique, privé de son laboratoire, entend bien poursuivre chez lui son ultime expérience. Au risque de donner vie à un être incontrôlable.
Interdit par la censure dès sa rédaction, en 1925, ayant circulé « sous le manteau » pendant des décennies jusqu'à sa publication en Occident à la fin des années 1960, Coeur de chien est sous le couvert du fantastique une féroce et hilarante satire du nouvel ordre soviétique et d'un système absurde visant à la création de l'« Homme nouveau ».
Parue en 1990 à Moscou et jamais rééditée, cette superbe traduction d'Alexandre Karvovski rend à ce texte incomparable son irrésistible et inquiétante drôlerie.
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Sur le conseil de Maxime Gorki qui l´avait incité à « courir le monde pour acquérir de l´expérience », Isaac Babel, alors apprenti écrivain, s´engage comme correspondant de guerre dans l´Armée rouge durant la guerre soviéto-polonaise de 1920. De mai à septembre 1920, cet intellectuel juif porteur de lunettes accompagna à travers la Volhynie, sous le pseudonyme de Kirill Lioutov, les cosaques de la 1re armée de cavalerie commandée par Boudionny, qui se bat contre les Blancs et les Polonais. Ces quelques mois donneront naissance au livre qui a fait sa gloire et qui fut très vite traduit dans toutes les langues. Les textes de Cavalerie rouge, d´abord publiés séparément dans des revues et des journaux, furent rassemblés pour la première fois en recueil par Babel lui-même en 1926. Babel a trouvé dans ces événements vécus, l´inspiration de ces récits « rouge » qui font penser aux Désastres de la guerre de Goya : prisonniers fusillés, cadavres accrochés aux arbres, femmes éventrées.. La truculence, la passion, le sombre humour de Babel remettent en question la condition humaine. Les horreurs de la guerre sublimées par la prose envoûtante d´un immense écrivain qui devait finir, comme tant d´autres, fusillé par Staline. « On ne saurait trouver nulle part une évocation plus cruelle, plus sauvagement belle, d´une époque extraordinaire où les pires horreurs prennent un aspect presque quotidien. Grâce à l´art de Babel, les atrocités et les scènes les plus répugnantes revêtent une grandeur épique. » (André Pierre) L´auteur : Né à Odessa en 1894, Isaac Babel se rallie à la révolution en 1916. Il rencontre Gorki qui l´encourage dans ses débuts littéraires. En 1920, il entre dans l´Armée rouge, expérience dont il tire en 1926 un recueil de nouvelles, Cavalerie rouge. Critiqué violemment parce qu´il ne célèbre pas assez « la vie nouvelle », il se retire de la vie littéraire en 1930. Injustement dénoncé, il est arrêté en 1939 et fusillé en 1940.
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Scandaleuse histoire
Fedor Dostoïevski
- Ginkgo
- Petite Bibliotheque Slave
- 6 Décembre 2023
- 9782846795531
Le célèbre écrivain russe Alexeï Remizov (1877-1957) , émigré à Paris après la Révolution russe, laissa derrière lui quelques formidables traductions, souvent faites en collaboration avec son ami Jean Chuzeville.
L'une des plus belles et étonnantes de ces traductions est celle de « Scandaleuse histoire » (aussi connu en France sous le titre « Une sale histoire ») de Dostoïevski. parue en 1945 aux éditions des Quatre Vents, avec de sublimes illustrations de Georges Annenkoff.
Scandaleuse histoire est un des récits les plus drôles de ce maître de l'humour qu'était aussi - on l'oublie parfois - Dostoïevski. Peu avant l'abolition du servage en Russie en 1861 et en pleine période de réformes, un haut fonctionnaire d'État, Ivan Pralinsky, jeune et plein d'idéaux, dîne avec deux collègues plus âgés. Le vin l'échauffe : il faut "aller vers le peuple", il faut mettre en oeuvre "l'humanitarisme vis-àvis des subordonnés" qui adoreront en retour leurs supérieurs. Sur le chemin de retour vers chez lui et alors que son cocher l'a planté, il apprend que non loin a lieu la fête de mariage d'un des ses subordonnés, Pseldonimov. Est-ce un signe du destin qui le pousse à appliquer ses idées ? Qu'à cela ne tienne, il va s'inviter à la noce. Tous salueront sa présence, tous l'écouteront, tous tomberont en adoration devant lui, devant sa bonté et sa grandeur d'âme. Mais rien ne va se passer comme prévu...
