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GENEVIEVE LEIBRICH
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Un homme devient soudainement aveugle. C'est le début d'une épidémie qui se propage à une vitesse fulgurante à travers tout le pays. Mises en quarantaine, privées de tout repère, les hordes d'aveugles tentent de survivre à n'importe quel prix. Seule une femme n'a pas été frappée par la «blancheur lumineuse ». Saura-t-elle les guider hors de ces ténèbres désertées par l'humanité ? ces ténèbres désertées par l'humanité ?
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La Lucidité est en quelque sorte la suite de L'Aveuglement. L'un comme l'autre se présentent comme une allégorie (on se souvient de ce pays dont tous les habitants sont soudain frappés de cécité et qui, livré au pillage, au crime et à la violence, est sauvé par une femme, la seule ayant gardé la vue) avec, en plus, dans ce roman-ci, une intrigue policière et une tension qui tiennent réellement le lecteur en haleine. Dans La Lucidité, pas de nom de pays, de ville, de personnages, aucun nom propre et cependant ce roman, apparemment abstrait et théorique, est bâti autour d'une intrigue bien concrète pour accuser les formes dévoyées de nos démocraties, se moquer de la corruption du pouvoir, de la stupidité des partis politiques de droite comme de gauche. A la suite d'élections municipales qui font apparaître 83% de votes blancs sans aucune abstention, le gouvernement et tous les partis politiques paniquent et, convaincus qu'il s'agit d'une conspiration organisée, choisissent la répression : espionnage, arrestations, état d'urgence. En réponse, les citoyens couvrent la ville d'autocollants ou est inscrit « j'ai voté blanc » et organisent des manifestations avec des drapeaux blancs. La pagaille s'installe. Le gouvernement et le parlement décident alors de quitter la ville, de nuit. Lorsque les cortèges se dirigent vers la sortie de la ville, toutes les fenêtres s'allument. Puis la ville est livrée à elle -même et encerclée par l'armée. La population résiste pacifiquement. Les ministères de la Justice, de l'Intérieur et de la Défense décident alors d'envoyer un commissaire de police et deux inspecteurs pour trouver et arrêter les meneurs. Sans résultats : il n'y a pas de suspect. Le pouvoir organise alors un attentat qu'il met sur le compte des organisations subversives. Lorsqu'une lettre anonyme accuse la femme qui, dans L'Aveuglement, avait été la seule à garder la vue, le bouc émissaire est tout trouvé. La presse se déchaîne. Mais le commissaire qui mène l'enquête sur place se rend bien compte que les votes blancs n'ont été que la simple utilisation d'un droit parfaitement démocratique et que tout le reste n'est que manipulation du pouvoir. Sa prise de conscience s'achèvera en tragédie.
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L'Evangile selon Jésus-Christ. Si José Saramago avait vécu quelques siècles plus tôt, nul doute que ce cinquième évangile lui aurait valu les foudres de l'Eglise et le bûcher. Mais contredire aujourd'hui une histoire qui depuis deux millénaires appartient au domaine du sacré, est la mémoire symbolique et la matrice de notre civilisation, n'apparaît plus comme relevant de l'hérésie ou du blasphème. Encore que d'autres pays et d'autres religions n'hésitent pas à prononcer d'impitoyables sentences de mort contre les poètes et la poésie. Mais notre marge de liberté est-elle aussi grande que nous voulons bien le croire ? C'est la question que pose ici Saramago en faisant de Jésus, ce fils de Dieu qui ne voulait pas l'être, la victime sacrificielle et l'instrument du plus absolu des pouvoirs qu'est l'idée même de Dieu, et contre lequel toute rébellion est impossible. Comme les révolutions, les religions dévorent leurs enfants, aussi innocents soient-ils.
Dans cet évangile qui retrace l'enfance et la vie privée de Jésus en un drame romanesque somptueux, mêlant histoire, mythe et fiction. Saramago invite le lecteur à participer au débat voltairien que se livrent Dieu, le Diable et Jésus, chacun d'eux n'étant pas celui que l'on croit. La poésie de l'auteur et l'ironie du narrateur se rejoignent dans les arabesques et la polychromie d'une très grande écriture, une des plus accomplies et des plus maîtrisées de la littérature européenne d'aujourd'hui.
