Alors que les forces russes envahissent l'Ukraine et que la guerre devient une réalité dévastatrice, en février 2022, Andreï Kourkov tient une chronique au jour le jour. À la fois journal personnel et commentaire politique et historique, ce texte explore les relations entre l'histoire ukrainienne et l'histoire russe, mais aussi entre les deux langues du pays. En décrivant comment une société pacifique fait face à l'occupation, l'auteur nous montre une culture qui, contrairement aux affirmations de Poutine, est singulière et démocratique, libérale et diverse - une culture qui « résistera jusqu'à la fin ».
Avec son regard aiguisé sur les événements et son amour des gens, Kourkov dresse le portrait d'un peuple uni dans la lutte contre sa disparition. Le pain est cuit et partagé dans les ruines. Un homme amputé trouve une place dans un train d'évacuation, des grands-mères fuient les villes occupées avec leurs coqs sous le bras... Et malgré tout, l'espoir reste le plus fort : des enfants naissent dans les caves, les fermiers cultivent leurs champs malgré les mines et les bombardements.
Dans son journal, Kourkov entrelace son histoire personnelle avec celle des autres Ukrainiens déplacés, et des communautés qui leur viennent en aide avec une générosité extraordinaire. Ensemble, ils attendent le moment où il sera possible de rentrer chez eux en sécurité.
En 1940, fuyant l'avancée des nazis, des milliers de Juifs affluent en Lituanie, pays dont l'URSS s'empare, mais que le Reich lui arrachera bientôt. Dans ce climat de catastrophe imminente, le Néerlandais Jan Zwartendijk, directeur de la filiale lituanienne de Philips et nouveau consul honoraire à Kaunas, parvient à ouvrir aux Juifs une dernière issue pour échapper au pire. À l'insu de presque tous, Zwartendijk travaille jour et nuit pendant trois semaines afin de délivrer des visas pour Curaçao, dans les Indes néerlandaises, tandis que son collègue Sugihara, consul du Japon, signe des visas de transit. Ainsi commence une extraordinaire entreprise clandestine qui sauvera des milliers de vies.
En recueillant à travers le monde les témoignages des survivants et de leurs enfants, Brokken reconstitue l'histoire de « l'Ange de Curaçao », comme l'appelaient les réfugiés. Voici l'odyssée de familles entières qui ont traversé la Russie en Transsibérien, atteint Kobe et trouvé refuge dans le ghetto juif de Shanghai. Les Justes est une fresque monumentale, une mosaïque de vies, de lieux et d'événements où la réalité prend des teintes épiques et romanesques, mais surtout une leçon sur le courage et la responsabilité de l'individu face à la catastrophe.
Plongeant les lecteurs dans la Rome des années 1920-1930, à l'époque où Mussolini remodelait la capitale italienne à son image, Le Maître des Airs raconte l'histoire d'un héros improbable : Lauro de Bosis, fils d'un aristocrate italien et d'une beauté de la Nouvelle-Angleterre, qui s'est transformé en un Icare des temps modernes, prenant seul les commandes d'un petit avion pour démontrer que la prétendue maîtrise du ciel par le Duce n'était qu'un bluff.
En 1931, Lauro de Bosis, poète et aviateur, parviendra à larguer au-dessus de Rome des milliers de tracts incitant la population italienne à la désobéissance, avant de s'abîmer en mer et de disparaître à jamais. Le tract s'ouvrait par ces mots : « Qui que tu sois, tu maudis certainement le Fascisme et tu en ressens toute la honte servile. Mais, par ton inertie, tu en partages la responsabilité. ».
Entremêlant son récit d'épisodes de la vie d'autres artistes et intellectuels contemporains (horripilés par le fascisme, comme Hemingway, ou au contraire séduits par lui, comme Ezra Pound), Taras Gresoe nous offre le portrait d'un héros magnifique. C'est une histoire inspirante de résistance, un exemple qui, de jour en jour, se révèle plus essentiel pour notre époque.
Pendant des siècles, les Tsiganes bulgares ont dressé et exhibé des ours, de ville en ville, et jusque sur les plages. En 2007, avec l'entrée de leur pays dans l'Union européenne, ils ont été contraints de relâcher les ours dans une réserve pour animaux sauvages. Mais aujourd'hui encore, dès que ces ours voient un humain, ils se lèvent sur leurs pattes arrière pour danser.