Critique des bons sentiments et des idéaux détachés des réalités, Scandaleuse histoire est un des textes les plus actuels et mordants de Dostoïevski, et les somptueuses illustrations d'Annenkoff en soulignent l'irrésistible drôlerie. -
La Maison Bourkov, du nom du propriétaire que personne n'a jamais vu, est un immeuble de Saint-Pétersbourg, où, à côté de quelques appartements luxueux ou arrogants, se pressent des logements modestes, des chambres meublées pour petits employés ou pour étudiants, des salles communes pour les mendiants de la ville. Dans ce monde grouillant et besogneux et autour de la figure centrale du comptable Marakouline, qu'une injustice a privé de sa situation et qui, plus que les ressources matérielles, recherche à travers chaque épreuve le sens de la vie et un objet à l'idéal qui ne peut mourir dans son coeur, tournent dans une ronde tragique tous les locataires de la maison Bourkov, et surtout les femmes remarquables que croise Marakouline, qui toutes sont victimes de la cruauté des hommes et qui sont des «Soeurs en croix».
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Aujourd'hui promu au rang des grand classiques russes, Andreï Platonov , né en 1899, mort en 1951, fut, de son vivant, un pestiféré. Visionnaire, critique féroce, humoriste désespéré, il a créé une langue profondément singulière, qui le place parmi les plus grands écrivains de notre siècle.
Monté sur sa haridelle « Force prolétarienne », Kopionkine, forme moderne de Don Quichotte, parcourt la Russie avec son compagnon Dvanov, en quête de « la génération spontanée du socialisme ». Ils échouent à Tchevengour, un lieu singulier où une utopie nouvelle a été mise en pratique : les bourgeois ont été massacrés, le travail interdit. « Ici, c'est le communisme et vice versa » leur annonce Tchepourny, responsable de la bourgade et apôtre d'une utopie nouvelle. Sans avoir jamais lu Marx, Tchepourny avait conçu le plan d'une communauté idéale. Dans cette étrange commune « hantés par des hordes de gueux », la surveillance est constante, les réunions sont permanentes, la logorrhée ne tarit jamais et « le soleil, le seul à travailler, se lève sur l'indigence du pays ».
Tchevengour est le constat de l'absurdité d'un système né d'une idée utopique imposée à des paysans imprégnés du christianisme des pauvres. Achevé en 1928, ce roman interdit d'Andreï Platonov est paru en russe pour la première fois à Paris, en 1972. l'ouvrage ne fut publié en Russie qu'au bout de soixante ans, soit trente-sept années après la mort de Platonov.
« Il fit l'effet d'une bombe, mais ne fut perçu que dans une seule de ses dimensions, comme une dystopie, relatant l'histoire d'un district perdu du sud de la Russie où, à la fin de la guerre civile, un groupe de communistes «impatients de la vie» instaure le communisme sans plus attendre. Le temps s'arrête alors, la population s'enfonce dans une vie étrange et des souffrances que rien ne peut guérir et, sans être parvenue à connaître le bonheur communiste, est sauvée par un détachement ennemi sauvage qui déboule de la grande steppe.
Le décryptage de la grandiose métaphore de Tchevengour occupera plus d'une génération, car cette oeuvre est l'une des plus importantes des années 20 et 30, avec Le Maître et Marguerite de Boulgakov, L'Envie d'Olecha et L'Invitation au supplice de Nabokov. C'est un roman sur une révolution rustique des steppes qui ignore les théories bolcheviques ; une oeuvre sur le paradis des va-nu-pieds, sur une tentative des pauvres en esprit d'accéder au royaume des cieux qu'on leur a promis. Un livre plein de liberté et de force, qui a gravé l'une des images de la Russie les plus stupéfiantes de la littérature. C'est pourquoi Tchevengour n'est pas seulement une ville, ou un espace pouvant abriter cette ville imaginée par Platonov, mais un état d'esprit, ou, plus largement, une allégorie de l'âme russe ».
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Une personnalité lumineuse : La Création de Robinson & autres récits satiriques
Ilia Ilf
- Ginkgo
- Petite Bibliotheque Slave
- 17 Mai 2024
- 9782846795616
Dans la ville imaginaire de Pichtchéslav, un petit fonctionnaire, Yégor Filiourine, utilise par mégarde un
savon révolutionnaire de l'inventeur un peu fou Babski, célèbre pour son assez peu pratique vélo en bois.
Le voici invisible ! L'apparition - ou plutôt la disparition - dans la petite ville de ce nouveau personnage,
surnommé, tel un super-héros soviétique, le « Transparent », sème un trouble édifiant.