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Tertuliano Máximo Afonso, professeur d'histoire, découvre, dans un film loué par hasard, son double parfait. Horrifié, il visionne d'autres films qui confirment sa découverte. Avec l'aide de sa maîtresse, il part à la recherche d'António Claro, cet autre lui-même. Mais deux êtres semblables ne peuvent coexister... Et du désordre de l'identité naît la tragédie. José Saramago met brillamment en scène le mythe du double en le confrontant à la réalité de notre temps et à la crise de notre société.
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Histoire du siège de Lisbonne. Sans doute par provocation, peut-être pour saupoudrer de quelque piment sa monotone existence, le correcteur d'épreuves d'une maison d'édition, soudain saisi par une pulsion irrépressible, substitue un non à un oui et glisse sous la plume de l'auteur, un éminent historien, une contre-vérité fondamentale : non, en l'an 1147, les Croisés n'ont pas prêté main-forte au roi Afonso Henriques pour reconquérir Lisbonne occupée par les Arabes.
Mais, en voulant réfuter les faits reconnus par l'historiographie portugaise, Raimundo Silva-la cinquantaine pudique et réservée - ignore qu'il va boule-verser le cours de sa propre vie et que sa supercherie le mènera tout droit à une double passion : celle, partagée, pour Maria Sara, sa supérieure hiérarchique, et celle de l'écriture, qui va le pousser à réécrire l'histoire du siège de Lisbonne. Roman historique, fiction dans la fiction, histoire d'amour menée en parallèle entre Raimundo Silva et Maria Sara dans la Lisbonne moderne, Mogueime et Ouroana au pied de la capitale assiégée, ce livre est aussi une ode à un Portugal libéré de ses oppresseurs, sarrasins ou salazariens. L'écriture intense de José Saramago, sa maîtrise à tisser une pluralité de temps et d'espaces, sa conception du rapport entre histoire et littérature comme matériau de la pensée sont la preuve, une fois de plus, que cet écrivain est en train de bâtir une des grandes oeuvres de la littérature portugaise contemporaine.
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En 1551, le roi dom Joao III du Portugal offre à son cousin l'archiduc Maximilien d'Autriche, gendre de l'empereur Charles Quint, un éléphant indien qui sera conduit en caravane de la capitale portugaise à la capitale autrichienne. A partir de ce fait historique, José Saramago a bà¢ti un roman choral, un livre d'aventure et de voyage autour de deux personnages principaux : Salomon l'éléphant et Subhro, le cornac. Le transport de Salomon de Lisbonne à Valladolid puis Vienne, en passant par les plateaux de la Castille, la Méditerranée, Gènes et la route des Alpes, relève alors d'un véritable exploit. Les intempéries, le mal de mer, la faim, les tempêtes de neige sont autant d'obstacles que Salomon doit surmonter dans sa longue route vers un destin improbable. Tantôt objet de jalousie entre les armées, tantôt prétexte à l'accomplissement de miracles, souvent victime des caprices des monarques, mais soulevant toujours l'enthousiasme de villageois émerveillés, Salomon, aidé par Subhro le sage qui découvre le sens de l'autorité, de l'amitié, de l'honneur et même des religions. Pour les deux, ce voyage est une métaphore de la vie et la condition humaine.
Le livre est porté par une prose vivace et drôle, l' humour et l'ironie étant les armes que préfère Saramago pour dénoncer les abus de tous les pouvoirs et la vanité des hommes. Mais il transmet aussi une profonde émotion dans la défense des humbles et des êtres humiliés.
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En 1953, José Saramago remit un roman manuscrit à une célèbre maison d'édition de Lisbonne qui ne lui répondit pas et ne lui renvoya jamais son texte. En 1989, lors d'un déménagement, cette même maison d'édition retrouva le manuscrit et proposa à l'auteur de le publier. Saramago refusa et s'opposa à toute édition de son vivant.