Au fil de ce grand reportage littéraire en Europe de l'Est, la métaphore de l'ours dansant va prendre toute son ampleur : il n'est pas facile de retrouver la liberté. Ni de savoir quoi en faire. De Sofia à Tirana et de Belgrade jusqu'à Gori, la ville natale de Staline, en passant par Athènes, Londres et Cuba, Szablowski interroge des femmes et des hommes sur la difficile transition de leur pays vers la démocratie et l'économie de marché. Liberté, liberté chérie ? De même qu'avec les ours rendus « à la vie sauvage », qui ont été stérilisés et qui se heurtent à des clôtures électriques, la vie nouvelle des plus pauvres, à l'Est, n'est pas si simple, et le cocktail de souffrances et de nostalgie explique en bien des lieux les séductions de l'autoritarisme.
Soixante-quinze ans ont passé depuis le jour du débarquement de Normandie. Ce petit matin de juin, la plus grande invasion par la mer jamais organisée dans l'Histoire allait s'avérer cruciale dans le dénouement de la Deuxième Guerre mondiale. La bataille, aux dimensions épiques, impliqua 156 000 hommes, 7 000 bateaux et 20 000 véhicules blindés. Les événements du 6 juin 1944 furent menés par des individus héroïques, qui combattirent jusqu'à ce que les défenses allemandes soient détruites. C'est l'histoire de ces hommes (alliés, allemands, français) qui est racontée ici. Pour évoquer les événements du D-Day, Giles Milton rapporte les récits des survivants : le jeune conscrit allié, le défenseur d'élite allemand, le résistant français. Depuis les stratèges du QG jusqu'aux soldats de la Wehrmacht dans les bunkers, D-Day : Les soldats du débarquement évoque avec force la terreur absolue de ceux qui étaient pris au piège de la ligne de front de l'Opération Overlord. Milton donne également la parole à ceux que l'on n'avait jamais entendus : la fille du boucher du village, la femme du commandant du panzer, le chauffeur du général. Un ouvrage magistral.
Faux Poivre relate l'histoire de la famille de Monika Sznajderman. Une histoire qu'elle a longtemps ignorée et qu'elle découvre grâce à des photos envoyées d'Australie par des parents dont elle ne connaissait même pas l'existence.
Pour la sociologue polonaise Barbara Engelking, spécialiste de l'Holocauste, c'est « un livre extraordinaire qui montre l'enchevêtrement des histoires ayant fait la Pologne.
L'auteure reconstitue le destin de ses aïeux juifs, trouvant des traces de leur existence dans les journaux, les archives d'infimes indices éparpillés entre le ghetto de Varsovie, Radom et jusqu'à l'Amérique et l'Australie. Elle présente avec le même soin les parents et ancêtres de sa mère, issus d'une pittoresque famille de la noblesse polono-saxonne. Leur histoire se déroule à Varsovie, à Moscou, en Volhynie, sur les domaines et les grandes villes que bouleversaient les Années folles.
Monika Sznajderman évoque ces deux mondes avec une égale dévotion, nous faisant prendre conscience à la fois de la fugacité de l'existence et de la complexité des identités polonaises, ainsi que de la valeur et du sens de la mémoire. »
Joseph Czapski (1896-1993) a vécu de nombreuses vies au cours de sa longue existence. Étudiant à Saint-Pétersbourg pendant la Révolution russe, il s'installe à Paris durant les Années folles et devient peintre. Officier de réserve dans l'armée polonaise, il lutte contre l'envahisseur nazi dès les premières semaines de la Seconde Guerre mondiale. Mais il est fait prisonnier par les Soviétiques. Enfermé au camp de Starobielsk, il est l'un des très rares détenus à avoir échappé au massacre de Katyn (Voir Proust contre la déchéance et Souvenirs de Starobielsk, chez Noir sur Blanc et Libretto, ainsi que Terre inhumaine repris dans la « Bibliothèque de Dimitri »).
Czapski n'est jamais retourné en Pologne après la guerre.
Installé en région parisienne avec sa soeur et les intellectuels de la revue polonaise Kultura, il a travaillé sans relâche à faire connaître le sort de sa patrie soumise au totalitarisme.
Personnalité publique de tout premier plan, il a donné sens à sa vie grâce à la peinture. Également peintre, Eric Karpeles révèle ici la complexité de Czapski en assemblant tous les fils de cette vie remarquable.
L'art du reportage se porte toujours à merveille en Pologne, de nouveaux noms apparaissent, les champs d'investigation se renouvellent d'année en année. La jeune génération ne cesse pourtant d'évoquer toujours la même source d'inspiration : Ryszard Kapuscinski et Hanna Krall, considérés comme les inventeurs du reportage moderne, dans sa branche la plus littéraire.