Car que peut faire un homme invisible dans l'Union soviétique des années 1920, sinon s'immiscer dans
des réunions secrètes et lutter contre la corruption ? « Coucou, je suis là ! » est le cri de guerre qu'il lance
au moment crucial où les corrompus vont procéder aux pots-de-vin. Voilà qu'on ne peut plus être
corrompu en paix !...
Comme toujours dans l'Union soviétique, le fantastique est utilisé pour contourner la censure
(on a l'exemple de Coeur de chien et des OEufs fatidiques de Boulgakov, réédités chez Ginkgo), et prétexte
à une satire hilarante du système communiste.
Une personnalité lumineuse est ici suivi de sept des meilleurs courts récits satiriques de l'incomparable
duo, dont le plus célèbre, la Création de Robinson : ou comment un écrivain soviétique doit pour
satisfaire aux pré requis du Parti caser un commissaire du peuple sur une île déserte, aux côtés du pauvre
Robinson. -
À travers l'histoire de deux frères, Tikhon et Kouzma, Ivan Bounine dresse le portrait de la campagne russe à la fin du XIXe siècle. Le Village fit scandale à sa parution en 1910 : jamais personne n'avait dépeint le paysan russe, le moujik, traditionnellement idéalisé jusque dans ses défauts, sous des couleurs si crues et si sombres, qui font du premier roman de son auteur un poème noir et désespérant. Une écriture dense et précise, au service d'une fresque immense et terrifiante où se manifeste la cupidité, la plus féroce des jalousies et l'égoïsme le plus total. Un chef d'oeuvre !
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Le Sceau égyptien est avant tout une oeuvre révolutionnaire, dans la pleine acception de ce terme à multiples tranchants. D'abord parce qu'elle traite d'une période révolutionnaire : l'été 1917 - " l'été Kérenski ", comme dit Mandelstam, - depuis la révolution " bourgeoise " de février jusqu'à la révolution " révolutionnaire " d'Octobre. " Le Sceau égyptien " donne un reflet inhabituel et déconcertant de cette période cruciale de l'histoire russe Révolutionnaire - des éléments se succèdent apparemment sans liaison, pour se dissoudre en une image finement burinée d'un monde en gestation - Comme souvent dans la littérature russe, Pétersbourg prend une dimension cruellement humaine. La ville est avant tout un personnage qui conditionne l'action et les réactions des hommes.
Elle vit sa propre existence, en apparence indifférente à l'agitation qui l'habite, mais elle y participe. Mandelstam réussit à rendre ce sentiment fait à la fois de possession et d'insécurité ; dominatrice. -
« Que ressent une époque en train de périr envers ce qui vient à sa place? » L'imposant André Babitchev, éminent et arrogant membre du trust soviétique de l'industrie alimentaire et directeur d'une usine de saucisses dernier cri, recueille chez lui un homme qui dormait ivre au coin d'une rue, un homme que la nouvelle société a laissé sur le côté, Nicolas Kavalérov.
Celui-ci devient pour un temps son serviteur et son parasite:
Car le véritable protégé de Babitchev, Volodia Makarov, le prototype de l'homme nouveau, le jeune footballeur triomphant qu'aime la jeune fille dont Kavalérov est lui-même amoureux, sera bientôt de retour...
D'un côté les hommes nouveaux, sportifs, matérialistes, soucieux d'hygiène et de rendement. Au xixe siècle ils dissé- quaient les grenouilles, aujourd'hui ils construisent des avions et des combinats géants de saucisses. De l'autre côté l'éternel « homme du souterrain », intelligent et inutile, individualiste et terré dans son trou, dévoré par l'envie. [...] La sobriété de style d'un Bounine, la sophistication des constructivistes, l'imper- tinence d'un dandy se marient au burlesque et à l'inquiétant. (G. Nivat).
Fable symbolique d'une ironie féroce sur le fossé entre ceux du monde d'hier et qui ne sont rien et les vainqueurs du monde nouveau, L'Envie remporta à sa parution en 1927 en Union soviétique un immense succès : il était le roman crucial de son temps... Si moderne !
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Alexandre Pouchkine,poète génial, romancier, créateur de la langue littéraire russe moderne, est l'orgueil de la Russie, son symbole. Ces oeuvres dans lesquelles se reflète l'âme russe, ont été publiées en millions d'exemplaires et traduites en plusieurs dizaines de langues du monde.