La Lucarne nous parvient donc avec soixante ans de retard. On y raconte la vie des habitants d'un immeuble dans une petite ville portugaise. Des couples qui se haïssent, une femme entretenue, une jeune fille ambitieuse qui devient sa rivale, quatre couturières amoureuses de Beethoven et de Diderot, un cordonnier philosophe et son locataire, alter ego de l'auteur. Ce roman, profondément subversif pour le Portugal du milieu du XXe siècle, traite de situations apparemment anodines mais aussi profondes qu'universelles. Dans l'immeuble où Saramago a fait entrer le monde, les lecteurs retrouveront les personnages de ses romans futurs et l'univers littéraire qui a marqué toute son oeuvre.
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Depuis la nuit des temps, toute société humaine, nous dit l'auteur, se construit à partir de l'inéluctabilité de la mort. Et l'immortalité serait ce qui pourrait arriver de pire à l'espèce humaine, qui alors ne connaîtrait plus ni limites ni lois. Elle déchaînerait, comme ce qui arrive dans ce roman, les pires travers de l'homme, travers que Saramago s'amuse ici à fustiger avec une verve et une drôlerie rarement égalées jusqu'ici dans son oeuvre. Dans ce pays sans nom, où plus personne ne meurt, l'euphorie va vite céder la place au chaos, car le temps, lui, poursuit son oeuvre, et l'immortalité tant désirée se révèle n'être qu'une éternelle et douloureuse vieillesse. L'allégresse cède la place au désespoir et au chaos: les hôpitaux regorgent de malades en phase terminale, les familles ne peuvent plus faire face à l'interminable agonie de leurs aînés, les entreprises de pompes funèbres ferment, les compagnies d'assurance sont ruinées, l'État est menacé de faillite et l'Église de disparition, car sans mort, il n'y a pas de résurrection, et sans résurrection, il n'y a pas d'Église. Mais à partir du moment où quelques familles emmènent leurs vieillards dans le pays voisin où la mort est toujours en activité et où ils meurent aussitôt franchie la frontière, tous les moyens sont bons pour se débarrasser d'eux: organisations mafieuses, racket, corruption, chantage. Jusqu'au jour où la mort décide de reprendre du service, et devient le personnage central du roman : organisée, elle informe ceux qui vont mourir de la date de leur trépas en leur envoyant une lettre sur papier violet. Elle prend son travail si à coeur que le jour où un courrier destiné à un violoncelliste de l'orchestre national lui revient à plusieurs reprises, elle décide d'aller trouver cet homme qui refuse de mourir. Et succombe à la musique et à l'amour. Une façon de dire que seul l'amour est capable de conjurer la mort.
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Dernier livre de José Saramago, décédé peu après sa parution au Portugal et en Espagne. Caïn est sans doute le roman qui condense le mieux l'érudition, les inquiétudes, les convictions et le talent de conteur du grand écrivain portugais, prix Nobel de littérature. Résolument humaniste, furieusement anti religieux, d'un humour ravageur, Caïn est la reécriture libre d'une oeuvre -selon Saramago, de fiction-, la Bible, à partir de l'un de ses personnages les plus emblématiques du mal et premier meurtirer de l'histoire: Caïn.Qu'est-ce qui a poussé Cain à tuer Abel ? L'envie, comme le disent les Ecritures ? Non, répond Saramago : l'injustice de Dieu. Méprisé, rejeté, mal aimé du père céleste, Cain le bon, le laboureur fidèle, s'est rebellé contre l'arbitraire et le favoritisme. Le coupable de la mort d'Abel, c'est Dieu. Condamné à errer sur la terre, Caïn, qui erre aussi dans le temps biblique, succombe aux charmes de Lilith, assiste et participe à des événements qui le le révulsent et contre lesquels il s'insurge. Il arrête le bras d'Abraham, prêt à assassiner son propre fils, regarde épouvanté les enfants et les innocents périr dans le brasier de Sodome, assiste impuissant à la colère de Moïse passant au fil de l'épée les adorateurs du veau d'or, observe les massacres et les pillages perpétrés par les tribus d'Israel contre les Madianites, la prise de Jericho, les souffrances inutiles infligées à Job. Et lorsqu'avec Noé il monte dans l'arche supposée sauver l'espèce humaine, il prend une décision drastique qui mettra fin aux agissements inconsidérés de ce Dieu rancunier, cruel et corrompu.Caïn est, le roman de la lutte séculaire entre l'homme et Dieu, entre le créateur et sa créature.