Soumis à un contrôle permanent et sévère, le reporter de l'époque communiste ne pouvait témoigner de la réalité qu'en déguisant le contenu de son texte. Puisqu'il était interdit de critiquer le système dans son ensemble, il fallait se tourner vers les destins individuels, vers le détail qui prendrait soudain une signification plus large, plus universelle, voire métaphorique. « Nous disions du reportage qu'il était l'art de voir la mer dans une goutte d'eau », rappelle le grand opposant Adam Michnik.
Réunir en un seul volume les deux grands noms du reportage polonais (que liait par ailleurs une amitié réelle) permettra de faire découvrir leurs textes les plus anciens, datant de la période communiste, totalement inconnus à l'étranger, en dépit d'une qualité littéraire remarquable.
Il est frappant de constater combien les récits-reportages de ces deux auteurs se complètent. Kapuscinski évoque les années soixante, Krall les années soixantedix, mais l'un et l'autre abordent souvent les mêmes thématiques et témoignent d'une grande empathie face aux plus démunis, aux victimes du système.
À Saint-Pétersbourg, les bolcheviks ont déjà gagné la guerre civile. Mais en Sibérie, à l'extrême est de la Russie, les Iakoutes résistent et tentent un dernier assaut contre l'Armée rouge. En 1922, le général Anatoli Pepeliaïev, poète à ses heures, défenseur de la justice et de la liberté, rassemble les soldats dispersés de l'Armée blanche et met sur pied un détachement de volontaires pour soutenir l'insurrection iakoute.
Face à lui se dresse un commandant de l'Armée rouge, Ivan Strod, anarchiste et futur écrivain à succès. Lui aussi est une figure énigmatique de la révolution de 1917. Les deux hommes, guidés par des idéaux très proches, sont devenus ennemis par la force du destin.
Dans cet épisode méconnu de la guerre civile russe, Youzefovitch dépeint les passions humaines : l'amour et la souffrance individuelle qui se cachent derrière les idéologies, la soif de justice, mais aussi l'ambivalence des personnages, tout à la fois oppresseurs et victimes. Au coeur du récit, la rivalité tragique des deux héros, dans les neiges de Sibérie, se révèle comme une captivante histoire de vie, d'amour et de mort.
À l'occasion du XXe anniversaire de sa mort, voici la première biographie en France du grand poète polonais Zbigniew Herbert (1924-1998). En s'appuyant sur nombre d'archives inédites, Brigitte Gautier retrace la vie de « ce poète de l'ironie historique » (Czeslaw Milosz), qui est l'objet d'une immense ferveur en Pologne, mais aussi en Allemagne, en Italie, en Angleterre et aux États-Unis.
Zbigniew Herbert est né en 1924 dans la ville de Lwow (aujourd'hui Lviv en Ukraine). Après une enfance heureuse, il fait l'expérience tragique de la mort de son jeune frère, de l'invasion soviétique de 1939, puis allemande de 1941, avec leur cortège d'atrocités. Au lendemain de la guerre, sa famille s'installe à Gdansk - l'est de la Pologne ayant été annexée par l'URSS. Tandis qu'il mène de front des études de droit, de commerce et de philosophie, Herbert écrit des poèmes « pour son tiroir » : il reste sourd aux séductions du pouvoir stalinien. Ce n'est qu'avec le tournant de 1956 qu'il peut enfin donner sa mesure : il publie son premier recueil, Corde de lumière, que le public reçoit comme une bouffée d'oxygène. Suivront Hermès, le chien et l'étoile (1957), Étude de l'objet (1961), Inscription (1969), Monsieur Cogito (1974). Mettant à profit les ambiguïtés du système, il parviendra à voyager en Occident : il y nouera des amitiés, y vivra des amours et en rapportera des pages incomparables sur l'art et la culture. Herbert a toujours considéré le communisme comme un totalitarisme aussi néfaste que le nazisme. Le public polonais lui en sait gré, et le poète en reçoit une reconnaissance éclatante quand, déjà célèbre, il met tout son prestige dans la lutte contre le régime du général Jaruzelski et publie à Paris, en 1983, son recueil Rapport de la ville assiégée.
Il meurt alors que bien des voix avançaient son nom pour le prix Nobel de Littérature.