Dans son héritage littéraire ses contes en vers occupent une place particulière, basés sur le folklore national russe. Ici Pouchkine se souvient des contes russes, immémoriaux, que lui récitait sa « niania » quand il était enfant, comme à tant d'enfants. Pouchkine les transfigure avec son génie propre, tout en parvenant à restituer la candeur incomparable et l'authenticité du conte populaire.
« On se retrouve, dès les premiers mots de Pouchkine, emporté dans un tourbillon d'aventures où il est question de poissons magiques, de diablotins taquins mais aussi de princesses à sauver. L'imaginaire slave est bel et bien au rendez-vous. » -
Oupires : La famille du Vourdalak
Alexeï Konstantinovitch tolstoï
- Ginkgo
- Petite Bibliotheque Slave
- 14 Février 2024
- 9782846794725
Trois petits récits, trois histoires de revenants, trois fables qui montrent comment les morts peuvent empêcher de vivre les vivants. Souscrivant à toutes les règles établies pour mieux y désobéir, confondant les genres, les évènements et les situations, et usant de tous les registres pour parvenir à ses fins, du burlesque au naïf, du comique à l'épouvante, A. Tolstoï, cousin de Léon Tolstoï, s'en donne à coeur joie.
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Les traductions, célébrées, de Gabriel Arout (Aroutcheff), dramaturge et écrivain d'origine russe sont reconnues comme parmi les plus belles des nouvelles de Tchekhov mais jamais rééditées jusqu'à présent.
Le Moine noir est suivi de deux autres nouvelles : Une morne histoire et Volodia Avec une très belle préface de Daniel-Rops, de l'Académie Française.
Trois nouvelles tragiques. Une plongée au plus profond de l'Ame humaine.
Un sommet de la littérature.
Légende ou réalité, cet inquiétant moine noir dont le retour est annoncé dans nos contrées, après une disparition de mille ans ? Réalité, répond Kovrine, le héros du récit, brillant universitaire. philosophe, qui a l'heur - ou le malheur - de rencontrer le moine et de disputer avec lui. Légende, réplique l'entourage de Kovrine, qui ne voit là qu'affabulations et visions malsaines de sa part... Légende ou réalité, l'histoire du moine noir fournit à Tchekhov le prétexte à une réflexion sur le bonheur et le génie, les êtres d'exception et le lot commun. Puissance obscure, le moine noir incarne la tentation de l'orgueil pour le héros qui y cédera, semant autour de lui malheur et souffrance. Le juste prix de sa témérité sera la perte du Jardin d'Eden de l'enfance.
La nouvelle ne passa pas inaperçue. Le critique Mienchikov avoua avoir été effrayé par le récit de la maladie mentale du héros, et il n'est pas le seul. Tolstoï trouve la nouvelle « ravissante ». Meyerhold la placera plus tard parmi les meilleurs récits de l'auteur.
Une morne histoire . Quels étranges liens unissent la jeune Katia et le vieux professeur d'université Nicolaï Stépanovitch ? Il a regardé grandir l'orpheline, l'a vue amoureuse et heureuse, puis souffrante et désespérée. À l'automne de sa vie, Nicolaï a perdu toutes ses illusions et partage avec Katia les mêmes ténèbres et les mêmes silences, sans pouvoir lui tendre la main... Une nouvelle sombre et cruelle où bonheur et amour semblent inaccessibles.
Volodia est un jeune homme de dix-sept ans. Il est laid, gauche et mal dans sa peau. Invité avec sa mère à la campagne chez les Choumikhine, ils sont reçus comme des parents pauvres, son amour-propre en souffre. Il tombe amoureux d'une cousine lointaine, Niouta :
Elle est mariée, elle a trente ans et se moque continuellement de lui. Elle lui cède, il a quelques minutes de bonheur dans le couloir. Le lendemain, il rentre avec sa mère dans la pension de famille où ils habitent, trouve un revolver et se suicide.
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En exil comme tant d'autres écrivains et intellectuels russes, ils s'étaient rencontrés à Berlin en 1923 et eurent une brève liaison : tandis qu'Elsa passe vite à autre chose, Chklovski reste profondément amoureux d'elle et la poursuit de ses assiduités. Le point de départ de Zoo est cette phrase féroce d'Elsa à Victor : « Cesse de m'écrire combien, combien, combien tu m'aimes, parce qu'au troisième «combien» je commence à penser à autre chose. » Soit, l'auteur écrira à Alia (le double d'Elsa dans Zoo) des "lettres qui ne parlent pas d'amour." Avec sa malice et son inventivité sans pareilles, Chklovski, qui désirait déjà écrire sur le Berlin "russe", transforme ses lettres en une suite virtuose de récits, de croquis d'amis ou célébrités, et brosse un tableau de cette intelligentsia en exil, de la vie d'un "réfugié" dans la capitale allemande, de Maïakovski et de son égérie Lili Brik (la soeur d'Elsa Triolet) et de mille autres choses, avec toujours la présence d'Alia en filigrane, et de truculentes réponses de celle-ci insérées parmi les Lettres.