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Publié en 1980, Relevé de terre est le premier grand roman où apparaît la langue si particulière de Saramago. Du début du XXème siècle jusqu'à la Révolution des oeillets en 1974, il relate à travers trois générations l'histoire des Mau-Tempo, une famille de travailleurs agricoles de l'Alentejo, une des régions les plus arides du Portugal où existaient les immenses propriétés foncières, les latifundiums. L'exploitation, la misère, l'analphabétisme, la dureté des conditions de travail, la toute puissance des propriétaires, de l'Eglise et d'un Etat dictatorial sont des motifs qui traversent tout le livre jusqu'à la lente apparition des premières prises de conscience, des premières grèves, des premiers soulèvements.D'une puissance littéraire rarement égalée, Relevé de terre est un texte révolutionnaire: un roman réaliste qui casse tous les codes de la prose et du récit réalistes, un roman historique et politique sur la condition paysanne dont la construction du temps repose sur le traitement des personnages: tandis que le lecteur suit, de père en fils, l'histoire des Mau-tempo, les figures emblématiques du pouvoir ne changent pas: même curé, mêmes fonctionnaires, mêmes patrons, dans un contexte qui semble immuable jusqu'au moment de la révolte.La poétique singulière et admirable de Saramago apparaît pour la première fois dans ce livre qui a placé d'emblée l'écrivain à la hauteur de Camoêns et de Pessoa.
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Monsieur José, seul personnage de ce livre qui porte un nom, est un obscur employé de l'État civil. Il travaille dans l'immense bâtiment où sont conservées et mises à jour les archives des vivants et celles des morts. Il vit seul, dans un modeste logement contigu à la grande salle où les employés sont soumis à une stricte hiérarchie bureaucratique. Dans cet univers concentrationnaire, son seul passe-temps consiste à collectionner des renseignements sur les cent personnes les plus célèbres du pays. Un jour, par hasard, il prend la fiche d'une jeune femme. Et sa vie, tout à coup, bascule. Délaissant ses célébrités, il décide de rechercher l'inconnue et se lance, au rythme des longs phrasés de Saramago, dans de rocambolesques aventures. Il fouille la nuit dans les archives de l'État civil, falsifie des autorisations, entre par effraction dans une école, se blesse en escaladant un mur, attrape la grippe, et se met à rédiger un journal. Mais au terme de ses recherches, cet Orphée des temps modernes ne rencontrera la jeune femme ni dans l'Enfer des archives ni au cimetière, « cette grande bibliothèque des morts », où un berger s'amuse à changer les plaques funéraires sur les tombes. Sa quête de l'inconnue, l'espoir d'un amour qu'il ne vivra jamais l'auront mené, en le conduisant vers l'autre, au dépassement de soi, à lui-même.
Enquête policière, conte philosophique, réflexion sur la vie et la mort, la lumière et l'obscurité, Tous les noms, l'un des romans les plus profonds et les plus émouvants du grand écrivain portugais, mérite déjà d'être défini comme un classique.
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Cipriano algor est potier.
Il vit avec sa fille marta et son gendre marçal dans un petit village non loin d'un gigantesque centre commercial, une bâtisse de 48 étages avec magasins, restaurants, bars, piscines, services médicaux, appartements très convoités et un service d'ordre féroce. lorsque le centre fait savoir à cipriano algor que sa vaisselle en terre cuite, rustique, cassable et démodée ne fera plus l'objet d'aucune commande, le potier comprend que tout ce qui avait donné sens à sa vie a brutalement disparu.
Il ne lui restera plus alors, au fil d'un long cheminement, qu'à essayer de sauver par l'imagination et la rébellion, un monde en voie de disparition, rongé par un autre qui grandit et se multiplie comme dans un jeu de miroirs oú l'illusion trompeuse ne connaît pas de limites.
