Le retour de l'instabilité des marchés a réveillé le spectre de la crise financière de 2008, et ravivé le questionnement sur l'efficacité de la régulation. Mais si les crises se suivent, elles ne se ressemblent pas. L'actuelle, marquée par une forte inflation, témoigne non pas d'une déconnexion entre la finance et l'économie réelle, mais au contraire de leur profonde intrication. Ce dossier interroge la reconfiguration des rapports entre capitalisme financier et démocratie, à l'heure où pour l'un comme pour l'autre, tout est affaire de confiance.
4 mois après la mort de Mahsa Amini et le début de la révolution en cours en Iran, une expertise académique semble plus que jamais nécessaire.
En croisant les perspectives de la philosophie politique et morale, l'économie-politique, la sociologie, l'histoire, la culture, l'art et le cinéma iranien, ce dossier donnera à lire différentes interprétations de la tragédie iranienne.
Les dialogues apporteront le déchiffrage de cette révolution, ses racines, ses actualités, sa brutalité et sa violence. Laissons les problématiques posées par les chercheurs nous aider à resituer le contexte politique de la révolution « Femme, Vie, Liberté ».
Avec des textes d'Olivier Abel, Hamit Bozarslan, Farad Kosrokavar et Marie Ladier-Fouladi.
«?Être moderne?» a longtemps désigné une promesse de progrès, de liberté et de justice. Aujourd'hui le réchauffement climatique, une crise économique sans fin, la défiance à l'égard de la technique ou les excès de l'individualisme manifestent au contraire un doute sur la supériorité de notre présent sur le passé. Sommes-nous donc condamnés à être antimodernes?? Ce dossier, coordonné par Michaël Foessel et Jonathan Chalier, se penche sur l'héritage de la modernité, dont le testament reste ouvert et à écrire. À lire aussi dans ce numéro?: La démocratie dans le miroir russe, le métier diplomatique en danger, la solidarité énergétique à l'épreuve de l'hiver et la littérature par en-dessous d'Annie Ernaux.
La guerre en Ukraine entre dans sa deuxième année. Pourtant, demeure l'inquiétante tentation de la tenir à distance, comme si les « vraies » guerres, celles qui engagent autant les régimes politiques que les sociétés, appartenaient seulement au passé. L'ambition de ce dossier, coordonné par Hamit Bozarslan et Anne-Lorraine Bujon, est à la fois d'interroger la nature et les formes précises de ce conflit, de l'affrontement interétatique classique à la guerre hybride, économique et technologique, et de rappeler que la cité démocratique doit se saisir et débattre de l'enjeu de la guerre, qui la concerne au premier chef. À lire aussi dans ce numéro : nos mythologies laïques, le récit de soi avec Ricoeur, Pérou : l'hiver et le massacre, lire Mario Vargas Llosa, la révolution taoïste, et les derniers historiens païens.
Le XXe Congrès du PCC, qui s'est tenu en octobre 2022, a confirmé le caractère totalitaire de la Chine de Xi Jinping. Donnant à voir le pouvoir sans partage de son dictateur, l'omniprésence et l'omnipotence d'un parti désormais unifié et la persistance de ses ambitions globales, il marque l'entrée dans une période d'hubris et de crispation où les ressorts de l'adaptation du régime, jusque-là garants de sa pérennité, sont remis en cause. On observe un décalage croissant entre l'ambition de toute-puissance, les concepts-clés du régime et le pays réel, en proie au ralentissement économique. Le dossier de novembre, coordonné par la politologue Chloé Froissart, pointe ces contradictions : en apparence, le Parti n'a jamais été aussi puissant et sûr de lui-même, mais en coulisse, il se trouve menacé d'atrophie par le manque de remontée de l'information, la demande de loyauté inconditionnelle des cadres, et par l'obsession de Xi d'éradiquer plutôt que de fédérer les différents courants en son sein. Des failles qui risquent de le rendre d'autant plus belliqueux à l'égard de Taiwan. À lire aussi dans ce numéro : Le droit comme oeuvre d'art ; Iran : Femme, vie, liberté ; Entre naissance et mort, la vie en passage ; En traduisant Biagio Marin ; et Esprit au Portugal.