"Un roman épistolaire réclame une motivation : qu'est-ce qui oblige les gens à correspondre ? L'explication habituelle, c'est l'amour et la séparation. Je l'adoptai dans un de ses aspects particuliers : les lettres sont écrites par un homme amoureux d'une femme qui n'a pas de temps à lui consacrer. D'où la nécessité d'un nouveau détail : l'essentiel du livre ne concernant pas la passion, j'eus recours à l'interdiction de parler d'amour. Il en résulta ce que j'exprimai dans le sous-titre : Lettres qui ne parlent pas d'amour." Le livre se présente sous la forme d'une correspondance entre l'auteur et Alia. Vingt-neuf lettres recomposent, comme un puzzle, l'atmosphère de Berlin durant l'exil de Chklovski ; elles portent deux autres titres : Lettres qui ne parlent pas d'amour ou la Troisième Héloïse, dont l'anagramme en russe cacherait le nom d'Eisa Triolet. Chacun des trois titres révèle un aspect du livre. Zoo, c'est la faune des exilés, artistes et écrivains, perdus dans les rues d'une ville inconnue, que l'après-guerre a rendue sinistre et apathique. Chklovski burine avec un humour incisif et tendre les portraits de ces personnages que l'aventure qu'ils viennent de vivre et l'amour de la Russie lointaine rendent doublement étrangers. La Troisième Héloïse masque une correspondante qui ne veut point entendre parler d'amour ; elle est le secret prétexte de ce mince volume, tout entier consacré au plaisir d'écrire, dans le contexte tragiquement ennuyeux de l'exil. Zoo est taillé comme un diamant à vingt-neuf facettes dont chacune reflète une part des talents de Chklovski, épistolier, prosateur et poète. -
En 1878-1879, autour de l'âge de cinquante ans et après avoir écrit Anna Karénine, Léon Tolstoï traversa une profonde crise de vie et de conscience, celle qui allait le mener à devenir celui qu'on sait, le quasi-prophète qui inspirerait Gandhi et des millions d'autres. Ma Confession est le livre crucial de cette crise, écrit en 1879, et depuis longtemps n'était plus édité.
Initialement prévu pour être une « Introduction à une critique de la théologie dogmatique » préfigurant une vaste oeuvre théologique en quatre parties, Léon Tolstoï en a finalement fait un texte court et simple parlant à tout être humain, le réceptacle de toute ces interrogations qui le hantaient depuis son enfance et qui sont celles de toute personne en ce monde :
« Qu'est-ce qui sortira de ce que je fais aujourd'hui ? de ce que je ferai demain ? Qu'est-ce qui sortira de toute ma vie ? » et « Quel est le sens de la vie ? », questions demeurant sans réponses pour lui et qui rendent la vie « impossible », et finissant par se transformer en une manière de concevoir Dieu et la foi qui ne pouvait que se heurter à l'Église orthodoxe et à tout dogme établi.
Complètement inconnue du public français et longtemps interdite par la censure, Confession, est une oeuvre bouleversante à consonances très largement autobiographiques et totalement originale. Tolstoï y déploie le paysage d'une âme désespérément séparée de Dieu, désertée par la grâce, seule face à l'obsession de la mort.
Une première tentative de publication eut lieu en 1882 dans une des plus grande revue de l'Empire russe mais le texte fut presque en totalité éliminé par la censure de l'Église orthodoxe. Il fut publié à l'étranger à Genève en 1884, avant d'être traduit en français en 1887. Il circula longtemps en Russie en manuscrits avant de connaître une première publication restreinte en 1906 et de devenir pour toute une génération le grand livre de cet idéal ascétique et mystique.
Aveu d'une puissance rare, même chez un écrivain aussi considérable, précisément parce qu'il abandonne tout artifice littéraire, inévitablement entaché de péché dans sa nouvelle vision du monde, pour conférer aux mots une sorte d'énergie primitive, une signification transparente libérée de toute médiation.
Nous sommes ici au coeur de la vérité tolstoïenne si proche de la sainteté, témoins fascinés d'une expérience unique, relatée dans une langue limpide et par-là même universelle.