Avec l'aveuglement et tous les noms, la caverne forme un triptyque dans lequel josé saramago nous livre sa vision d'un monde courant au désastre en même temps que son attachement profond aux valeurs universelles de l'humanisme.
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La nuit des femmes qui chantent
Lidia Jorge
- Editions Métailié
- Bibliotheque Portugaise
- 19 Janvier 2012
- 9782864248484
1987. Cinq jeunes femmes autour d'un piano, cinq survivantes du naufrage de l'Empire colonial portugais, elles sont là pour chanter. Il y a Gisela, qui les a convoquées et va mettre toute son audace et son énergie à leur transformation en un groupe vocal qui enregistre des disques et se produit sur scène. Il y a les deux soeurs Alcides, Maria Luisa la mezzo-soprano et Nani la soprano qui sortent du conservatoire. Il y a Madalena Micaia, The African Lady, à la sublime voix de jazz, noire et serveuse dans un restaurant, et enfin la plus jeune, Solange de Matos. Elle a 19 ans, elle découvre la vie et la ville, elle n'a pas une grande voix mais un grand talent " pour les petites choses ", elle compose des paroles de chansons inoubliables qui vont faire la gloire du groupe.
Puis il y aura l'amour aérien et ambigu du chorégraphe international Jõao de Lucena.
Il y a les relations de pouvoir si particulières des femmes, les pressions psychologiques, la façon de tout sacrifier à la réalisation d'un objectif.
Elles ont travaillé dans un garage, elles ont appris à chanter, à composer des chansons, à danser sur scène, à marcher comme on danse, elles ont enregistré un disque, et l'impensable s'est produit.
Vingt ans après, la télévision, le royaume de l'instantané, leur consacre une émission et elles se retrouvent là, entre émotion et mensonge.
Romancière au sommet de son art, dominant une langue raffinée et subtile pour aller au plus profond des sentiments et de l'histoire des changements d'une société, Lídia Jorge écrit ici un roman puissant et limpide.
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Théorie générale de l'oubli
José eduardo Agualusa
- Editions Métailié
- Bibliotheque Portugaise
- 13 Février 2014
- 9782864249467
Luanda, 1975. À la veille de l'Indépendance, Ludovica, agoraphobe et terrorisée par l'évolution des événements, se retranche dans son appartement en construisant un mur qui en dissimule la porte et la met à l'abri du reste du monde. Ayant transformé sa terrasse en potager elle va vivre là presque trente ans, avec son chien Fantôme et un cadavre, coupée de tout. Ludo a vraiment existé et mené la vie que raconte le roman. En entrelaçant cette histoire avec les aventures tumultueuses des autres personnages, voisins ou entraperçus dans la rue, tous plus ou moins impliqués dans le marasme de la guerre civile, Agualusa souligne avec une ironie subtile les extraordinaires coïncidences de la vie et crée un roman brillant et enchanteur.
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Dans une écriture limpide et poétique, José Saramago nous livre une mosaïque de souvenirs d'enfance et d'adolescence. Entre Azinhaga, la terre de ses grands-parents, où il est né, et Lisbonne, où il a grandi, images, sensations, anecdotes reviennent pêle-mêle à la mémoire du grand écrivain: une famille de paysans pauvres, une grand-mère analphabète, un père devenu fonctionnaire de police à force de travail, et un enfant qui court dans les oliveraies, passe de longues heures sur les rives du Tage, contemple les beautés d'un ciel nocturne, marche pendant plusieurs jours en compagnie de son oncle pour aller vendre des cochons à une foire aux bestiaux, s'évade, solitaire, dans la lecture, ou cède à la magie des cinémas lisboètes.
Cet attachement à la terre et aux plus humbles a nourri toute l'oeuvre du Prix Nobel de littérature et éclaire l'engagement sans faille d'un homme aux côtés des opprimés.