La crise sanitaire a amplifié et accéléré diverses tendances qui lui préexistaient : vulnérabilité et pauvreté de la population, violence de la dématérialisation numérique, usure des travailleurs sociaux et remise en cause des mécanismes de solidarité. Dans ce contexte, que peut encore faire le travail social ? Peut-il encore remplir une mission d'émancipation ? Peut-il s'inspirer de l'éthique du care ? Le dossier, coordonné par Fabienne Brugère et Guillaume Le Blanc, mène l'enquête auprès des travailleuses et travailleurs sociaux. À lire aussi dans ce numéro : le procès des attentats du 13-Novembre, les nations et l'Europe, l'extrême droite au centre, l'utopie Joyce et Pasolini, le mythe à taille humaine.
Le terme de « médias » est devenu un vortex, qui semble unifier des réalités et des formes bien différentes, sinon hétérogènes. Entre les médias traditionnels d'information, pris dans une spirale de polémiques, et les plateformes socionumériques qui se présentent comme de modernes salles de rédaction en libre accès, il est plus que jamais nécessaire d'établir des distinctions. Comment comprendre que, sur un même fil d'actualité, se côtoient des discours jusqu'ici clairement séparés, qui diluent l'ancienne division entre information et divertissement dans la catégorie problématique des « contenus » ? Que dire des mutations qui amènent à revoir les frontières entre actualité et connaissance, et font apparaître de nouvelles figures, aux marges du territoire médiatique traditionnel (Youtubers, streamers, etc.) ? L'ambition de ce dossier, coordonné par Jean-Maxence Granier et Éric Bertin, est d'interroger le médiatique contemporain dans ses mutations et de le « déplier » afin de mieux saisir ses formes, ses transformations et de repenser ses enjeux. Avec des textes de Claire Sécail, Jean-Louis Missika, et Dominique Cardon.
L'invasion de l'Ukraine en février 2022 a constitué un choc immense pour l'Europe et le monde. Elle s'inscrit néanmoins dans une forme de continuité, qui a vu le régime de Poutine se faire toujours plus répressif à l'intérieur de ses frontières, et menaçant à l'extérieur, depuis au moins 2008 et l'affrontement militaire en Géorgie, l'annexion de la Crimée en 2014 marquant une nouvelle étape dans cette escalade. Constitué en urgence en réaction au déclenchement de la guerre, le dossier de ce numéro interroge ses premières conséquences. De quelles manières les sociétés ukrainienne et russe font-elles face à la guerre?? Comment résister à la vaste opération de révisionnisme historique engagée par le régime de Poutine, dont témoigne la répression de toutes les sources indépendantes d'information, mais aussi de recherche et de connaissance?? En Ukraine, sur quelles ressources la résistance peut-elle compter?? En Russie, une opposition parviendra-t-elle à se constituer, malgré la chape de plomb qui s'est abattue sur le pays?? À lire aussi dans ce numéro?: la justice entre les générations, le fascisme du dedans, la politique de Lévi-Strauss, la médecine contre les robots, une autre histoire de la racialisation et la naissance de l'écoféminisme.
La pandémie a été l'occasion de rééprouver la dimension incarnée de nos existences. L'expérience de la maladie, la perte des liens sensibles et des repères spatio-temporels, le questionnement sur les vaccins, ont redonné son importance à notre corporéité. Ce « retour au corps » est venu amplifier un mouvement plus ancien mais rarement interrogé : l'importance croissante du corps dans la manière dont nous nous rapportons à nous-mêmes comme sujets. Qu'il s'agisse du corps « militant » des végans ou des féministes, du corps « abusé » des victimes de viol ou d'inceste qui accèdent aujourd'hui à la parole, ou du corps « choisi » dont les évolutions en matière de bioéthique nous permettent de disposer selon des modalités profondément renouvelées, ce dossier, coordonné par Anne Dujin, explore les différentes manières dont le corps est investi aujourd'hui comme préoccupation et support d'une expression politique. À lire aussi dans ce numéro : « La guerre en Ukraine, une nouvelle crise nucléaire ? », « La construction de la forteresse Russie », « L'Ukraine, sa résistance par la démocratie », « La maladie du monde », et « La poétique des reliques de Michel Deguy ».