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Guérassime, sourd-muet de stature colossale, sauve un jour une petite chienne de la noyade : celle-ci lui voue un attachement éternel et devient le centre de son existence. Mais Guérassime est un serf, et la maîtresse du domaine auquel il appartient, vieille dame autoritaire et capricieuse, n'apprécie pas ce petit animal qui a osé lui montrer les dents et dont les aboiements la réveillent...
Écrit en prison en 1852, alors que Tourgueniev était incarcéré pour des propos que contenait son article sur Gogol qui venait de mourir, Moumou, dont la figure de la dame-propriétaire tyrannique est inspirée de la mère de l'auteur lui-même, était après les Mémoires d'un chasseur un nouveau réquisitoire terrible contre le servage, qui allait finir par être bientôt aboli, et est devenu un des textes les plus célèbres et populaires de la littérature russe.
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On pénètre dans le Ravissement comme dans un conte. Le personnage principal, Lavrenti, est un brigand des montagnes, fou de meurtres gratuits et d'exactions, fou de ses rêves. Un univers merveilleux hors de l'espace et du temps.
C'est dans un hameau de montagne, « au nom incroyablement long et compliqué, que même ses habitants ne savaient prononcer », et qui « tirait sa gloire d'être exclusivement peuplé de goitreux et de crétins », que le brigand va découvrir la femme aimée qu'il va devoir conquérir : Ivlita, sorte de Blanche-Neige illuminant de sa présence un univers de glaciers et de forêts, où les hommes sont des monstres dégénérés.
C'est un monde féerique, où la laideur, puisqu'elle est la règle, n'est plus conçue comme telle et où se cache la beauté pure, Ivlita, fille unique d'un ex-forestier lui aussi affligé d'un goitre, « mais si peu apparent qu'il pouvait passer pour une pomme d'Adam. » Toutes les interprétations sont possibles dans ce roman à surprises, à précipices, riche de mots inventés, de syntaxe tarabiscotée et d'un fort accent de la Géorgie natale de l'auteur.
Écriture en abime où les paragraphes, les chapitres, le livre lui-même, ignorent le point final et vous laissent en plan, au bord d'un inconnu qui ravit le lecteur. Aux marges du surréalisme et du réalisme magique, dans un véritable éblouissement d'images, d'inventions verbales et sonores, d'humour fantastique et drolatique, une légende de mots fous et d'amour fou.
Inclassable.
« Un roman. Et peut-être bien le plus original de la littérature russe de ce siècle. Cocasse, railleur, satirique, faussement mystique, fantastique, surréel. Le Ravissement est un livre hors-normes. Libre, aérien, vivant et fatal comme une épopée populaire, et, parmi une époque d'expérimentations littéraires, bien à l'opposé de ce que les expérimentations littéraires peuvent avoir de sec, de glacé, d'artificiel. L'histoire passionnée d'un brigand et d'une belle surnaturelle au chevet des neiges éternelles d'un pays de contes de fées. Une poésie de la nature. » (extrait de la préface de Régis Gayraud.) Étrange livre que ce roman magique et mystérieux, resté largement ignoré depuis sa parution confidentielle en 1930, connu de quelques poignées de lecteurs émerveillés par son réalisme cru, son ironie et sa prose envoûtante.
Etrange livre à l'étrange titre, qui s'empare de tous les sens du mot « ravissement » : rapt, ravage, extase, émotion, exaltation, qui ponctuent toute l'action du roman.
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Les récits de Tcherkaski
Yordan Raditchkov
- Ginkgo
- Petite Bibliotheque Slave
- 13 Mars 2023
- 9782846794664
Recueil de contes qui mettent en scène des paysans des Balkans, malins et naïfs, bourrus et tendres Avec ces nouvelles, Yordan Raditchkov fait le récit de la vie d'un village imaginaire, Tcherkaski, réplique de celui dans lequel il a grandi, enseveli sous les eaux suite à la construction d'un barrage.
Il ressuscite ses habitants, ses chevaux, ses vaches et ses poules, mais aussi ses fées et ses dragons. Une lecture qui invite à voir le sublime dans le quotidien.
« (...) Yordan Raditchkov est un conteur qui appartient au monde paysan. Auteur de nombreux recueils de récits et de nouvelles, il se réclame de la tradition orale des Balkans, en même temps que de Gogol et de Rabelais, dans ces étranges épopées minimales à propos des personnes faits de la vie quotidienne et des choses incompréhensibles. -
Cette nouvelle qui, pour être souvent passée inaperçue dans l'oeuvre de Tolstoï, n'en constitue pas moins, en même temps que son écrit le plus serré, le plus fondamental, une parabole à la fois violente, sobre et universelle digne de prendre place parmi les grands témoignages spirituels.