Née de la rencontre d'un historien et d'une illustratrice ayant l'un et l'autre vécu à Varsovie, cette « histoire d'une métropole » vient combler un vide en même temps qu'elle invente une approche nouvelle, où l'image questionne, bouscule et parfois contredit la narration, en particulier sur les sujets de société les plus actuels. Cette histoire de Varsovie à l'époque moderne et contemporaine est racontée à travers dix chapitres transversaux, touchant notamment à l'habitat, au travail, à la culture, aux genres et aux minorités, aux déplacements, à la consommation, aux blessures de l'histoire, aux visions de l'avenir. Depuis l'ouverture de la ligne ferroviaire qui la relia à Saint-Pétersbourg en 1862, Varsovie s'est trouvée au coeur des échanges économiques et culturels entre l'Europe et la Russie. Devenue métropole, elle fut un lieu unique d'expérimentation de toutes les idéologies modernes, des plus progressistes aux plus mortifères. En soulignant les cassures violentes de cette histoire, mais également les continuités, l'objectif de l'ouvrage est de dépasser certaines idées reçues sur une ville qui n'apparaît bien souvent qu'à travers le prisme de la guerre, de l'Holocauste et de la répression communiste.
Varsovie Métropole permet de mieux comprendre les forces et les mouvements qui ont fait la ville d'aujourd'hui, passionnante et paradoxale. En mêlant histoire et sciences sociales, critique de l'urbanisme et de l'architecture, le livre vient combler un manque pour tous les spécialistes de ces disciplines, mais aussi pour les voyageurs désireux d'en savoir un peu plus.
Joseph Czapski (1896-1993), peintre polonais, écrivain et témoin éminent des tragédies de son temps, a donné durant l'hiver 1940-41 des conférences sur Proust pour ses codétenus au camp de prisonniers de guerre soviétique de Griazowietz. Il ne pouvait alors s'appuyer que sur sa seule mémoire. Quelques notes manuscrites témoignent de cet exercice extraordinaire : Czapski a consigné dans des cahiers des noms, des mots-clés et des citations, en polonais et en français, qu'il a organisés visuellement par des lignes et des couleurs. Dans sa recherche de La Recherche du temps perdu, on verra comme la mémoire du lecteur et la main du peintre ont su coopérer.
Les notes prises au camp de Griazowietz (distinctes du texte Proust contre la déchéance, mis en forme immédiatement après la guerre) sont ici pour la première fois reproduites, déchiffrées et traduites. Le processus de leur composition par Czapski est reconstitué et contextualisé. Dans un second temps, on découvrira l'importance exceptionnelle de l'oeuvre de Marcel Proust pour Joseph Czapski à travers maints passages inédits de son journal intime.
Dans les années 1976-1977, alors qu'il est correspondant à Paris pour le quotidien de Montréal La Presse, Louis-Bernard Robitaille se rend à plusieurs reprises en Europe de l'Est. Ses voyages sont le point de départ des quatre textes de cet ouvrage, consacrés à Berlin-Est, à Prague, à Varsovie et à Moscou et Tbilissi. L'atmosphère particulière qui régnait au-delà du rideau de fer inspire à l'écrivain de nombreuses questions, nourries par ses rencontres et une fine observation des villes et de ses habitants.
Sans se prendre trop au sérieux, Robitaille cherche à comprendre la vie quotidienne « outre-mur » et à décrypter les tentatives de ses interlocuteurs pour se dégager de la chape de plomb du Parti.
En homme de gauche éloigné de toute chapelle, Robitaille déclare que le communisme a été pour lui, en tant que journaliste, la grande affaire politique de son époque. Fasciné par cette « créature bizarre » qui a aménagé une immense prison à ciel ouvert dans le bloc soviétique, il se pose la question de sa rapide disparition : alors que l'on avait cru le monument communiste indestructible, comment se fait-il qu'il se soit évanoui si rapidement ?
Les choses de la vie, la marche du monde, les histoires minuscules du temps qui passe : Périple autour de ma chambre est une expédition dans le royaume de Karl-Markus Gauss. C'est aussi un prétexte pour s'évader au loin, et une ode au pouvoir de l'imaginaire.
Qu'il écrive à propos de son lit, de son bureau, du livre de recettes rédigé à la main par sa grand-mère, de sa vieille malle de voyage en bois ou du coupe-papier d'un grand industriel morave, ce sont les choses du quotidien que Gauss célèbre et dans lesquelles il décèle, par son oeil attentif au détail et à l'immédiat, la diversité et la richesse du monde. Par le biais des objets qui l'entourent, avec une forme de tendresse pour son lieu de vie et de travail, l'écrivain nous conduit sur les traces d'hommes et de femmes courageux ou étranges, de régions éloignées, de nationalités inconnues. Une expédition délicieuse et insolite, teintée d'érudition mais aussi d'autodérision, sur le terrain de l'intime.