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Deux mondes se croisent dans ce roman : notre monde contemporain emporté par des transformations accélérées, mû par un instinct sauvage de l'avenir et un monde plus ancien, dans lequel une vieille usine abrite le destin d'une famille nombreuse récemment arrivée d'Afrique. Deux mondes apparemment inconciliables mais que le hasard va mettre en contact par l'intermédiaire de Milena Leandro, l'étrange jeune fille aux yeux de laquelle tout naît pour la première fois et dont la simplicité va tout bouleverser.
C'est elle qui nous conduit à travers la mort vers un amour impensable, un crime, une trahison et un silence à jamais scellé. Son regard toujours neuf sur la vie, le bien et le mal, sa vision de la valeur du monde constituent la matière même de ce roman.
Au milieu d'un Algarve tragique et sauvage, Milena évolue entre une famille attachée à ses privilèges et à son image sociale et une tribu cap-verdienne vivace pour laquelle la musique irrigue la vie.
Cet extraordinaire roman a reçu au Portugal le Prix de l'APE, l'un des plus prestigieux.
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Hallebardes ; suivi d'un récit de Roberto Saviano
José Saramago, Roberto Saviano, Günter Grass
- Le Seuil
- Cadre Vert
- 15 Octobre 2020
- 9782021423921
Quelques mois avant sa mort, José Saramago avait entamé l'écriture d'un nouveau roman ayant pour thème le commerce des armes et la responsabilité individuelle. Ce récit demeuré inachevé raconte le conflit moral d'Artur Paz Semedo, employé d'une usine d'armement qui, intrigué par le sabotage d'une bombe pendant la guerre civile espagnole, décide d'enquêter à l'intérieur même de son entreprise. Sa plongée dans le dédale des archives et les découvertes qu'il y fait le poussent à réfléchir sur la guerre en tant que renoncement éthique majeur de l'humanité, et sur le caractère apparemment inévitable de la violence.
Cette édition comprend les notes de travail de l'auteur sur la fin qu'il envisageait de donner à cette histoire, ainsi qu'un texte inédit de Roberto Saviano, écrit pour son ami José Saramago à l'occasion du dixième anniversaire de sa disparition. Un an avant son propre décès, Günter Grass, lui aussi prix Nobel de littérature, s'était joint à cet hommage en offrant quelques-uns de ses dessins consacrés à la violence et la guerre.
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" Je vis tous les jours avec mes personnages pendant un an et demi, dix heures par jour.
Quand vous arrivez à la page 300, cela vous attriste un peu de les quitter. Je comprends très bien Faulkner qui faisait passer ses personnages d'un livre à l'autre. L'autre jour, je me trouvais dans un quartier périphérique de Lisbonne où vit l'un des personnages de La mort de Carlos Gardel. J'étais arrêté à un feu rouge et je m'attendais à ce qu'il surgisse d'un instant à l'autre, me demandant dans quel café il irait.
C'est un personnage absolument secondaire et pourtant, je me suis mis à y penser comme s'il était réel. Un soir que Balzac discutait politique avec des amis il leur a dit : " Parlons de choses réelles, parlons d Eugénie Grandet." Le roman ça demande un effort soutenu. Un jour, j'ai vu un ouvrier travailler très lentement et je lui ai demandé pourquoi il n'allait pas plus vite. Il m'a répondu que c'était inutile puisque le travail ne finit jamais.
Il avait tout à fait raison. Pendant toute ma vie, écrire a été la chose la plus importante, j'y ai tout sacrifié et je commence à éprouver le besoin de faire autre chose. Vous savez, après un certain âge, les écrivains se répètent, s'imitent. Enfin j'ai beaucoup réfléchi, j'ai maintenant l'intention d'écrire un dernier cycle et puis c'est terminé. Treize romans, ce n'est déjà pas si mal. J'ai un coussin où je pourrai poser ma tête quand je serai mort.
" France David/Jean Hubert Gailliot Les Inrockuptibles (1995).
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Prisonnier de son histoire et de son lit d´hôpital, Eulálio Montenegro d´Assumpção se confronte à la vie passée. La présence d´une infirmière, de sa fille ou de sa mère décédée, entretient en lui le besoin d´explorer des souvenirs qui s´entrechoquent en fouillant le parcours des générations qui le précèdent et qui le suivent. Sa vision de l´héritage familial se nuance au fil de la mémoire qui évolue, s´immisce en des lieux insoupçonnés à l´ombre permanente du doute.