Le Père Serge, dont l'écriture fut terminée en 1898, a été publié dans le tome II des oeuvres posthumes éditées par Alexandra Lovna1. La nouvelle raconte le long et difficile chemin vers la sainteté d'un homme orgueilleux.
Vers 1840, le prince Stéphane Kassatsky est un jeune officier promis à un brillant avenir. Dévoré par l'ambition, habité par l'orgueil. Lorsqu'il apprend que sa fiancée, la comtesse Korotkova, a été la maîtresse du Tsar, il rompt ses fiançailles, démissionne de l'armée et rentre au couvent : il sera moine.
Il se retire dans le couvent de Tambino pour y vivre une vie d'ermite. Sous le nom de père Serge, il devient un guérisseur réputé et sa cellule un lieu de pèlerinage.
Un jour, il reçoit la belle et excentrique Makovkina. Pour ne pas succomber à la tentation il se coupe un doigt.
Les années passent. La renommée du Père Serge dépasse la région. On vient le voir pour obtenir une guérison, un conseil, une bénédiction. Il est un starets, et le monastère en tire profit. Un marchand qui a fait quatorze cents verstes pour faire guérir sa fille de vingt-deux se jette à ses pieds : sa fille est malade. Seul avec la belle Marie, le Père Serge sent le désir monter en lui.
Elle lui avoue avoir rêvé de lui. Ils passent la nuit ensemble.
Le lendemain, le Père Serge quitte secrètement le monastère, déguisé en paysan. Un ange en rêve lui a révélé d'aller voir sa cousine Prascovia Nicolaëvna Pachégnka. Cette femme a été le souffre-douleur de la famille, de son mari et doit maintenant subvenir aux besoins de sa fille, son gendre et de leurs cinq enfants.
À son contact, le Père Serge comprend la signification de la sainteté. Il abandonne alors jusqu'à son nom et part comme pèlerin sur les routes. Arrêté par la police et considéré comme vagabond il est déporté en Sibérie.
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Ce volume contient sept des plus belles nouvelles de l'écrivain : « Trois roubles, La Grammaire de l'amour, Nuit en mer, Coup de soleil, Casimir Stanislasovtich, Ida, Le Sarafane de Mordovie ». Il reprend le volume « La Grammaire de l'amour » paru en 1997 aux éditions Sables à Toulouse, augmenté d'une septième nouvelle.
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Des voyageurs traversant un des immenses lacs russes demandent au moine singulier et colossal qui les accompagne de leur conter narrer ses aventures.
C'est ainsi que cet étrange moine raconte comment sa mère, morte en couches, l'avait promis à Dieu et à la vie monastique et comment, pour avoir refusé ce destin, il fut poursuivi par une curieuse malédiction, voué à errer sur la terre russe, tour à tour prisonnier des Tatars, compagnons des Tziganes, expert et dresseur de chevaux des steppes, soldat et même criminel, échappant sans cesse à la mort pour tomber dans un autre péril.
Conte symbolique et intemporel, Le Pèlerin enchanté est une extraordinaire odyssée à travers la Russie.
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La paix soit avec vous : notes de voyage en Arménie
Vassili Grossman
- Ginkgo
- Petite Bibliotheque Slave
- 12 Février 2021
- 9782846794633
La paix soit avec vous, l'une des dernières (sinon la dernière) oeuvres de Vassili Grossman, est à lire comme le testament d'un écrivain, le bilan de sa vie.
À l'automne 1961, Vassili Grossman, malade, désespéré par la saisie de son dernier roman Vie et destin, accepte de passer un mois et demi en Arménie pour travailler à la mise en forme littéraire d'un roman traduit de l'arménien.
Sa tâche accomplie, il entreprend, le 30 décembre 1961, de rédiger ses «impressions arméniennes» ?
Prenant le prétexte de «notes de voyage», Vassili Grossman parle ici de ce qui lui tient le plus à coeur :
Le peuple, les gens «simples» pas si simples que cela, le martyre arménien (et parallèlement, le martyre juif), la foi, la poésie, l'art.