Comment écrire l'histoire des marges ? Cette question traverse l'oeuvre de Michel de Certeau, dans sa dimension théorique, mais aussi pratique : Certeau ne s'installe en effet dans aucune discipline, et aborde chaque domaine en transfuge, tandis que son principal objet d'étude est la façon dont un désir fait face à l'institution. À un moment où, tant historiquement que politiquement, la politique des marges semble avoir été effacée par le capitalisme mondialisé, l'essor des géants du numérique et toutes les formes de contrôle qui en résultent, il est particulièrement intéressant de se demander où sont passées les marges, comment les penser, et en quel sens leur expérience est encore possible. Ce dossier, coordonné par Guillaume Le Blanc, propose d'aborder ces questions en parcourant l'oeuvre de Michel de Certeau, afin de faire voir les vertus créatrices et critiques que recèlent les marges. À lire aussi dans ce numéro : La société française s'est-elle droitisée ?, les partis-mouvements, le populisme chrétien, l'internement des Ouïghours, le pacte de Glasgow, le tombeau de Proust et se donner du temps à Fontainhas.
Les « communs », dans leur dimension théorique et pratique, sont devenus une notion incontournable pour concevoir des alternatives à l'exclusion propriétaire et étatique. Opposés à la privatisation de certaines ressources considérées comme collectives, ceux qui défendent leur emploi ne se positionnent pas pour autant en faveur d'un retour à la propriété publique, mais proposent de repenser la notion d'intérêt général sous l'angle de l'autogouvernement et de la coopération. Ce faisant, ils espèrent dépasser certaines apories relatives à la logique propriétaire (définie non plus comme le droit absolu d'une personne sur une chose, mais comme un faisceau de droits), et concevoir des formes de démocratisation de l'économie. Le dossier de ce numéro, coordonné par Édouard Jourdain, tâchera de montrer qu'une approche par les communs de la démocratie serait susceptible d'en renouveler à la fois la théorie et la pratique, en dépassant les clivages traditionnels du public et du privé, ou de l'État et de la société.
Des exilés plongés dans des limbes, contraints de risquer leur vie, une absence de solidarité entre les États, la multiplication des camps, le rétablissement des contrôles aux frontières?: autant d'échecs du système européen de l'asile. Face à cette crise, le dossier coordonné par Pierre Auriel refuse à la fois la déploration et le cynisme. Il suggère de composer avec la peur des migrations pour une politique plus respectueuse des droits des exilés. À lire aussi dans ce numéro?: l'obligation d'insertion, Michon marxiste ?, ce que Latour fait à la philosophie, la fin des libertés en Russie, et l'actualité de Georges Perec.
Comment est-on passé, en quelques décennies, d'une Pologne exemplaire, européenne, aux intellectuels brillants (Geremek, Michnik, etc.), à une Pologne nationaliste, euro-sceptique , anti migrants qui remet en cause l'État de droit ?
Le dossier rendra compte des débats d'idées en Pologne aujourd'hui, notamment ceux qu'animent des intellectuels ou des acteurs sociaux de la nouvelle génération. Il s'agit de mettre en valeur tant ce qui relève de la spécificité d'une histoire longue (place de l'Église, mémoire de la guerre et de la Shoah) que du bilan contrasté des trente dernières années (transition démocratique, politiques européennes, mouvements de femmes). Après tout, ce que nous constatons dans ce « jeune » État membre européen a préfiguré, à bien des égards, les évolutions politiques en Autriche, en Italie, au Royaume Uni ou en Suède, qui ne sont pas d'anciens pays communistes « de l'Est ».
Nos attentes à l'égard de la littérature ont changé. Autant qu'une expérience esthétique, nous y cherchons aujourd'hui des ressources pour comprendre le monde contemporain, voire le transformer. En témoigne l'importance prise par les enjeux d'écologie, de féminisme ou de dénonciation des inégalités dans la littérature de ce début du XXIe siècle, qui prend des formes renouvelées : le « roman à thèse » laisse volontiers place à une littérature de témoignage ou d'enquête. Ce dossier, coordonné par Anne Dujin et Alexandre Gefen, explore cette réarticulation de la littérature avec les questions morales et politiques, qui interroge à la fois le statut de l'écrivain aujourd'hui, les frontières de la littérature, la manière dont nous en jugeons et ce que nous en attendons. Avec des textes de Felwine Sarr, Gisèle Sapiro, Jean-Claude Pinson, Alice Zeniter, François Bon.