Né au début du XXe siècle, il raconte l´évolution du Brésil à travers les figures de la dynastie Assumpção. Dans son récit, la fécondité et l´hérédité reviennent comme une obsession à travers l´image du lait. Elle envahit les pensées pour révéler un quotidien fait de jalousie et de quête d´honneur qu´Eulálio est condamné à ressasser.
D´une plume rythmée et colorée, Chico Buarque nous plonge dans les méandres d´un esprit hanté par les fantômes familiaux. Au seuil de la mort, les figures se confondent en une ronde angoissée et nous conduisent à interroger le mouvement de l´histoire. Quand je sortirai d´ici est un texte intense qui examine la mémoire d´un homme compressé par la généalogie et celle de toute la nation brésilienne.
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H., peintre conventionnel et sans véritable talent, est chargé de faire le portrait de S., directeur d'une grande entreprise. Conscient de ses limites, souffrant de la médiocrité de ses toiles et de la banalité de sa vie, H décide de s'interroger sur le sens de son existence et sur celui de son art. Pour cela, il commence à exécuter dans le secret de son atelier un second portrait de S. et, parallèlement, décide d'écrire un journal. Peu à peu, il découvrira qu'en peignant un autre c'est lui-même qu'il peint et qu'en voulant mieux se connaître à travers l'écriture c'est vers l'art que celle-ci le conduit.
Ce roman, publié en 1983, contient en germe quelques-uns des grands thèmes chers à José Saramago : médiocrité de la vie quotidienne, crise morale et engagement de l'artiste, interrogation sur l'existence de Dieu, quête et dépassement de soi.
Le journal de H., en rendant inséparable la vie d'un homme de son oeuvre dans un constant va-et-vient entre réalité et fonction, mensonge et vérité, nous offre un des plus beaux romans sur les rapports entre l vie et l'art, l'éthique et l'esthétique.
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Manaus : une île fiévreuse et tragique fichée au coeur de l'amazonie.
Luxe tapageur pour les héritiers du caoutchouc et dénuement endémique pour les damnés de cette terre détrempée. deux garçons s'y voient obligés de choisir à l'âge d'homme entre l'obéissance et la révolte : un orphelin méritant espère trouver dans le droit la justice sociale, quand le fils rebelle d'un propriétaire terrien cherche dans l'art le salut du monde. ils sont amis à la vie à la mort, et c'est la nécessité de la différence de l'autre qui cimente leur relation.
Le fils bohème est en lutte contre le père, l'épais humus de la province, la morale dominante ; autant de positions radicales que lui envie un ami certes libre de toute autorité parentale, mais qui n'a pas été éduqué à choisir. ils sont les deux visages d'une génération élevée sous la chape de la dictature. chacun poursuit des chimères, incapables qu'ils sont tous deux de desserrer les mâchoires d'un étau familial et géographique anthropophage.
La modernité ronge l'identité des espaces primitifs symboliques de l'amazonie, en écho à leurs blessures intimes. de leurs rêves d'avenir ne restent que des cendres, charriées par le fleuve-mer, et milton hatoum de poser ici une pierre cardinale à l'édification de sa singulière "comédie humaine".
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Hôtel Brasilia
Joao Almino
- Editions Métailié
- Bibliothèque Brésilienne
- 6 Septembre 2012
- 9782864248811
Une nouvelle capitale est en train de s'élever au centre du Brésil, toutes sortes de gens confluent vers ce nouvel espoir de travail et de vie. Le père du héros se donne pour mission de relater au jour le jour dans ses cahiers cette nouvelle vie en train d'éclore. Il vit à Cidade Livre, la Ville libre, appelée plus tard Nucleo Bandeirante, entre ville provisoire et bidonville, peuplée d'ouvriers, d'ingénieurs, de commerçants et de prostituées.