Impossible en lisant ce livre, de ne pas songer à Vie et destin. Car tous les thèmes, tous les motifs y ont été puisés. Mais La paix soit avec vous, véritable «poème», est un livre lumineux, empreint de lyrisme et de sérénité. Au soir de sa vie, Vassili Grossman jette sur le monde et lui-même un regard plein de compassion et d'ironie mêlées. La joie l'emporte sur la souffrance, et la foi en la bonté sur l'amertume. Jamais l'auteur n'a montré tant d'abandon, jamais il n'a mis à nu, avec une telle sincérité, son âme et son corps.
Refusant la suppression de certains passages où il évoque l'antisémitisme soviétique, Vassili Grossman ne verra pas la publication de son texte. Celui-ci ne paraîtra qu'après sa mort, en 1965 et 1967, avec, dans les deux cas, les coupures exigées. Il a fallu encore vingt ans pour que la censure soviétique autorise enfin la publication du texte intégral, tel qu'on pourra le lire ici dans sa traduction française.
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Un jeune homme, Ivan Timofeïevitch, en mission pour plusieurs mois aux confins de l'Empire russe, dans une région reculée et sauvage à la limite de la Russie, de l'Ukraine et la Pologne, vit dans un village où les habitants le regardent avec méfiance, et a pour seule compagnie un paysan auquel pour passer le temps il tente d'apprendre à lire et écrire. Un jour, parti chasser, il s'égare et tombe par hasard sur une pauvre cabane, perdue au milieu des forêts, où vivent une vieille femme et sa petite-fille, la jeune et belle Olessia.
Olessia lui fait retrouver le chemin du village, et lui explique que toutes deux vivent à l'écart de tous car les villageois les considèrent comme des sorcières...
Dans la solitude de la nature, dans le silence des forêts, une des plus belles histoires d'amour de la littérature russe, et de toute la littérature.
Comme on laisse passer l'amour possible est une préoccupation majeure dans l'oeuvre d'Alexandre Kouprine. Elle se conjugue avec le témoignage réaliste dont est victime la beauté singulière. La sorcière supposée du récit Olessia (1898), la jeune juive, la mal mariée résignée de force, ces différents personnages semblent voués à disparaître dans l'oubli et l'incertitude, bannis par les frayeurs de la communauté, ses codes, sa violence et sa délation.
Très célèbre en Russie, Olessia était l'un des récits favoris de son auteur et largement autobiographique.
Il a fait l'objet de plusieurs adaptations au cinéma, dont l'une en 1956 avec Marina Vlady et Maurice Ronet : La Sorcière.
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Les rues tortueuses de Malá Strana, quartier de Prague, résonnent de rumeurs et de fantasmes, de rancunes et de rivalités, d'amours déçues et de destins brisés. On y croise tour à tour un mendiant soi-disant fortuné, un cadavre encore vif, une vieille fille deux fois veuve, des enfants bien décidés à envahir l'Autriche...
Jan Neruda met en scène avec humour la vie et le caractère des habitants de Malá Strana - littéralement, « le petit côté » le quartier de Prague dans lequel il a grandi et vécu. Ses tableaux de Malá Strana sont avant tout des études sociales : plus que les lieux, ce sont leurs habitants qui l'intéressent. Et, pour notre plus grande joie, il prend un malin plaisir à les croquer de sa plume brillante et pleine d'autodérision. Leur portrait n'est guère flatteur : les personnages qui peuplent ces contes sont le plus souvent mesquins, âpres au gain, préoccupés uniquement de leurs petits intérêts, prompts à médire les uns des autres, pleins d'une méchanceté toute à leur mesure, à la fois enflée et étriquée.
Avec cette série de portraits, le satiriste qu'est Jan Neruda a une riche matière pour exercer son talent. En quelques lignes à peine, il dresse des portraits savoureux et pleins d'esprit. Chacun de ces contes regorge de perles que le satiriste a semées avec malice, avec une prédilection marquée pour l'humour noir.
Il arrive cependant que l'ironie douce-amère du satiriste laisse place à une autodérision attendrie. La peinture sociale se fait alors plus discrète, elle s'efface devant les souvenirs lyriques et intimes : ce n'est plus le petit peuple de Malá Strana que Neruda met en scène, mais son enfance passée à courir et jouer dans les rues de ce quartier. Le satiriste est sans doute féroce avec ses personnages, mais derrière le mordant de ses traits pointe la nostalgie de son enfance et son amour pour le quartier qui l'a vu naître et grandir.
A sa mort, Malá Strana a fait de lui son écrivain fétiche et une ancienne rue fut rebaptisée en son nom.
Malgré sa mesquinerie, le petit peuple de Malá Strana a aussi ses grandeurs.