Depuis la vague de déboulonnage des statues qui a suivi l'assassinat de George Floyd, en mai 2020, la mémoire et le patrimoine sont redevenus, de manière toujours plus évidente, des terrains de contestation politique. Inscrire ces appropriations de l'espace urbain dans un contexte élargi permet d'en comprendre plus précisément la portée : des manifestations moins médiatisées, comme l'arrachement de la statue d'un empereur éthiopien en Grande-Bretagne, ou touchant à des strates d'histoire inattendues, comme la gestion de la statuaire soviétique, participent d'une même volonté de contester un ordre en dégradant ses symboles. Alors qu'une immense statue célébrant l'amitié russo-ukrainienne vient d'être démontée à Kiev, le dossier de ce numéro, coordonné par Anne Lafont, choisit de prendre au sérieux cette nouvelle forme de contestation, et montre que les rapports souvent passionnés que les sociétés entretiennent avec leur patrimoine n'est jamais sans lien avec leur expérience du conflit. À lire aussi dans ce numéro : l'histoire, oubli de l'inconscient ?, le prix de l'ordre, pour une histoire européenne, les femmes dans l'Église, les réfugiés d'Ukraine et nos mélancolies secrètes.
À l'occasion d'une rétrospective Chris Marker à la cinémathèque française, Esprit consacre un dossier à cet artiste éclectique qui a collaboré étroitement avec la revue dans toute la période d'après guerre. Dans Esprit, Marker est journaliste et essayiste avant d'être cinéaste : engagé dans l'édition, l'éducation populaire, les mouvements de jeunesse puis les luttes coloniales, il teste dans ses articles la forme de l'essai qui distinguera particulièrement son cinéma, entre le reportage et l'enquête, l'élaboration poétique et la reconstruction historique, la réflexion sur le présent et celle sur ces racines. Toujours il est question de sortir de la guerre, non pas en fuyant la « preuve » documentaire ou la mémoire, mais en les laissant se frotter à l'imagination et à un réel toujours mouvant.
L'anthropologie du don de Marcel Hénaff, ainsi que son éthique de l'altérité et sa politique de la reconnaissance, permettent de penser les limites de la marchandisation, le lien entre les générations et les transformations urbaines. À lire aussi dans ce numéro : l'image selon Georges Didi-Huberman, l'enseignement de la littérature, la neuropédagogie, l'invention de l'hindouisme, l'urgence écologique et la forme poétique de Christian Prigent.
Ces dernières années ont vu émerger la vague #MeToo, ainsi que des figures féminines importantes dans les soulèvements populaires à travers le monde.
L'expérience des femmes aujourd'hui, issue d'une histoire sensiblement différente de celle des hommes (et irréductible à la domination masculine) a radicalement transformé la conscience collective durant les dernières décennies.
Comment vivent les femmes aujourd'hui ? Avec les contributions d'Anne Dujin, Camille Froidevaux-Mettrie, Véronique Nahoum-Grappe, Joël Hubrecht, Ivan Jablonka, Geneviève Fraisse...
La crise des Gilets jaunes a mis en lumière un rapport contradictoire des Français à leur État : au rejet des élites politiques et des hauts fonctionnaires se superpose un sentiment d'abandon et une demande d'État, ou en tout cas de services publics. La réponse, pour l'instant, est venue sous la forme d'une réaffirmation des prérogatives « régaliennes » de l'État, mais aussi de projets de « transformation de l'action publique » censé rendre l'État plus agile, moins coûteux et le rapprocher de la société. Ces projets de réforme réveillent un vieux fonds culturel qui fait de l'État français, centralisé et autoritaire, l'héritier de l'absolutisme, mais ils portent aussi la marque de l'idéologie néo-libérale qui promeut « la raison du moindre État ». Comment comprendre ces contradictions? Voulons nous encore, en France, faire le choix de l'État? Quel rôle et quel sens souhaitons nous lui donner? Avec des textes d'Antoine Garapon, Lucile Schmid, Philippe Bezes et Sebastian Roché.