Avec lui, il y a son jeune fils, le narrateur, et ses deux tantes adoptives, Matilde et Francisca, sources d'étonnements et d'émois. Ce récit de la construction de Brasilia entre 1956 et 1960 mêle les espoirs et les exploits, les constructeurs de la ville, les visiteurs célèbres ou non, les bâtisseurs de société et les rêveurs des sectes qui s'assemblent dans le désert du planalto brésilien. Au moment où il croit lire un reportage sur une utopie réalisée le lecteur tombe dans les rets du romancier et dans ce tourbillon vertigineux qu'est la subjectivité.
Il se perd sur les traces de Valdivino, le paysan du Nordest, et de son mystérieux grand amour, la prophétesse Iris Quelemém qui règne sur le jardin du Salut. Il suit les courses du jeune garçon fasciné par la cycliste aux tresses brunes, l'épopée de l'ouverture de la route Brasilia Belem, les amours clandestines du père, les spéculations financières et les dettes qui le jetteront dans la prison où va le voir son fils adulte pour comprendre ses secrets.
João Almino capte les voix qui affluent vers cette ville mythique et les restitue dans un incomparable style transparent à l'image de la lumière de Brasilia.
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Le dernier livre de Chico Buarque a créé la sensation lors de sa publication au Brésil, car il revient de manière à peine fictionnalisée sur un secret de famille en révélant que son père, le célèbre intellectuel et essayiste Sergio Buarque de Holanda, a eu un fils avec une jeune Allemande dans les années trente. ( Nota bene : les Éditions Gallimard ont publié Racines du Brésil de ce dernier, dans la collection Arcades). Chico Buarque, tout en établissant clairement les faits à la fin du livre, réussit à en faire un formidable roman où fiction et réalité jouent à cache-cache. Le héros de son roman s'appelle donc Francisco. Il vit dans une maison emplie de livres que sa mère range avec un dévouement maniaque pendant que le père travaille en pyjama dans son bureau et que les conquêtes féminines défilent dans la chambre du grand frère. C'est en empruntant en cachette un ouvrage de son père - Le rameau d'or de Frazer - que Francisco tombe sur une lettre adressée à son père Sergio de Hollander. La lettre est écrite en allemand et date de 1931. Francisco fait traduire la lettre et apprend ainsi que l'expéditrice de la missive, une certaine Anne Ernst vivant à Berlin, s'adresse à de Hollander au sujet du fils qu'ils ont eu ensemble. Il se met alors en tête de retrouver ce frère inconnu qui devient une figure obsessionnelle. Il comprend que son père a voulu adopter ce fils allemand, mais que cela n'a pas pu se faire. Pour le reste, toutes les pistes se perdent quelque part entre le Brésil et l'Allemagne, ou plus précisément la RDA, où le petit garçon appelé d'abord Sergio (comme son père), puis Heinz et à nouveau Sergio, a fait une carrière de journaliste et de chanteur avant de mourir assez jeune. Parallèlement à cette enquête, Francisco traverse les révoltes estudiantines de 1968, la répression militaire, ses débuts en tant que professeur de littérature française puis la dictature, et enfin, la mort de ses parents. Le récit que le narrateur fait de ses investigations et de sa vie est marqué par le sceau d'une fantaisie et d'une drôlerie remarquables, et il est également truffé de références littéraires qui vont de Rimbaud à Borges en passant par Thomas Mann et Kafka. La narration explore ainsi l'histoire brésilienne tout autant qu'un héritage familial douloureux, dont l'auteur fait surgir une oeuvre bouleversante.
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La couverture du soldat
Lidia Jorge
- Editions Métailié
- Suite Portugaise
- 21 Février 2004
- 9782864244967
Emma découvre qu'elle est la fille du jeune frère de son père, chassé par la famille et dont elle ne connaît que les dessins d'oiseaux qui jalonnent ses voyages à travers le monde.
Elle va aimer passionnément ce père étrange qui lui a donné sa couverture de soldat et son revolver. puis, adolescente, elle assiste à la lente destruction par la famille de l'image de l'absent. lydia jorge écrit ici un roman poignant, direct, limpide, d'une force incroyable, qui vous tient prisonnier bien au-delà de sa lecture. un livre exceptionnel.